5 janvier 2008

L'AFFAIRE COFFIN: UNE SUPERCHERIE - LES MÉDIAS EN SONT RESPONSABLES

L’AFFAIRE COFFIN : UNE SUPERCHERIE – LES MÉDIAS EN SONT RESPONSABLES

Dans mon ouvrage L’affaire Coffin : une supercherie?, que j’ai publié chez Wilson & Lafleur, à Montréal, en novembre dernier, j’arrive à la conclusion que la cause Coffin est authentique, mais que l’affaire Coffin est une supercherie. Quels sont les auteurs de cette supercherie? Dans la PARTIE III de son rapport, l’honorable juge Roger Brossard identifie les responsables. Pour les sceptiques, je publierai plus tard des extraits de témoignages rendus devant la Commission Brossard qui confirment cette affirmation.

PARTIE III

NÉCESSITÉ ET UTILITÉ DE LA PRÉSENTE ENQUÊTE

On aurait pu croire qu’à la suite de ces procédures et démarches multiples devant les tribunaux du pays et auprès des autorités fédérales et des nombreux jugements et décisions des tribunaux du pays et du Gouvernement fédéral, l’affaire Coffin était classée.
Il n’en fut rien.
Dès le lendemain de l’exécution, 11 février, la première édition du journal, « The Toronto Daily Star » dont on ne peut certes dire qu’elle fut la plus propre et la plus digne de ses éditions, lançait en proie au public l’affidavit que Wilbert Coffin avait signé le 9 octobre 1955 pour appuyer les démarches de ses procureurs auprès du cabinet fédéral, publiait une transcription d’un écrit intitulé « Last Will and Testament » de Wilbert Coffin, reproduisait, avec encadrement de la photo de Coffin, un document daté du 9 février 1956 intitulé « Cédule « A » et portant la signature de Wilbert Coffin, et faisait la description, avec accompagnement généreux de photos, des scènes qui se seraient déroulées devant la prison de Bordeaux au moment de l’exécution de Coffin, description et scènes que l’enquête devant cette Commission a révélées en majeure partie fausses.
La légende de la non-culpabilité de Coffin et de l’erreur judiciaire qu’aurait constituée sa condamnation prenait racine dans les cadres d’une campagne sourde, mais réelle pour l’abolition de la peine de mort.
Quelques mois plus tard, M. John Edward Belliveau, journaliste au service du Toronto Daily Star, réunissait un certain nombre de ses reportages du temps du procès pour en tirer la matière d’un volume qu’il publiait sous le titre de « The Coffin Murder Case », ouvrage d’une belle tenue littéraire, d’un style souvent poétique qui ne comportait pas d’accusations directes et sérieuses contre qui que ce soit en particulier, mais soulevait fort habilement des doutes sur l’exactitude des faits mis en preuve au cours du procès de Coffin, suggérait, sans toutefois les affirmer avec force, certains faits qui n’auraient pas été mis en preuve et laissait entendre que la peine de mort avait peut-être été infligée à un innocent.
Je traiterai, dans un chapitre distinct, de ce volume de M. Belliveau pour souligner certaines inexactitudes importantes et susceptibles d’avoir eu des conséquences graves sur l’opinion publique.
Deux ans plus tard, M. Jacques Hébert qui, à l’instar de M. Belliveau et Me Maloney, paraît avoir été depuis longtemps un partisan de l’abolition de la peine capitale publiait le premier de deux ouvrages sur l’affaire Coffin, intitulé « Coffin était innocent » ; cet ouvrage était en partie inspiré, de l’aveu même de M. Hébert, par les reportages de M. Belliveau (sinon par son volume ?) et de certains autres journalistes de Toronto et de Pennsylvanie dont d’ailleurs M. Belliveau s’était lui-même inspiré, reportages qui se trouvaient dans ce que l’on a décrit comme la “bibliothèque» du Toronto Star ; l’auteur qui s’était aussi inspiré en partie de renseignements communiqués par Me Gravel, reprenait pour son compte un bon nombre des affirmations contenues dans le livre de M. Belliveau, y ajoutait des informations de son cru et lançait de premières accusations déjà assez violentes.
L’affaire Coffin demeurait donc devant le public sans que celui-ci eût été intelligemment, objectivement et suffisamment renseigné sur les motifs des décisions judiciaires qui avaient précédé la condamnation finale et l’exécution de Coffin.
En décembre 1958, une bombe éclatait. Un indien du nom de Thompson, citoyen canadien, originaire de la réserve de St-Régis située sur les confins de la province de Québec et de l’État de New York, était arrêté à Miami pour de présumés vols qu’il y aurait commis. Dans les circonstances et pour les fins que nous étudierons dans un chapitre réservé spécialement à l’affaire Thompson, celui-ci s’accusait du meurtre des trois chasseurs américains perpétré dans les bois de la Gaspésie en 1953. Comme bien l’on pense, la presse du Canada et des États-Unis donna à ces aveux une très grande publicité. En apprenant cette nouvelle, M. Hébert et Me Gravel se précipitaient, le premier, dans un avion à destination de Miami, et le second, sur des téléphones reliés à Miami. Quelques jours plus tard, Thompson rétractait ses aveux, expliquait qu’il les avait faits uniquement dans le but d’échapper à la justice américaine, consentait à un test par détecteur de mensonges et, dans des circonstances demeurées obscures, obtenait d’un magistrat américain sa libération.
Après ce regain de publicité, l’affaire Coffin demeura pendant quelques années sous le boisseau ; mais la curiosité du public était cependant tenue en éveil grâce à un programme organisé et mis en ondes par les soins des réalisateurs d’une émission du réseau anglais de Radio-Canada intitulée « Close-Up »
Jusqu’à ce moment, la vedette avait appartenu en grande partie à la presse et à la télévision de langue anglaise, à l’exception du premier volume de M. Jacques Hébert ; le temps approchait où la presse et la télévision d’expression française la prendraient à leur tour.
De même qu’à Toronto, la publicité, frisant le jaunisme , donnée à l’affaire Coffin de 1953 à 1956 résultait en grande partie, aux dires d’un ancien journaliste du Toronto Star, M. MacLean, de la concurrence effrénée que se livraient alors deux journaux de Toronto, le Toronto Daily Star et le Toronto Evening Telegram, de même dans la province de Québec, le regain de publicité donnée à l’affaire Coffin résulta-t-il, indirectement toutefois, de la concurrence que se livrèrent pendant quelques mois deux quotidiens de Montréal, « La Presse » et le « Nouveau Journal » en partie par le truchement de nouvelles et reportages sensationnels.
Il appert, d’après le témoignage de M. Gérard Pelletier, rédacteur en chef de La Presse, et de M. Jean-Guy Lacroix qui se décrit comme journaliste à la pige, que ce dernier se vit confier par ses employeurs de la La Presse une enquête sur les activités de la Sûreté Provinciale aux fins de reportages « spéciaux ». À ces fins, M. Lacroix crut devoir se mettre en communication avec l’ancien sergent Doyon de la Sûreté Provinciale, qui, au début de l’été de 1961 avait été congédié par la Sûreté. À l’époque du meurtre des trois chasseurs américains, cet officier de police avait été en charge du poste de Gaspé et s’était vu adjoindre, aux fins de l’enquête policière sur les circonstances de la disparition des trois chasseurs américains, des officiers de la Sûreté venus de la ville de Québec, les capitaines Alphonse Matte et Raoul Sirois, ce qui l’avait fortement décontenancé et humilié. Comme nous le verrons dans un chapitre suivant, l’invitation de M. Lacroix paraît avoir été une occasion imprévue pour M. Doyon de laisser s’extérioriser la rancœur contre ses anciens collègues et supérieurs de la Sûreté qui le rongeait depuis son congédiement.
MM. Lacroix et Doyon crurent qu’ils pourraient obtenir de M. Jacques Hébert, auteur du volume ‘Coffin était innocent», des renseignements et des conseils qui pourraient leur être utiles. C’est par l’entremise du rédacteur en chef de La Presse, qu’ils furent mis en communication avec M. Hébert et qu’ils le rencontrèrent au bureau de M. Pelletier, à Montréal.
À la suite de cette première entrevue entre M. Doyon et M. Lacroix, d’une part, et M. Hébert, d’autre part, ce dernier entreprit une nouvelle enquête dont les objets manifestes, si l’on en juge par la préface du volume qu’il a publié en décembre 1963 et qu’il a intitulé « J’accuse les assassins de Coffin », étaient de prouver que Coffin était innocent suivant que M. Hébert l’avait déclaré dans son premier volume, que sa condamnation et son exécution avaient été des erreurs judiciaires et que ces erreurs judiciaires étaient imputables aux méthodes employées par tous les officiers de justice qui avaient pu être mêlées de près ou de loin à la préparation et à l’exposé de la preuve lors du procès Coffin, depuis le Premier Ministre du temps, le Solliciteur Général du temps et l’Assistant-Procureur Général demeuré depuis lors en fonctions jusqu’aux procureurs de la Couronne qui avaient agi pour la poursuite lors du procès, l’un des procureurs de Coffin, et les officiers de la Sûreté qui avaient été chargés de l’enquête policière et de la préparation de la preuve.
En 1963, M, Hébert procédait à la rédaction d’un nouveau volume qu’il lançait sur le marché le 4 décembre 1963 sous le titre « J’accuse les assassins de Coffin ».
Il est à peine nécessaire de souligner qu’un certain nombre de journaux et journalistes avides de nouvelles susceptibles de faire sensation et plus désireux d’aider à détruire que d’aider à construire furent heureux de donner au volume de M. Hébert la plus grande publicité possible.
Le volume de M. Hébert était pour le moins d’un caractère assez sensationnel par les accusations directes et vitrioliques qu’il dirigeait contre un certain nombre de personnages qui avaient participé à la préparation et à l’exposé de la preuve lors du procès de Coffin.
Or, il se trouva qu’au moment où le volume de M. Hébert fut lancé, le journal La Presse, de Montréal, possédait déjà, en vertu d’une entente conclue plusieurs mois auparavant, le droit de reproduire in extenso et en priorité, dans le journal, le volume de M. Hébert en tout ou en partie, et que certains journalistes, écrivains ou réalisateurs de Radio-Canada avaient réussi à obtenir de M. Hébert, quelques jours avant la mise du volume sur le marché, communications des épreuves du volume.
Dès le 4 décembre 1963, le jour même du lancement du volume de M. Hébert, Radio-Canada mettait sur les ondes, au programme « Aujourd’hui », une enquête télévisée après d’un certain nombre de personnes mentionnées dans le volume ; quelques jours plus tard, le journal « La Presse », dans deux ou trois numéros, publiait de larges extraits du volume et un autre poste de télévision, Télé-Métropole, y allait, lui aussi de ses propres entrevues.
Ce n’était plus quelques milliers de lecteurs, mais des centaines de milliers, et peut-être des millions de lecteurs, auditeurs et téléspectateurs que les accusations contenues dans l’ouvrage de M. Hébert rejoignaient, malgré les efforts tardifs des responsables de l’enquête télévisée pour corriger, au cours de la dernière séance de leur enquête, les effets nocifs de deux premières séances lorsqu’ils réalisèrent qu’ils s’étaient peut-être fourvoyés, qu’une enquête de ce genre était manifestement au-dessus de leurs moyens et en dehors de leurs attributions et risquait d’être une source d’injustice.
Or, aux premières pages du livre, dans un avertissement aux lecteurs, qui contenait les lignes les plus vitrioliques de tout l’ouvrage, l’auteur de « J’accuse les assassins de Coffin » écrivait, entre autres choses, ce qui suit :

Pp. 8 et 9 :
« À moins que nous ne soyons un peuple sans fierté, une pareille erreur judiciaire secouera le pays tout entier. Ce sera le coup de grâce à la peine capitale, on amendera des lois, on recherchera les véritables assassins des trois chasseurs américains, on démasquera et on punira ceux, conscients ou non, de Coffin : politiciens, fonctionnaires, policiers ou avocats.
Tout cela ne ressuscitera pas le prospecteur, mais ranimera un peu la confiance des citoyens dans une justice que le gouvernement Duplessis, sa police et ses procureurs avaient complètement avilie et que le régime actuel ne semble pas très pressé de réhabiliter.
Ce que je demande au gouvernement de la province, je le sais, n’est pas usuel : ce serait la première fois, au Canada, qu’une erreur judiciaire aurait amené la formation d’une commission royale d’enquête et provoquée éventuellement, un nouveau procès. Mais cela s’est fait ailleurs en pays civilisé et, dans chaque cas, le respect du peuple pour ses tribunaux s’en est trouvé raffermi.
J’ose croire que nos gouvernants ne se laisseront pas intimider par les pressions très fortes qui s’exerceront contre eux. Un grand nombre d’individus ont intérêt à ce qu’une nouvelle enquête n’ait jamais lieu. Ils feront tout pour l’empêcher, surtout ceux qui, après l,affaire Coffin, ont acquis puissance et respectabilité.



Il serait vraiment trop injuste et trop immoral que les individus qui se sont acharnés contre Coffin avec une rare férocité, qui sont responsables de la mort d’un innocent puissent encore, par je ne sais quel chantage, réussir à étouffer ce scandale et continuer à se promener la tête haute au milieu d’une population qui réclame justice. »

La publication du deuxième livre de M. Hébert qui contenait, assurément, des affirmations beaucoup plus brutales et des accusations beaucoup plus violentes que n’en avait contenues le premier, n’aurait peut-être pas suffi, par elle-même, à rendre nécessaire la tenue d’une enquête; cet ouvrage aurait pu avoir le même sort que le premier dont M. Hébert écrivait « qu’il n’avait réussi qu’à émouvoir quelques milliers ou quelques dizaines de milliers de citoyens alors qu’il avait cru, lui, que sa seule publication aurait suffi à faire éclater le scandale. »
Ce second livre ayant cependant reçu, non seulement une publicité mais une dissémination centuplée par le truchement de reproduction considérable de ses pages dans les journaux et par le truchement d'une enquête à la télévision, c'est à toute la population de la province que ces affirmations trutales et ces accusations violentes étaient jetées en pâture. Non seulement devenait-il nécessaire pour les autorités de faire enquête sur les faits allégués comme fondement des accusations ainsi lancées, mais les autorités avaient le devoir d'ordonner une telle enquête; leur silence aurait été fatalement interprétée, soit comme un acquiescement à la vérité des accusations, soit comme une dérobade devant l'obligation de découvrir la vérité, soit comme une crainte de la découvrir au public. Toute autre décision eut porté un "autre " coup grave au respect que la justice et ceux qui l'exercent doivent inspirer au public.
Le seul fait que cette enquête était nécessaiare en a, par le fait même, constitué l'utilité.
J'espère que la constatation des faits qui ont été révélés devant cette Commission, les conclusions qu'il faut en tirer et les suggestions qui peuvent en découler en feront davantage ressortir l'utilité et que le présent rapport constituera une réponse convaincante à la question si souvent posée par ceux qui font métier de douter de tout: "Qu'est-ce que cela va donner?"

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