Le palais de justice de Percé en 1954
Centre d'archives de la Gaspésie/Musée de la Gaspésie. P167 Fonds Jacques Hébert. P167/A,1.
COMMENT LES PROCUREURS DE LA COURONNE ONT ÉTÉ CHOISIS DANS L'AFFAIRE COFFIN
EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
PARTIE VII, VOLUME 2, PAGES 417 ET SUIVANTES
SUR CERTAINS INCIDENTS MAJEURS DE L’AFFAIRE COFFIN
PRÉLIMINAIRES
La Commission a étudié, à ce jour, cette partie importante de la preuve touchant directement aux événements reliés aux meurtres des chasseurs et aux moyens invoqués à la défense de Coffin par ses défenseurs, avocats et autres : elle étudiera maintenant certains incidents majeurs de l’affaire.
Chapitre 1
LES «INTERVENTIONS ÉTRANGÈRES »
Et
LE CHOIX DES REPRÉSENTANTS DE LA COURONNE
Le choix des procureurs de la Couronne
À la page 45 du livre de monsieur Hébert, on lit les autres mots aimables que voici :
« Le procureur général, en mal d’action confia la poursuite à ses meilleurs procureurs, selon les standards de Québec, c’est-à-dire à deux hommes qui avaient à leur crédit un grand nombre de pendus.
Dans la région de Québec, plus encore qu’ailleurs dans la province, un bon procureur de la Couronne est celui qui, par son habileté et son éloquence, réussit le plus fréquemment à obtenir d’un jury la tête d’un accusé. Selon ce barème, Me Paul Miquelon et Me Noël Dorion étaient d’excellents procureurs de la Couronne.
Ces deux champions du prétoire étaient assistés de Me Georges Blanchard, procureur de la Couronne de Chandler, qui a joué un rôle assez effacé au cours du procès. On doit tout de même le considérer comme le complice de ses deux collègues ; non seulement ne s’en est-il pas dissocié, mais sept ans après le procès, le procureur devenu, bien sûr, le juge Georges Blanchard, déclarait tranquillement à un journaliste du Soleil : « Coffin a été jugé par ses pairs, soit douze jurés, à la suite d’un procès équitable et juste… »
M. le juge n’est pas difficile… »
Outre que les affirmations de monsieur Hébert, quant au standard de Québec relativement au choix des procureurs de la Couronne, sont absolument gratuites, injurieuses, extraordinairement blessantes pour tout avocat à qui échoit l’honneur et le fardeau de protéger les intérêts de la population entière de la province en agissant comme procureur de la Couronne, elles le sont tout particulièrement à l’égard de Me Noël Dorion, de Me Paul Miquelon (aujourd’hui juge de la Cour Supérieure) et de Me Georges Blanchard, aujourd’hui juge de district ; elles sont de plus mal fondées en faits et dès lors doublement injustes.
Quant au choix des procureurs de la Couronne, voici comment, aux dires de Me C.E. Cantin, et tel que l’ont confirmé les procureurs de la Couronne eux-mêmes, ce choix s’effectua.
Parce que Me Cantin savait que le docteur Rioux, Coroner de district, avait soulevé certaines inquiétudes à l’occasion d’enquêtes qu’il avait présidées – ce coroner se croyant avocat en même temps que médecin -, parce que Me Cantin avait décidé que dans une enquête de cette importance , il était nécessaire qu’un procureur de la Couronne avec lequel il aurait pu causer au préalable de vive voix soit sur place pour que l’enquête se déroule de la façon la plus régulière possible, parce que Me Blanchard, le procureur de la Couronne à Chandler avait demandé de l’aide, - ce que Me Blanchard confirma devant nous, - et parce qu’il était déjà décidé que même si le verdict du Coroner était favorable à Coffin celui-ci serait néanmoins mis en accusation et que l’enquête préliminaire aurait lieu le lendemain de l’enquête du Coroner, Me Cantin suggéra au Solliciteur Général que Me Noël Dorion, le procureur de la Couronne senior à Québec, qui avait une grande expérience dans ce domaine des enquêtes, car il dirigeait toutes les enquêtes du Coroner à Québec, soit envoyé.
Ce furent les seules raisons pour lesquelles Me Dorion reçut le mandat de se rendre à Gaspé pour l’enquête du Coroner et au cours de l’enquête préliminaire, il était normal que Me Dorion agisse également pour la conduite de l’enquête au procès. Nous ignorons s’il avait à son crédit un grand nombre de condamnations ; il est indéniable cependant que Me Dorion jouissait et jouit encore de la réputation d’être un avocat consciencieux, féru de droit, possédant le sens inné de la justice et par ailleurs éloquent ; il n’y a pas de doute que, grâce à ces qualités, Me Dorion a remporté, dans la pratique du droit, des succès nombreux. Il est contre toute raison de penser et de prétendre que, dans le cas d’un procès pour meurtre, le devoir des autorités judiciaires soit de s’abstenir de confier le fardeau de plaider pour la Couronne à l’un des procureurs de la Couronne en titre pour l’unique raison qu’il défend bien la Couronne dans les combats judiciaires qu’il entreprend.
Quant à Me Miquelon, ce n’est pas lui qui avait tout d’avoir été requis de se joindre à Me Dorion pour assumer cette partie de l’enquête qui devrait se faire en langue anglaise ; c’est l’un des procureurs de la Couronne du district de Montréal qui avit été nommé à ces fins ; Me Hill, empêché d’accepter ce mandat à cause de maladie, fut remplacé quelques jours à peine avant que le procès de Percé ne débute par Me Miquelon qui maîtrisait la langue anglaise à l’égal de la langue française. Quant à Me Blanchard, il était normal qu’en sa qualité d’avocat de la Couronne du District de Gaspé, il se joignit à ses confrères de Québec dont il se réjouit de la présence à ses côtés réalisant l’ampleur de la tâche de représenter la Couronne dans ce procès, eu égard au grand nombre de témoins qui devaient y être entendus, à la longueur certaine du procès et au fait que la preuve de la Couronne ne pouvait qu’en être une de circonstances.
Les observations de monsieur Hébert pourraient être écartées comme enfantine par tout homme de loi, si elles n’étaient pas, par ailleurs, si injurieuses et si blessantes ; d’autre part, ses attaques virulentes sont un plaidoyer en faveur de la médiocrité contre la supériorité. (À SUIVRE)
1 commentaire:
Excellent site
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