11 avril 2008

COMMENT LES CAPITAINES MATTE ET SIROIS ONT ÉTÉ CHOISIS DANS L'AFFAIRE COFFIN






LE CHOIX DES CAPITAINES MATTE ET SIROIS
EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
PARTIE VII, VOLUME 2, PAGES 417 ET SUIVANTES
SUR CERTAINS INCIDENTS MAJEURS DE L’AFFAIRE COFFIN

PRÉLIMINAIRES


La Commission a étudié, à ce jour, cette partie importante de la preuve touchant directement aux événements reliés aux meurtres des chasseurs et aux moyens invoqués à la défense de Coffin par ses défenseurs, avocats et autres : elle étudiera maintenant certains incidents majeurs de l’affaire.

Chapitre 1

LES «INTERVENTIONS ÉTRANGÈRES »

Et

LE CHOIX DES REPRÉSENTANTS DE LA COURONNE

Le choix des capitaines Matte et Sirois

Les capitaines Matte et Sirois ont décrit devant cette Commission dans quelles circonstances le mandat de conduire l’enquête policière sur la disparition des trois chasseurs américains leur fut confié. Leurs témoignages sur ce point furent entièrement confirmés par celui de Me Cantin qui était, à l’époque, Conseiller juridique au Département du Procureur général, mais agissait de facto comme Assistant Procureur général adjoint avec Me Frenette ; les fonctions de Me Cantin étaient plus spécialement de s’occuper des matières criminelles et, en particulier, des crimes majeurs ; c’est comme tel qu’il fut amené à s’occuper de l’affaire Coffin dès le début de cette affaire aux environs du 5 juillet 1953 ; à ces fins, il dut s’appuyer principalement sur les renseignements obtenus du sergent Doyon qui était en charge du poste de Gaspé, tel que les lui transmettait M. Henri Charland, alors assistant du Chef Lambert de la Sûreté à Québec ; M. Charland, à toutes fins pratiques, dirigeait toutes les enquêtes dans le district d’appel judiciaire de Québec comprenant la moitié de la province. Informé que jusqu’au 11 juillet, après que fut retrouvée la camionnette abandonnée des chasseurs, les seules personnes qui, jusque-là, étaient allées en forêt et avaient fait la découverte étaient des guides, gardes-chasse et gardes-pêche de la région de la Gaspésie, informé que le père de l’une des victimes se rendait sur place et que les journaux américains s’étaient eux aussi emparés de l’affaire et s’intéressaient évidemment au résultat des recherches entreprises, il fit donner des instructions au sergent Doyon d’accélérer les recherches et de ne pas laisser les chercheurs bénévoles travailler seuls et le fit informer que s’il avait besoin d’aide supplémentaire, le Département n’hésiterait pas à la lui donner. Informé quelques jours plus tard, par des rapports surtout verbaux de Doyon à Charland, que Doyon prétendait que trois cadavres avaient été découverts alors qu’un seul ne l’avait été à date et que Doyon déclarait que certains soupçons se portaient sur Wilbert Coffin, le dernier homme connu à rencontrer Eugene Lindsay, M. Cantin donna des instructions pour que le docteur Jean-Marie Roussel de Montréal et M. Maurice Hébert de Québec soient tous deux envoyés sur place (15 juillet 1953) ; il donna, le 17 juillet, des ordres à M. Charland pour que la vigilance et les activités soient redoublées afin que l’on ne taxe pas la Sûreté de ne pas faire son devoir et de l’abandonner à des mains étrangères agissant bénévolement ; inquiet des contradictions dans les rapports Doyon et de la lenteur avec laquelle l’enquête procédait, mystifié par un rapport de Doyon en date du 20- juillet qu’il ne croyait plus à un crime, mais croyait à un accident ou, s’il y avait eu crime, que le meurtre aurait été le résultat d’une chicane entre les trois chasseurs eux-mêmes, informé que pendant cette période importante Doyon serait allé à la pêche sur le terrain d’un club privé, Me Cantin prit le téléphone et fit des remontrances assez dures à Doyon ; puis, informé le 21 ou le 22 juillet, que les officiers de police de Gaspé et d’autres personnes, dont les chercheurs, s’étonnaient de la familiarité, de la complaisance, de l’amitié qui semblaient exister entre Doyon et Wilbert Coffin, M. Cantin rappela de nouveau Doyon pour lui laisser savoir qu’il ne comprenait pas que Coffin fut traité avec autant de familiarité et pour lui donner le conseil d’être prudent avec lui et d’essayer de lui faire vider son sac. Ce fut alors que Me Cantin avisa le Solliciteur général qu’il lui paraissait nécessaire, dans les circonstances, d’envoyer, comme cela se faisait souvent, un officier supérieur de la Sûreté pour aller diriger le travail.
Le choix s’arrêta tout d’abord sur un lieutenant Morel qui, malheureusement à cause de maladie, s’avéra n’être pas disponible ; il se fixa alors sur le lieutenant Martin Healey du Département des enquêtes criminelles ; celui-ci, qui était en vacances et était à se construire une maison, demanda à être exempté, demande qui lui fut accordée. C’est alors que le chois, par Me Cantin et le Solliciteur général, s’arrêta sur le capitaine Matte, après qu’on eut tout d’abord songé aux lieutenant Morel et Healy. Contre les objections du capitaine Matte, il fut décidé qu’il partirait immédiatement ; prévoyant que l’enquête exigerait beaucoup de déplacements à travers la péninsule, le capitaine insista pour qu’on lui nomme comme adjoint le capitaine Raoul Sirois, un Gaspésien de naissance connaissant bien la région et qui était en charge de la police de la route. Il y avait plus de quinze jours que la disparition des chasseurs avait été rapportée et à date un seul cadavre avait été retrouvé. Les capitaines Matte et Sirois se mirent en route dès le soir du 22 juillet et arrivèrent à Gaspé le lendemain matin, deux jours avant que le député Van Zandt demande des informations, sans doute pour faire plaisir à des électeurs énervés par les nouvelles sensationnelles en provenance de reporters dépêchés en vitesse à Gaspé et huit jours avant que le Solliciteur général reçoive la lettre « si menaçante » de la Canadian National Sportsmen’s Show.
Voilà comment ce « plus efficace d’entre les « durs » se mit à la recherche de « son pendu » sous la pression de l’intervention américaine !
Aux pages 42 et 43 de son volume, monsieur Hébert, pour mieux injurier encore le capitaine Matte, croit tout d’abord opportun de faire l’éloge de son enquêteur à lui, l’ancien sergent Henri Doyon :
« Le sergent Doyon, chargé de l’enquête au début, s’est conduit en homme consciencieux ; il n,a jamais sciemment caché des renseignements qui auraient pu être utiles à la Justice. Le sergent Doyon a donné la preuve qu’il cherchait la vérité, tout simplement. Parce que, dans cette province, on exige de la police qu’elle se mette au service des chasseurs de têtes que sont trop souvent les procureurs de la Couronne, l’esprit de justice du sergent Doyon ne pouvait influencer les exécuteurs de hautes œuvres, désignés par le Bureau du procureur général. Il était donc logique qu’on lui retire la direction de l’enquête. Ce que l’on fit.
Au nom de Cantin, Rivard et Duplessis, le capitaine Matte devenait le maître de la situation.
Ce policier était le vivant symbole du régime qu’il servait sans poser de questions, sachant bien que c’était la seule façon d’atteindre les premières places.
Dur, brutal et cynique, il était promis à une brillante carrière dans la Police provinciale de cette époque. »

La vérité est que, parce que le sergent, dans une période inexplicable de désorientation, « piétinait sur place », le capitaine fut, sans enthousiasme, appelé à lui venir en aide.
J’AFFICHERAI LA SEMAINE PROCHAINE LE CHOIX DES PROCUREURS DE LA COURONNE

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