EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
PARTIE IV
LA PREUVE DÉLAISSÉE, IGNORÉE OU.. ABSENTE
Chapitre 2
POURQUOI LA DÉFENSE S’EST TUE
Me FRANÇOIS DE B. GRAVEL, autre défenseur de Wilbert Coffin, fut lui aussi longuement interrogé devant cette Commission. Son témoignage qui dura plusieurs jours ne fut ni le plus clair, ni le plus serein, ni le plus persuasif, ni le plus satisfaisant des témoignages reçus par cette Commission ; il en fut même, à maintes reprises, le plus décevant surtout lorsqu’il porta sur des faits qui touchaient directement ou indirectement aux allégations contenues dans l’affidavit de son client Coffin, aux circonstances qui entourèrent l’obtention de la preuve documentaire dont le Ministère de la Justice fut saisi et sur les renseignements qu’il aurait pu communiquer lui-même à Hébert pour la préparation de son premier ouvrage. Sur tous ces points, son témoignage fut malheureusement rempli d’explications boiteuses, de tergiversations, d’hésitations, de prétendues nécessités de référer à son dossier et à ses « offices mémos », de faux-fuyants, de tangentes en direction de faits ne relevant nullement des questions qui lui étaient posées et, malheureusement aussi, de contradictions. La partie de son témoignage afférente à la décision qui fut prise de ne pas faire entendre Coffin ou des témoins en sa faveur ne fut pas elle-même exempte de « ces faiblesses". Plus particulièrement :
Sont plus que boiteuses ses explications quant à son affirmation qu’était vraie la déclaration de Coffin « I twas my personal desire to testify for my own defence » ; ce n’est qu’après beaucoup d’hésitation qu’il consent à admettre ne pas croire que Coffin « aurait souvent voulu intervenir pour confondre un témoin qui entraînait le jury sur une fausse piste» ni savoir que Coffin aurait supplié son avocat de le laisser parler.
Sur des questions plus que suggestives de M. Hébert, Me Gravel déclare qu’à plusieurs reprises que Coffin lui aurait manifesté le désir de témoigner au procès ; mais il affaiblit la force de l’affirmation précédente en déclarant que dans ses entrevues avec sont client, au sous-sol du Palais de Justice à Percé (pendant le procès) « on ne discutait pas du tout d’une possibilité de témoigner, mais on discutait des témoignages rendus».
Après avoir déclaré que Wilbert Coffin lui a demandé de témoigner, à la question qui lui fut posée pour savoir s’il en avait discuté avec son collègue, Me Maher, il répond : « Il y a eu plusieurs discussions entre Wilbert Coffin et moi-même et après, M. Maher et moi-même, seuls, ou M. Maher, Louis Doiron et moi-même».
Il admet, à regret, qu’il a pris connaissance des procédures de l’enquête préliminaire (sic); (en fait, la preuve démontre qu’il s’en était fait venir des copies peu de temps après avoir produit sa comparution en septembre 1953, plusieurs mois avant le procès).
Il se serait écoulé à peine vingt-quatre heures entre le moment où la Couronne a fini sa preuve et celui où Me Maher a fait sa déclaration « the defence rests ».
Me Gravel fait de la haute voltige pour tenter de faire retomber sur Me Maner seul la responsabilité de la décision de ne pas faire de défense, et ce, en faisant des distinctions subtiles entre le mandat qu’avait Me Maher de conduire l’enquête et de son mandat exclusif à lui de ne s’occuper que des questions de droit, en laissant entendre qu’il n’était pas au courant des témoins qu’il y aurait possibilité de faire entendre. (La preuve a révélé le contraire en ce qui a trait aux témoins relatifs à la jeep Arnold, à la prétendue jeep Lorne Patterson, et en ce qui a trait aux membres de la famille de Wilbert Coffin ; elle a révélé aussi que Me Gravel a contre-interrogé un certain nombre de témoins de la Couronne).
Me Gravel laisse entendre qu’il avait été avisé par Me Maloney de faire entendre Coffin comme témoin, alors que nous savons par le témoignage de Me Maloney que ses conseils sur ce point ne furent que conditionnels et sous toute réserve.
Enfin, Me Gravel admet que lorsque Me Maher déclara « the defence rests », il n’a fait aucune déclaration et s’est contenté de se taire.
Fut plus particulièrement caractéristique de l’attitude de Me Gravel devant cette Commission la réponse suivante qu’il fit à une question que lui posa le Président du Tribunal pour savoir s’il se rappelait avoir entendu son père lui dire, au vestiaire du Palais de Justice de Québec, en lui montrant le volume de M. Hébert : « voilà ton livre » : « Avant le début de cette enquête, M. le président, jamais, au meilleur de mon souvenir. Je serais très surpris. Permettez-moi de réitérer : Sûrement non ». (Or, nous savons aujourd’hui par la preuve subséquente que cette remarque de Me Gravel, père, fut véritablement faite à son fils.)
Sont également caractéristiques de l’attitude ambiguë de Me Gravel d’une part ses déclarations que la défense avait déjà tous les éléments nécessaires pour présenter une défense « positive» ( ?) et que les éléments de cette défense « positive » résultaient exclusivement des conversations qu’il avait eues avec son client et nullement de témoignages de l’extérieur, et d’autre part sa déclaration subséquente que, lorsqu’il déclara (devant la Commission) que la défense était prête (à faire entendre des témoins), il n’avait pas dit que Coffin était prêt à témoigner et que la défense reposerait surtout sur le témoignage éventuel de Coffin.
Me Gravel s’est réfugié derrière le secret professionnel pour refuser de mentionner les noms des témoins sur lesquels il pouvait compter et dont des listes auraient été dressées ; puis, il finit par donner des renseignements qui tendent à établir qu’il était parfaitement au courant des témoins auxquels Me Maher songeait relativement à l’affaire de la jeep Arnold.
C’est avec beaucoup de réticences et d’hésitations que Me Gravel admet qu’il avait pris connaissance du dossier de l’enquête préliminaire; prié par Me Noël Dorion de dire s’il a vérifié si l’affidavit de Coffin (d’octobre 1955) était conforme à sa déclaration « statutaire » d’août 1953, il refuse de répondre directement à la question et se réfugie derrière Me Maloney dont il dit qu’il a eu tout le dossier complet en sa possession.
Comment, dans les circonstances, accorder beaucoup de force à toute cette partie du témoignage de Me Gravel et tout simplement à cette partie de son témoignage qui se réfère à la question de la décision de ne pas faire entendre Coffin ?
Après s’être réfugié une fois de plus derrière le secret professionnel pour refuser de répondre à des questions portant sur la décision qui aurait été prise par lui et ses collègues de ne pas faire entendre Coffin, mais à la suite de la décision du Président de la Commission de rejeter l’objection formulée par Me Gravel pour le motif que Me Maher et lui-même avaient été relevés de leur secret sur ce point particulier par leur client par suite de l’affirmation contenue au paragraphe 3 de l’affidavit de Coffin à l’effet qu’on ne le laissa pas témoigner bien qu’il eût désiré le faire, Me Gravel donne les renseignements suivants :
Il savait depuis plusieurs jours que Me Maher dirait : « the defence rests ».
S’il n’a pas protesté, c’est parce qu’il croyait, comme il le croit encore, que les procureurs de la défense doivent être unanimes devant les jurés.
Il n’y a jamais eu de décision unanime prise entre lui et Me Maher et Me Doiron.
Le matin du jour où la déclaration fut faite, il savait qu’elle serait faite lorsqu’il s’est rendu à la Cour et il en connaissait les conséquences.
Il se ravise et déclare qu’il croit que c’est le matin même que Me Maher lui a dit ce qu’il dirait.
Il admet que deux jours avant que la Couronne ne termine sa preuve, Me Doiron avait été choisi pour plaider en français (et l’on sait qu’à ce moment Me Doiron savait qu’il parlerait après les procureurs de la Couronne).
Il admet qu’entre le verdict et la sentence, Coffin n’a rien dit et n’a pas répondu à la question du greffier : « Have you something to say before sentence is passed upon you ? »
Il ignore si Me Maher ou Me Doiron ont averti Coffin qu’aucune défense ne serait faite.
Il prétend que lui-même n’en a jamais averti Coffin.
Si l’on tient compte du fait que Me Gravel connaissait, comme Me Maher, la déclaration de Coffin du 6 août 1953, le droit qu’aurait eu la Couronne de produire cette déclaration et de contre-interroger Coffin advenant le cas où il témoignerait, du fait que Me Maher était d’opinion (avec raisons comme nous le verrons plus tard) que cette déclaration contenait des déclarations de Coffin dangereuses pour lui, du fait que Me Maher et Me Gravel logèrent pendant toute la durée du procès dans la même cabine et s’y rencontrèrent tous les jours, de la collaboration et de la coopération que doivent nécessairement s’accorder un avocat et son conseil et qui, aux dires de Me Maher ont été accordées, de la gravité des conséquences de la décision qui fut prise, il est inconcevable que cette décision n’ait pas été discutée, comme l’affirment catégoriquement Me Maher et Me Doiron, entre les trois procureurs de la défense, et que Me Gravel n’y ait pas acquiescé en fin de compte, même si, à l’origine, il avait pu entretenir, comme Me Maher, une opinion contraire. (Fin de ce chapitre)
PARTIE IV
LA PREUVE DÉLAISSÉE, IGNORÉE OU.. ABSENTE
Chapitre 2
POURQUOI LA DÉFENSE S’EST TUE
Me FRANÇOIS DE B. GRAVEL, autre défenseur de Wilbert Coffin, fut lui aussi longuement interrogé devant cette Commission. Son témoignage qui dura plusieurs jours ne fut ni le plus clair, ni le plus serein, ni le plus persuasif, ni le plus satisfaisant des témoignages reçus par cette Commission ; il en fut même, à maintes reprises, le plus décevant surtout lorsqu’il porta sur des faits qui touchaient directement ou indirectement aux allégations contenues dans l’affidavit de son client Coffin, aux circonstances qui entourèrent l’obtention de la preuve documentaire dont le Ministère de la Justice fut saisi et sur les renseignements qu’il aurait pu communiquer lui-même à Hébert pour la préparation de son premier ouvrage. Sur tous ces points, son témoignage fut malheureusement rempli d’explications boiteuses, de tergiversations, d’hésitations, de prétendues nécessités de référer à son dossier et à ses « offices mémos », de faux-fuyants, de tangentes en direction de faits ne relevant nullement des questions qui lui étaient posées et, malheureusement aussi, de contradictions. La partie de son témoignage afférente à la décision qui fut prise de ne pas faire entendre Coffin ou des témoins en sa faveur ne fut pas elle-même exempte de « ces faiblesses". Plus particulièrement :
Sont plus que boiteuses ses explications quant à son affirmation qu’était vraie la déclaration de Coffin « I twas my personal desire to testify for my own defence » ; ce n’est qu’après beaucoup d’hésitation qu’il consent à admettre ne pas croire que Coffin « aurait souvent voulu intervenir pour confondre un témoin qui entraînait le jury sur une fausse piste» ni savoir que Coffin aurait supplié son avocat de le laisser parler.
Sur des questions plus que suggestives de M. Hébert, Me Gravel déclare qu’à plusieurs reprises que Coffin lui aurait manifesté le désir de témoigner au procès ; mais il affaiblit la force de l’affirmation précédente en déclarant que dans ses entrevues avec sont client, au sous-sol du Palais de Justice à Percé (pendant le procès) « on ne discutait pas du tout d’une possibilité de témoigner, mais on discutait des témoignages rendus».
Après avoir déclaré que Wilbert Coffin lui a demandé de témoigner, à la question qui lui fut posée pour savoir s’il en avait discuté avec son collègue, Me Maher, il répond : « Il y a eu plusieurs discussions entre Wilbert Coffin et moi-même et après, M. Maher et moi-même, seuls, ou M. Maher, Louis Doiron et moi-même».
Il admet, à regret, qu’il a pris connaissance des procédures de l’enquête préliminaire (sic); (en fait, la preuve démontre qu’il s’en était fait venir des copies peu de temps après avoir produit sa comparution en septembre 1953, plusieurs mois avant le procès).
Il se serait écoulé à peine vingt-quatre heures entre le moment où la Couronne a fini sa preuve et celui où Me Maher a fait sa déclaration « the defence rests ».
Me Gravel fait de la haute voltige pour tenter de faire retomber sur Me Maner seul la responsabilité de la décision de ne pas faire de défense, et ce, en faisant des distinctions subtiles entre le mandat qu’avait Me Maher de conduire l’enquête et de son mandat exclusif à lui de ne s’occuper que des questions de droit, en laissant entendre qu’il n’était pas au courant des témoins qu’il y aurait possibilité de faire entendre. (La preuve a révélé le contraire en ce qui a trait aux témoins relatifs à la jeep Arnold, à la prétendue jeep Lorne Patterson, et en ce qui a trait aux membres de la famille de Wilbert Coffin ; elle a révélé aussi que Me Gravel a contre-interrogé un certain nombre de témoins de la Couronne).
Me Gravel laisse entendre qu’il avait été avisé par Me Maloney de faire entendre Coffin comme témoin, alors que nous savons par le témoignage de Me Maloney que ses conseils sur ce point ne furent que conditionnels et sous toute réserve.
Enfin, Me Gravel admet que lorsque Me Maher déclara « the defence rests », il n’a fait aucune déclaration et s’est contenté de se taire.
Fut plus particulièrement caractéristique de l’attitude de Me Gravel devant cette Commission la réponse suivante qu’il fit à une question que lui posa le Président du Tribunal pour savoir s’il se rappelait avoir entendu son père lui dire, au vestiaire du Palais de Justice de Québec, en lui montrant le volume de M. Hébert : « voilà ton livre » : « Avant le début de cette enquête, M. le président, jamais, au meilleur de mon souvenir. Je serais très surpris. Permettez-moi de réitérer : Sûrement non ». (Or, nous savons aujourd’hui par la preuve subséquente que cette remarque de Me Gravel, père, fut véritablement faite à son fils.)
Sont également caractéristiques de l’attitude ambiguë de Me Gravel d’une part ses déclarations que la défense avait déjà tous les éléments nécessaires pour présenter une défense « positive» ( ?) et que les éléments de cette défense « positive » résultaient exclusivement des conversations qu’il avait eues avec son client et nullement de témoignages de l’extérieur, et d’autre part sa déclaration subséquente que, lorsqu’il déclara (devant la Commission) que la défense était prête (à faire entendre des témoins), il n’avait pas dit que Coffin était prêt à témoigner et que la défense reposerait surtout sur le témoignage éventuel de Coffin.
Me Gravel s’est réfugié derrière le secret professionnel pour refuser de mentionner les noms des témoins sur lesquels il pouvait compter et dont des listes auraient été dressées ; puis, il finit par donner des renseignements qui tendent à établir qu’il était parfaitement au courant des témoins auxquels Me Maher songeait relativement à l’affaire de la jeep Arnold.
C’est avec beaucoup de réticences et d’hésitations que Me Gravel admet qu’il avait pris connaissance du dossier de l’enquête préliminaire; prié par Me Noël Dorion de dire s’il a vérifié si l’affidavit de Coffin (d’octobre 1955) était conforme à sa déclaration « statutaire » d’août 1953, il refuse de répondre directement à la question et se réfugie derrière Me Maloney dont il dit qu’il a eu tout le dossier complet en sa possession.
Comment, dans les circonstances, accorder beaucoup de force à toute cette partie du témoignage de Me Gravel et tout simplement à cette partie de son témoignage qui se réfère à la question de la décision de ne pas faire entendre Coffin ?
Après s’être réfugié une fois de plus derrière le secret professionnel pour refuser de répondre à des questions portant sur la décision qui aurait été prise par lui et ses collègues de ne pas faire entendre Coffin, mais à la suite de la décision du Président de la Commission de rejeter l’objection formulée par Me Gravel pour le motif que Me Maher et lui-même avaient été relevés de leur secret sur ce point particulier par leur client par suite de l’affirmation contenue au paragraphe 3 de l’affidavit de Coffin à l’effet qu’on ne le laissa pas témoigner bien qu’il eût désiré le faire, Me Gravel donne les renseignements suivants :
Il savait depuis plusieurs jours que Me Maher dirait : « the defence rests ».
S’il n’a pas protesté, c’est parce qu’il croyait, comme il le croit encore, que les procureurs de la défense doivent être unanimes devant les jurés.
Il n’y a jamais eu de décision unanime prise entre lui et Me Maher et Me Doiron.
Le matin du jour où la déclaration fut faite, il savait qu’elle serait faite lorsqu’il s’est rendu à la Cour et il en connaissait les conséquences.
Il se ravise et déclare qu’il croit que c’est le matin même que Me Maher lui a dit ce qu’il dirait.
Il admet que deux jours avant que la Couronne ne termine sa preuve, Me Doiron avait été choisi pour plaider en français (et l’on sait qu’à ce moment Me Doiron savait qu’il parlerait après les procureurs de la Couronne).
Il admet qu’entre le verdict et la sentence, Coffin n’a rien dit et n’a pas répondu à la question du greffier : « Have you something to say before sentence is passed upon you ? »
Il ignore si Me Maher ou Me Doiron ont averti Coffin qu’aucune défense ne serait faite.
Il prétend que lui-même n’en a jamais averti Coffin.
Si l’on tient compte du fait que Me Gravel connaissait, comme Me Maher, la déclaration de Coffin du 6 août 1953, le droit qu’aurait eu la Couronne de produire cette déclaration et de contre-interroger Coffin advenant le cas où il témoignerait, du fait que Me Maher était d’opinion (avec raisons comme nous le verrons plus tard) que cette déclaration contenait des déclarations de Coffin dangereuses pour lui, du fait que Me Maher et Me Gravel logèrent pendant toute la durée du procès dans la même cabine et s’y rencontrèrent tous les jours, de la collaboration et de la coopération que doivent nécessairement s’accorder un avocat et son conseil et qui, aux dires de Me Maher ont été accordées, de la gravité des conséquences de la décision qui fut prise, il est inconcevable que cette décision n’ait pas été discutée, comme l’affirment catégoriquement Me Maher et Me Doiron, entre les trois procureurs de la défense, et que Me Gravel n’y ait pas acquiescé en fin de compte, même si, à l’origine, il avait pu entretenir, comme Me Maher, une opinion contraire. (Fin de ce chapitre)
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