16 décembre 2007

COFFIN ÉTAIT COUPABLE (deuxième partie)

POURQUOI COFFIN N'A-T-IL PAS TÉMOIGNÉ DEVANT LE JURY DE PERCÉ?

Je poursuis la présentation et la traduction de la Partie V du Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’affaire Coffin présidée par l’honorable juge Roger Brossard (ci-après désigné le Rapport Brossard). Dans cette tranche du Rapport Brossard, le lecteur peut comprendre pourquoi Wilbert Coffin n’a pas témoigné devant le jury de Percé.
Dans le prochain épisode, je vous citerai les déclarations que la mère de Wilbert Coffin a faites devant la Commission Brossard.

SUR LA CULPABILITÉ DE COFFIN (deuxième partie)

Avant de procéder à l’étude de cette question extrêmement délicate, il y a lieu de rappeler ce qui suit :
La majeure partie des faits allégués dans l’affidavit de Coffin du 9 octobre 1955, ou ayant fait l’objet d’affidavits, déclarations, reçus ou autres documents transmis au ministère de la Justice était en relation directe avec certains des faits prouvés lors du procès de Percé et principalement retenus par les juges des tribunaux d’appel; plus particulièrement les faits relatifs à l’incident Mac Gregor, au cas des traces de jeep, au cas de la jeep Arnold, de celle aperçue par les Wilson, les Tapp, Hackett et Régis Quirion, au cas des paiements reçus par Coffin avant son départ de Gaspé, au cas de la disparition de la carabine de Jack Eagle ;

Me Gravel, l’un des défenseurs de Coffin a admis devant cette Commission que lorsqu’il fut décidé de ne pas faire entendre Coffin, presque tous les faits (vrais ou pas) allégués dans l’affidavit et qui étaient antérieurs à cette décision étaient connus de la défense ;
Suivant l’affidavit de Coffin, si ces faits alors connus de la défense et si les explications données par Coffin dans son affidavit ne furent pas communiqués au jury, ce fut uniquement parce que, contrairement au vif désir qu’il avait de se faire entendre, Coffin reçut le conseil d’un seul des ses avocats de ne pas témoigner et de ne pas offrir de défense ;
Tous les faits que Coffin et ses défenseurs prétendaient connaître lors de la décision de ne pas présenter de défense, tous les faits dont la prétendue connaissance n’aurait été acquise qu’après cette décision, mais avant l’exécution de l’affidavit du 9 octobre 1955, et tous les autres faits subséquemment connus ou allégués qui eussent pu, si on les avait mis en preuve lors du procès, avoir une portée sur le verdict de culpabilité ont fait l’objet d’une enquête approfondie par cette Commission.
Nous avons précédemment fait l’étude de la preuve qui nous a été soumise quant à ces faits connus ou allégués et avons exprimé nos conclusions. Ces études et ces conclusions nous permettent-elles de répondre à la question présentement posée ?
Il ne peut évidemment être question de dire quel eut pu être l’effet sur le jury d’une preuve, soit des faits que connaissaient ou prétendaient connaître Coffin et ses défenseurs à la fin de la preuve de la Couronne lors du procès de Percé, soit des faits qu’ils purent connaître ou prétendirent avoir connus après sa condamnation et avant son exécution, soit des faits qui ne furent connus qu’après l’exécution et qui furent mis en preuve devant nous : cela serait pure spéculation et conjecture.
Le problème se pose, toutefois, sous un angle spécial parce que Coffin n’a pas témoigné.

1. Nous savons que si Coffin n’a pas offert de preuve en défense, ce fut en pleine connaissance de cause, avec son plein acquiescement, et sur les conseils de ses avocats. Nous connaissons aussi que l’une des principales raisons pour laquelle cette décision fut prise était la certitude que si Coffin témoignait, la Couronne lui opposerait sa déclaration du 6 août 1953 pour le mettre en contradiction avec lui-même, et que ces nouvelles contradictions, ajoutées à la preuve établissant déjà la fausseté de ses déclarations verbales rapportées par les officiers Doyon et Sinnett, auraient constitué une preuve encore plus forte que celle qui avait été faite de ses mensonges à l’égard de sa conduite durant les trois jours fatidiques de l’époque des crimes. Or, nous savons aussi que, lorsque fut prise cette décision, Coffin et ses avocats connaissaient ou prétendaient connaître la plupart des faits allégués par Coffin dans son affidavit, et que malgré la connaissance de ces faits ou de ces prétendus faits, la décision fut quand même prise de garder le silence. Comme nous l’a affirmé Me Maher, « si Coffin avait été entendu, la création de cette Commission d’enquête n’eut pas été nécessaire », c’est-à-dire que la certitude du jury que Coffin était coupable en eut été, si possible, considérablement accrue.
Or, nous connaissons aujourd’hui, tant par les déclarations de Coffin non mises en preuve au procès que par la preuve faite devant nous, les faussetés des affirmations de l’affidavit du 9 octobre 1955 quant aux traces de jeeps, quant à la Jeep Arnold, quant à la valeur des ses concessions minières, quant aux paiements reçus par Coffin avant le 12 juin 1953, quant à sa possession de sommes d’argent substantielles lors de son départ du 12 juin pour Montréal, quant à l’âge des prétendus occupants de la jeep qu’il prétendit avoir vus, quant à la description de cette jeep, autant de faussetés que Coffin et/ou ses avocats connaissaient ou que ces derniers eussent dû connaître ; et nous savons aussi que la Couronne eût été alors plus en mesure qu’aujourd’hui de faire ressortir ces faussetés ou cette impossibilité si Coffin avait offert de la preuve en défense.
Sur ce premier point, il me paraît que, du moment qu’il est établi que c’est volontairement, par nécessité et avec l’assentiment de Coffin, que la défense n’a pas présenté Coffin et d’autres personnes comme témoins, la présente enquête a fourni des raisons additionnelles majeures de ne pas croire à l’innocence de Coffin.
2. Trois faits mis en preuve devant nous que n’ont pas connus les jurés de Percé sont, eux-mêmes, d’un caractère suffisamment grave pour nous donner des raisons additionnelles majeures et difficilement réfutables de ne pas croire à la non-culpabilité de Coffin ; ces faits sont les suivants :
A.
Comme nous l’avons vu, si Wilbert Coffin ne fut pas entendu à son procès, ce ne fut pas parce que, contrairement à ce qu’il a cherché manifestement à faire croire au paragraphe 3 de son affidavit du 9 octobre 1955, il désirait témoigner et qu’il en fut dissuadé par l’un de ses procureurs, Me Maher, mais bien parce qu’il fut persuadé par ses procureurs qu’il serait dangereux pour lui de le faire et parce que ses procureurs considéraient, à juste titre, a) comme pouvant être fatal à sa cause, de l’exposer à un contre-interrogatoire des procureurs de la Couronne et à une confrontation avec certaines déclarations qu’il avait faites et qui n’avaient pas encore été mises en preuve par la Couronne et b) comme pouvant être fort dangereux devant le jury, de donner ouverture à une contre-preuve de la part de la Couronne ; ajoutons le fait additionnel se rattachant aux premiers que c’est avec le plein consentement et avec l’acquiescement de Coffin que la défense ne le fit pas entendre non plus que d’autres témoins.
À mon avis, la fausseté du paragraphe 3 de l’affidavit de Coffin, paragraphe qui était à la base et qui constituait la seule justification de tout le reste de l’affidavit, était suffisante en soi pour entacher la véracité de tout l’affidavit, à rendre fortement suspectes les autres affirmations de l’affidavit, à souligner davantage l’attitude mensongère de Coffin et dès lors à accroître la force des présomptions de sa culpabilité retenues par le jury de Percé et les tribunaux d’appel.
(à suivre)

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