Je commence aujourd’hui la reproduction et la traduction de la Partie V du Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’affaire Coffin présidée par l'honorable juge Roger Brossard, j.c.s (ci-après désigné le Rapport de la Commission Brossard), 1964, de la page 344 à 363.
« À la base de toutes les attaques violentes et modérées, directes ou déguisées dirigées par certains partisans de l’abolition de la peine de mort contre les administrateurs de la justice en cette province, à l’occasion de l’affaire Coffin, on retrouve tantôt l’affirmation précise que Coffin était innocent ou la suggestion insidieuse, mais réelle qu’il l’était; sans cette prémisse, l’argument de ceux qui cherchaient pour appuyer leur thèse, un exemple illustrant de façon frappante la nécessité d‘abolir la peine de mort perdait sa force de frappe; c’est pourquoi ils se sont efforcés, avec tant de vigueur, de faire croire à l’injustice de la condamnation et de l’exécution de Wilbert Coffin. C’est cette prémisse qui a servi de base et de prétexte aux deux pamphlets de monsieur Jacques Hébert intitulés Coffin était innocent et J’accuse les assassins de Coffin dont on sait que la thèse a été, sinon adoptée, du moins indirectement encouragée par les agences d’information qui ont fait à ces deux ouvrages une publicité intense et, à mon avis, imprudente et irréfléchie.
Dès la première page de son second volume, monsieur Hébert disait : Quand l’innocence de Wilbert Coffin éclatera au grand jour.
À la dernière page, il reprenait sous une forme différente son affirmation du début répétée à plusieurs reprises tout le long du livre en ces termes : Enfin, vous avez l’obligation stricte de réhabiliter la mémoire de Coffin.
Dans mon avertissement aux parties lors de la première séance de notre enquête, j’ai déclaré qu’il n’était pas question d’un nouveau procès susceptible de réhabiliter Wilbert Coffin judiciairement et de façon posthume ou de confirmer le verdict rendu contre lui. Je n’entends pas adopter maintenant une attitude et une ligne de conduite différentes qui risqueraient d’outrepasser les pouvoirs qui m’ont été conférés par l’arrêté-en-conseil : l’enquête ne fut pas un procès et ce rapport n’est en conséquence pas un jugement pouvant lier judiciairement une expression d’opinions basées sur ma constatation et mon interprétation des faits mis en preuve devant la Commission.
Cependant, afin de juger en rétrospective le caractère, l’importance et les conséquences qu’ont pu avoir sur la conduite et sur le sort du procès de Coffin, les agissements de ceux qui ont participé directement ou indirectement à la préparation et à l’exposé de la preuve qui a servi contre Coffin et pour peser la valeur de la croyance ou des doutes que ces participants pouvaient entretenir quant à la culpabilité de Coffin, il est, je crois, indispensable d’étudier si, tout en tenant compte des faits qui furent mis en preuve lors du procès et dont les juges et le jury ont conclu à sa culpabilité, il y aurait des motifs sérieux de croire à la possibilité de sa non-culpabilité sur la base des faits mis en preuve devant cette Commission et qui ne l’avaient pas été lors du procès : pour ma part, je considère indispensable et de justice élémentaire envers tous ceux contre lesquels des accusations ou insinuations ont pu être portées d’étudier et de considérer ce problème.
Je crois à la nécessité de cette étude parce que, d’une part,
a) toute la thèse des accusateurs francs ou sournois est essentiellement basée sur la prémisse que Coffin était innocent, contrairement à ce qu’ont décidé tous les tribunaux de juridiction pénale sur la base de la preuve faite au procès;
b) parce que, si tel était le cas, la condamnation de Coffin aurait constitué une erreur judiciaire;
c) parce qu’il faudrait, dès lors, conclure que les administrateurs de la justice auraient volontairement ou involontairement, suivant le cas, contribué à la perpétration de cette erreur judiciaire.
Et parce que, d’autre part,
d) Si la prémisse est fausse, il n’y aurait pas eu d’erreur judiciaire, et
e) toute action répréhensible de la part de ceux qui ont participé à la préparation et à l’exposé de la preuve n’aurait, du point de vue du droit strict et pur, pas été la cause d’une erreur judiciaire; la règle du droit d’un accusé à un procès juste et légalement conduit a pour but essentiel de permettre à un innocent de se faire acquitter; son objet fondamental n’est pas de permettre à un coupable de se faire acquitter.
Je me crois par ailleurs obligé d’envisager ce problème et de l’étudier, ne serait-ce que pour ne pas acquiescer par mon silence à l’opinion que Me Maloney a cru devoir exprimer, sans y avoir été invité, lors de son témoignage devant la Commission, dans les termes suivants :
Transcriptions à la page 11743
So, I took the position that, regardless of the decision of the Supreme Court of Canada, that is not by any means the end of the matter, you shall have to consider the contents of Coffin’s affidavit and of the affidavits of the other people from the Gaspé area; and they should still give us a new trial.
(SI CETTE PROPOSITION EST ACCEPTÉE, IL N’Y A PLUS UN ACCUSÉ QUI PRÉSENTERA UNE DÉFENSE, CERTAIN QU’IL POURRA ÊTRE, S’IL EST TROUVÉ COUPABLE, DE POUVOIR DONNER SON AFFIDAVIT ET DE TROUVER D’AUTRES AFFIDAVITS POUR OBTENIR UN NOUVEAU PROCÈS.)
Transcriptions à la page 11711
Because, at that stage, I was of the view that a serious error had been made by the government in allowing this man to be executed and it is something that will never cease to disturb public opinion, this case. (Merci, Me Maloney!)
J’ajoute qu’il n’apparaît pas clairement du tout du témoignage de Me Maloney s’il a pris connaissance ou non, avant la présente enquête, de la déclaration statutaire de Coffin du 6 août 1953(voyez ma note au bas de ce document), produite à l’enquête préliminaire, mais non produite lors du procès, de cette déclaration que la Couronne gardait en réserve au cas où Coffin témoignerait et qui fut l’une des raisons principales, sinon la raison essentielle, comme nous l’avons vu, de la décision des défenseurs de Coffin de ne pas le faire témoigner et de ne pas faire entendre de témoins.
La question qui se pose présentement est donc la suivante :
TOUT EN TENANT COMPTE DES FAITS QUI ONT ÉTÉ MIS EN PREUVE LORS DU PROCÈS DE PERCÉ ET SUR LA BASE DESQUELS COFFIN FUT TROUVÉ COUPABLE, Y AURAIT-IL DES RAISONS SÉRIEUSES DE CROIRE EN LA POSSIBILITÉ QU’IL N’AIT PAS ÉTÉ COUPABLE, SUR LA BASE DES FAITS QUI ONT ÉTÉ MIS EN PREUVE DEVANT CETTE COMMISSION ET QUI NE L’AVAIENT PAS ÉTÉ AU PROCÈS? (à suivre)
Note Dans mon livre L'affaire Coffin: une supercherie? je reproduis à l'Annexe B l'original de cette déclaration statutaire et une traduction. Ignoré par ceux qui ont écrit sur l'affaire Coffin, ce document est pourtant capital dans la compréhension de l'affaire Coffin.
Je vais essayer de traduire cette page à l’intention de mes compatriotes anglophones.
Me Maloney était un avocat de Toronto. C'est lui qui a porté l'affaire Coffin devant la Cour suprême du Canada.
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