LA JEEP APERCUE PAR LES DUMARESQ, PÈRE ET FILS, ET PAR M. DUFRESNE DANS L’AFFAIRE COFFIN (12)
A VENIR
Au cours des prochaines semaines, il nous restera à lire au sujet de la jeep Arnold et de celle du camp MacCallum (Et de celle que Régis Quirion a prétendu avoir vue). Et les conclusions générales sur ces jeeps, suivies d’une liste dressée par la Commission Brossard des inexactitudes que renferme le livre de Jacques Hébert.
A VENIR
Au cours des prochaines semaines, il nous restera à lire au sujet de la jeep Arnold et de celle du camp MacCallum (Et de celle que Régis Quirion a prétendu avoir vue). Et les conclusions générales sur ces jeeps, suivies d’une liste dressée par la Commission Brossard des inexactitudes que renferme le livre de Jacques Hébert.
RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964) VOL. 1 CHAPITRE 5 (Douzième partie)
LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS
VIII
LA JEEP VUE PAR LES DUMARESQ, PÈRE ET FILS, ET PAR M. DUFRESNE
Aux environs de la deuxième séance de l’enquête du Coroner, tenue le 27 juillet 1953, un nommé Eddy Dumaresq résident de Rivière-au-Renard, petit centre de la côte gaspésienne situé à une trentaine de milles au nord de Gaspé, rendit visite au coroner Rioux pour porter à son attention qu’il avait rencontré une jeep quelques semaines plus tôt alors qu’il était sur la route de la mine (Murdochville).
Le docteur Rioux conserve le souvenir que Dumaresq ne lui parla que d’une jeep et non pas de deux, qu’il lui aurait dit que deux Américains en étaient descendus et que l’un d’eux avait une carabine dans les mains et visait un ours; monsieur Dumaresq ne déclara pas avoir vu le même jour une autre jeep.
Le docteur croit que son entrevue avec Dumaresq eut lieu avant la deuxième séance de l’enquête, mais il ne nous a pas paru en être absolument certain. Que cette entrevue ait eu lieu avant le 17 juillet ou immédiatement après la séance du 27 juillet, une chose est certaine : le docteur Rioux ne fit pas comparaître Dumaresq, ni le 27 juillet ni le 27 août.
Le 28 juillet, le lendemain de cette entrevue, ou peu de jours après, les officiers Fradette et Fafard furent dépêchés pour interviewer les Dumaresq à Rivière-au-Renard pour obtenir d’eux des déclarations : rappelons que le 28 juillet était aussi le lendemain de la deuxième séance de l’enquête du coroner à laquelle Coffin avait témoigné et avait parlé d’une jeep avec deux Américains.
Ni Fradette ni Fafard ne se présentèrent sous le nom de Matte, affirme le sergent Fradette; ils prirent des notes de la version des trois témoins, retournèrent à la Sûreté, dictèrent les trois versions à la secrétaire de la Sûreté qui les transcrivit.
Ces trois versions furent les suivantes :
EDDY DUMARESQ, PÈRE :
Le 12 juin, vers les neuf heures et trente, sur la route de Murdochville, pas loin de la rivière Mississippi, il voyageait en camion avec ses deux fils et un nommé Scott lorsqu’une jeep les dépassa; un arpent plus loin, elle s’arrêta et le conducteur leur fit signe d’arrêter. Un des deux occupants de la jeep qui en était descendu tira sur un ours. Cette jeep était complètement recouverte d’une toile. Dumaresq croit que seul le dessus de la jeep était couvert. Il ajoute qu’il est certain que celui qui descendit était Claar.
Le témoin déclare qu’un peu plus tard, vers les onze heures et trente, ils virent une autre jeep; un des occupants leur demanda des renseignements; il ne parlait presque pas le français; c’était un homme blond d’environ 30 ans, à la figure rouge.
Dufresne lui aurait dit que la licence de la jeep était jaune; cette jeep était couverte; il croit que les côtés étaient vides, mais il n’en est pas certain.
RAYMOND DUMARESQ :
Le 12 juin, alors qu’il se rendait dans le bois avec son père, leur camion fut dépassé par une jeep non loin de la rivière Mississippi. Il constata que la jeep était couverte d’une toile. Les occupants de la jeep en descendirent; l’un d’eux avait un gilet et était un gros homme. Vers les onze heures, onze heures trente, une autre jeep est venue au moulin où lui et son père travaillaient avec Fernand Dufresne. L’homme qui en descendit pour leur parler portait une veste de cuir brun foncé avec frange sur les bras et sur la ceinture.
FERNAND DUFRESNE :
Le 12 juin, vers les dix heures et trente de l’avant-midi, alors qu’ils étaient rendus à Beaver Dam, ils rencontrèrent une jeep avec licence jaune et lettres noires. Cette jeep était couverte et le témoin croit que c’était une cabine de bois de veneer qui avait été superposée à la carrosserie. Il y avait trois hommes dans la jeep; l’un d’eux s’enquit du camp de Keays, des côtes de Garlen et Madeleine Fork ainsi que de la Gaspé Copper. Cet homme était âgé d’environ 28 à 30 ans, portait un coupe-vent de cuir brun avec frange sur les manches et sur la ceinture et il mesurait environ six pieds. Sur la jeep, il y avait une licence américaine avec plaque en arrière seulement; les tringles de la cabine étaient peinturées vert, le reste ne l’était pas. Quand la jeep repartit, elle prit le chemin de la mine. Le plus vieux pouvait être âgé d’environ 45 à 48 ans; le plus jeune portait des pantalons et une chemise de couleur jaunâtre. Celui qui posa des questions était châtain.
Après avoir pris connaissance de ces trois déclarations non assermentées, le capitaine Matte décida de faire réinterroger les témoins par monsieur Vanhoutte.
Peu de jours après, au cours d’une entrevue, Eddy Dumaresq aurait dit à monsieur Vanhoutte : Si vous n’étiez pas venu me voir, j’étais pour aller vous voir parce que j’ai fait une erreur. Il ne s’agissait pas du 12 juin, mais bien du 28 mai lorsque j’ai vu cette jeep ».
Monsieur Eddy Dumaresq est décédé.
Entendu par la Commission, l’officier Vanhoutte déclara ce qui suit : il alla interroger les deux Dumaresq et Dufresne; les Dumaresq avaient dit au docteur Rioux qu’ils désiraient revoir la Police parce qu’ils avaient fait une erreur dans leur première déclaration, au sujet de la date; lors de leur entrevue avec monsieur Vanhoutte, ils racontèrent qu’ils s’étaient trompés sur la date du 12 juin et qu’il s’agissait en fait de la date du 28 ou du 29 mai 1953; ils corrigèrent la date de leur rencontre de la jeep après s’être rappelé que le même jour était celui où un premier bateau avait été chargé de bois de pulpe à Rivière-au-Renard, ce qui était un événement facile à déterminer; or, ce chargement du premier bateau avait eu lieu le 28 ou le 29 mai.
Devant cette Commission, Raymond Dumaresq et Dufresne furent entendus.
RAYMOND DUMARESQ témoigna comme suit :
Il travaillait à l’époque à Beaver Dam, près de la route de la mine de Murdochville, à la restauration d’un vieux camp, près de la route qui conduit aux camps 21, 24 et 25, quelque vingt-cinq ou trente milles plus loin; l’endroit où il travaillait était éloigné de la grande route d’environ 125 pieds; un jour, vers les midi, il vit une jeep s’arrêter devant le chantier; c’était dans les derniers jours de mai, vers le 29 ou le 30; il est pas mal certain de la date parce qu’il y avait une veillée chez lui, à la salle paroissiale, ce soir-là ou le lendemain, et c’était à la fin de mai, dans les derniers jours de mai; un des passagers de la jeep en descendit et alla leur demander des renseignements; à ce moment, il déchargeait, lui de la planche du camion de Fernand Dufresne; il ignore quelle était la couleur de la jeep; il ignore si elle était fermée ou ouverte; il croit qu’il y avait deux occupants; l’homme qui descendit de la jeep parla à son père; lui ne le comprit pas parce qu’il ne sait pas l’anglais; l’homme parla environ une dizaine de minutes, puis la jeep repartit et se dirigea dans la vieille route; l’homme qui parla à son père avait un coupe-vent en suède avec des franges; il avait environ 40 ans.
Il ignore ce que son père a déclaré à la police.
Il croit que plus tard, son père fut interviewé par monsieur Doyon, mais hors la présence et la connaissance de son fils.
Le jour de la rencontre de la jeep, mais plus tôt, en se dirigeant vers le camp, son père et lui avaient vu une camionnette arrêtée en avant de la leur; un ours était à manger dans des déchets; les occupants de cette camionnette essayèrent de tuer l’ours, mais le ratèrent et repartirent; il y avait trois occupants dans cette camionnette; il n’a pas remarqué la licence de la camionnette et ignore si elle était canadienne.
Dans son témoignage, FERNAND DUFRESNE confirme celui de Dumaresq, mais, il est plus explicite sur certains points :
Il y avait trois voyageurs dans la jeep qui s’arrêta au chantier; c’est le conducteur qui en est descendu et s’est adressé à lui; comme cet homme parlait anglais et lui demandait à quel endroit il était, il s’adressa à Eddy Dumaresq car il ignorait où ils se trouvaient parce qu’il n’avait jamais « travaillé sur le chemin de la mine »; Eddy Dumaresq transmit alors l’information en anglais au conducteur de la jeep.
Eddy Dumaresq lui déclara, à lui, Dufresne, que, le matin, il avait rencontré sur le chemin de la mine une camionnette et qu’il avait vu quelqu’un viser un ours et le manquer; qu’ils étaient trois chasseurs dans cette camionnette.
Dufresne ne se souvient pas de la couleur de la jeep, mais déclare qu’elle était bien sale , qu’elle portait une licence américaine dont il ne se souvient pas non plus de la couleur; qu’elle était fermée à sa grandeur.
Le conducteur de la jeep était un homme d’à peu près 40 ans.
Les trois occupants de la jeep « étaient habillés pareils, la chemise et le pantalon pareils; celui qui a pris les renseignements, le plus vieux, avait une chemise de suède ou de cuir toute galonnée, toute frangée, une sorte de coupe-vent ».
Tous les trois portaient des pantalons comme l’Armée américaine; celui qui est descendu et qui est resté autour de la jeep était tout jeune.
« J’ai toujours pensé que ça se situait au début de juin, quelque temps dans le mois de juin » dit Dufresne, « parce qu’il fut payé par chèque par Félix Dumaresq le jour même, vers cinq ou six heures du soir » et « parce qu’il n’y avait plus de neige quand on est allé là, dans le printemps »; « c’est toujours à la fin de mai ou au commencement de juin que les travaux commencent, des chemins. »
Le plus vieux des hommes pouvait avoir une quarantaine d’années. Le plus jeune entre 25 ou 26 ans; quant au troisième, il était demeuré assis dans la jeep; mais « Ça avait l’air » (?) qu’il était à peu près du même âge que le plus jeune; ce troisième était habillé comme les autres et lui aussi portant une chemise.
S’il a mentionné Matte comme l’un des officiers qui l’avait interrogé, ce fut sans penser, sans vouloir le dire parce que personne ne lui a dit que c’était monsieur Matte.
Il a été interrogé en 1962 par monsieur Doyon.
Ces témoignages multiples et divergents soulèvent plusieurs questions.
Tout d’abord, à quelle date les événements décrits par les Dumaresq et Dufresne se sont-ils véritablement produits?
Peu de jours après ou le lendemain de la visite de Eddy Dumaresq, père, au Coroner soit le 28 juillet 1953, les deux Dumaresq et Dufresne furent interrogés par les officiers Fradette et Fafard de la Police provinciale; dans la transcription des renseignements qu’il auraient communiqués à ces officiers, la date du 12 juin fut mentionnée comme date des événements dont ce témoins firent des récits variés.
D’après l’officier Vanhoutte qui alla les réinterroger quelques jours plus tard à la demande du capitaine Matte, ils se seraient tous trois corrigés quant à la date de ces événements et ils auraient alors fixé cette date à la fin du mois de mai. M. Dumaresq, père, est mort depuis; son fils Raymond a cependant témoigné devant cette Commission : il corrobora ce qu’avait expliqué M. Vanhoutte que la date du 12 juin avait été donnée par erreur au lieu de celle du 28 ou du 29 mai et donna les raisons de cette correction de date. Fernand Dufresne fut moins certain; mais il situa cette date de façon imprécise « au début de juin », « quelque temps dans les mois de juin »; Cependant, il se déclara certain que les événements s’étaient produits un vendredi. Le 12 juin était certes un vendredi, mais le 29 mai l’était aussi. Les témoignages précis de Raymond Dumaresq et de l’officier Vanhoutte doivent être accueillis de préférence au témoignage moins certain de Fernand Dufresne sur cette question de date; il paraît donc que la preuve favorise la date du 29 mai.
D’autre part, si l’on se fie à la description donnée par les Dumaresq et Dufresne aux vêtements portés par les occupants de la jeep, et tout particulièrement à cette description de « la chemise de suède ou de cuir galonné et frangé de l’un des occupants » qui correspond littéralement aux vêtements que portait Patterson, le guide du docteur Burkett, si l’on retient le nombre de trois occupants donné par Dufresne, si l’on retient également les âges de 40 et 26 ans donnés par Dufresne à deux des occupants qu’il a vus à l’extérieur (le troisième étant demeuré assis à l’intérieur, âges qui correspondent à ceux de Ford et de Patterson, et si l’on retient les renseignements communiqués par Russel Patterson, lors de l’enquête du coroner, que lui et ses compagnons eurent l’occasion, au cours de leur partie de chasse, de parler à plusieurs personnes dans les bois, « a lot every day », il est presque impossible de croire que les occupants de cette jeep aient pu être autres que ceux de la jeep du docteur Burkett; or, le 12 juin, la jeep du docteur Burkett avait quitté les bois et était retournée en Pennsylvanie; elle était cependant en forêt le 29 mai; une chose est également certaine :; ces hommes de 24 et 40 ans et ces trois occupants dont l’un habillé comme le guide Patterson n’étaient assurément pas les deux jeunes Américains d’environ 30 ans que Coffin prétendit avoir vus et ils n’étaient pas, d’après Raymond Dumaresq, les mêmes que ceux qui occupaient le premier véhicule rencontré plus tôt le matin et dont il sera ci-après question.
Ce qui précède nous justifie donc de croire que la jeep rencontrée par les Dumaresq et Dufresne le fut le 29 mai et qu’elle était celle du docteur Burkett, de Ford et de Russel Patterson.
Il y a plus cependant : l’erreur de date ne fut pas la seule que les Dumaresq commirent; ils en commirent une autre, également importante : dans sa déposition du 28 juillet 1953, Eddy Dumaresq avait parlé presque exclusivement de la rencontre par lui et son fils, le même jour, d’un premier véhicule, une jeep qu’ils rejoignirent sur la grande route Gaspé-Murdochville; il avait ajouté être certain que celui qui en était descendu, pour tirer du fusil sur un ours, était le jeune Claar pour « l’avoir reconnu sur les journaux »; il n’avait presque rien dit sur la jeep rencontrée plus longuement vers les midi. Le jeune Raymond Dumaresq n’avait, lui, fait qu’une allusion à une « autre jeep » rejointe sur la grande route, le matin, alors que son père et lui se rendaient au travail, sans toutefois parler de Claar. Or, devant le coroner Rioux, il n’avait été question que d’une seule jeep et il n’avait pas été question du jeune Claar; voici maintenant que, devant cette Commission, le jeune Dumaresq déclara que ce ne fut pas une jeep mais une camionnette que lui et son père ont vue en premier lieu; pour sa part, Fernand Dufresne, qui ne vit pas cet autre véhicule, nous déclara cependant que le père Eddy Dumaresq lui aurait dit avoir rencontré, plus tôt, le matin, non pas une jeep, mais une camionnette occupée par trois chasseurs. Il semblerait donc que, dans les déclarations des Dumaresq du 28 juillet 1953, non seulement la date ait été erronée, mais que fut également erronée la mention que le premier véhicule rencontré par eux était une jeep, alors qu’il s’était agi en vérité d’une camionnette occupée, aux dires de Dufresne devant cette Commission, par des occupants autres que ceux de la jeep rencontrée plus tard.
Ce serait l’un des occupants de cette camionnette que le père Dumaresq aurait reconnu comme étant Claar; or, il n’est pas possible que la camionnette des Lindsey et de Claar se soit trouvée sur la route Gaspé-Murdochville le 12 juin au matin; cette camionnette, Wilbert Coffin l’avait vue, le 10 juin, tard dans l’après-midi, sur le Tom’s Brook Road alors qu’elle était hors d’usage; il l’avait revue encore au même endroit le 12 juin dans l’après-midi, a-t-il prétendu, cette fois sans aucun occupant; elle fut de toute façon retrouvée, absolument au même endroit, un mois plus tard; la camionnette rencontrée par les Dumaresq, même en supposant qu’elle ait été rencontrée le 12 juin, n’aurait donc pas pu être celle des Lindsey et de Claar. Mais il y plus : outre qu’il est invraisemblable que le jeune Claar ait pu se trouver si loin du camion Linsey et de l’endroit où son cadavre fut plus tard retrouvé tout près de celui du jeune Lindsey, le jour même ou le lendemain du jour où, d’après les experts, il aurait été assassiné, il est nettement impossible que les Dumaresq aient rencontré le jeune Claar le même jour que les Burkett, Ford et Patterson; les Lindsey et Claar arrivèrent à Gaspé le 8 juin alors que les Burkett et Ford en étaient partis.
Ce serait donc une troisième erreur qu’aurait commise le père Dumaresq lorsqu’il prétendit, le 28 juillet, avoir pu reconnaître le jeune Claar sur une photo de journal; si ce fait eut été vrai, il se serait sûrement agi d’un fait assez important pour que Dumaresq, qui trouvait important de parler au Coroner de sa rencontre d’une jeep, parlât tout spécialement d’avoir aussi vu le jeune Claar. Or il n’en avait absolument rien dit.
Dans son dernier livre (page 167) monsieur Hébert déclare avoir obtenu, en 1962, un témoignage de Eddy Dumaresq, mort depuis; ce témoignage fut-il obtenu par lui-même ou par M. Doyon? L’auteur ne nous le dit pas. Ce qui est intéressant de noter, c’est le renseignement donné par Eddy Dumaresq que ce fut, « à la fin de mai ou au début de juin » (le 12 juin on n’est plus au début du mois de juin ni près de la fin de mai) qu’il aurait rencontré et une camionnette et une jeep. Ceci confirme donc, quant à la date, les témoignages de l’officier Vanhoutte et de Raymond Dumaresq et, quant à la camionnette, ceux de Raymond Dumaresq et de Fernand Dufresne et les erreurs sur ces deux points des déclarations du 28 juillet 1953. Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est que cette fois encore, comme lors de son entrevue avec le docteur Rioux, Eddy Dumaresq n’a pas parlé du jeune Claar.
M. Hébert a émis l’hypothèse que la camionnette était celle des Lindsey; il ignorait sans doute ou avait oublié que les Lindsey entrèrent dans le bois le 9 juin par la route de la rivière St-Jean, qu’ils ne prirent celle de la rivière York puis de Tom’s Brook Road que le 9 au soir ou le 10 au matin, que cette camionnette fut vue par Wilbert Coffin le 10 de bonne heure le matin à quelques milles seulement du camp 21, que cette camionnette était alors hors d’usage et le demeura jusqu’au 11 juillet et que ce fut un vendredi que les Dumaresq virent et camionnette et une jeep.; or, le 10 juin était un mercredi. L’hypothèse de M. Hébert n’est donc pas très forte; fut également une pure fantaisie sa suggestion que l’un des occupants de la jeep rencontrée le même jour aurait pu être « un guide d’un genre particulier… qui pourrait s’appeler Thompson »; somme toute un guide du nom de Thompson qui, par hasard, aurait été vêtu d’une « chemise de suède ou de cuir tout galonnée tout frangée »comme celle que portait Russel Patterson!
Si l’on tient compte de ce qui précède et si l’on relie les unes aux autres les déclarations erronées sur trois points essentiels de M. Dumaresq, père, il paraît manifeste que celui-ci, soit pour se rendre intéressant, soit pour d’autres motifs moins avouables, ait confondu, sciemment ou inconsciemment, des faits véritables dont il venait de prendre connaissance soit à l’enquête du coroner, soit dans les journaux, avec les événements dont il aurait pu être réellement témoin; son cas n’est pas unique dans les annales judiciaires; ce cas ne fut pas le seul, comme nous l’avons vu ou le verrons, où quelques Gaspésiens démontrèrent le peu d’importance qu’ils attachent à la stricte vérité et combien peu ils se souviennent des conséquences d’inexactitudes commises à la légère, même parfois sous serment; à titre d’exemples, John Hackett (ci-haut) et Régis Quirion (ci-après).
Si l’on retient donc que les gardes-barrières n’enregistrèrent, entre le 27 mai 1953 et le 12 juin 1953, l’entrée dans le bois d’aucun « party » de chasseurs américains autres que ceux des Burkett et Ford et des Lindsey et Claar, si l’on tient compte des renseignements communiqués au Coroner par Eddy Dumaresq et l’importance fort relative que le Coroner paraît y avoir attachée puisqu’il ne fit pas revenir Dumaresq, si l’ont tient compte des corrections apportées à leurs premières versions à la Police par le jeune Dumaresq et par Fernand Dufresne, si l’on retient le témoignage de M. Vanhoutte sur les raisons de ces corrections faites, non seulement devant cette Commission, mais également dès l’époque de l’enquête du coroner, si l’on tient compte des contradictions entre les versions données par le jeune Dumaresq et Fernand Dufresne et celle de Eddy Dumaresq quant au genre de véhicule rencontré le matin avant la rencontre de la jeep, si l’on tient compte de la quasi-uniformité fort importante des descriptions de la jeep et de ses occupants et si l’on retient surtout que les Dumaresq et Dufresne paraissent n’avoir plus jamais attaché d’importance à ces événements après leur entrevue avec l’officier Vanhoutte, il ne paraît pas faire de doute que ce fut bel et bien la jeep du docteur Burkett qu’ils rencontrèrent, que cette rencontre se fit le 29 mai et que, dès lors, le père Eddy Dumaresq n’aurait pu voir, ce jour-là, le jeune Claar.
D’autre part, il est certain que cette jeep n’a pu être celle que le docteur Wilson aurait vue à Rivière-du-Loup le 5 juin.
Il n’en reste pas moins que, si les représentants de la couronne étaient justifiés d’être convaincus qu’il ne s’agissait pas d’une jeep autre que celle du docteur Burkett, ils ont fait montre de témérité en ne faisant pas confronter le docteur Burkett et monsieur Ford avec les Dumaresq et Dufresne, lorsque l’occasion leur en fut donnée. Nous en reparlerons.(À SUIVRE)
LA SEMAINE PROCHAINE, NOUS VERRONS LE CAS DE LA JEEP ARNOLD
LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS
VIII
LA JEEP VUE PAR LES DUMARESQ, PÈRE ET FILS, ET PAR M. DUFRESNE
Aux environs de la deuxième séance de l’enquête du Coroner, tenue le 27 juillet 1953, un nommé Eddy Dumaresq résident de Rivière-au-Renard, petit centre de la côte gaspésienne situé à une trentaine de milles au nord de Gaspé, rendit visite au coroner Rioux pour porter à son attention qu’il avait rencontré une jeep quelques semaines plus tôt alors qu’il était sur la route de la mine (Murdochville).
Le docteur Rioux conserve le souvenir que Dumaresq ne lui parla que d’une jeep et non pas de deux, qu’il lui aurait dit que deux Américains en étaient descendus et que l’un d’eux avait une carabine dans les mains et visait un ours; monsieur Dumaresq ne déclara pas avoir vu le même jour une autre jeep.
Le docteur croit que son entrevue avec Dumaresq eut lieu avant la deuxième séance de l’enquête, mais il ne nous a pas paru en être absolument certain. Que cette entrevue ait eu lieu avant le 17 juillet ou immédiatement après la séance du 27 juillet, une chose est certaine : le docteur Rioux ne fit pas comparaître Dumaresq, ni le 27 juillet ni le 27 août.
Le 28 juillet, le lendemain de cette entrevue, ou peu de jours après, les officiers Fradette et Fafard furent dépêchés pour interviewer les Dumaresq à Rivière-au-Renard pour obtenir d’eux des déclarations : rappelons que le 28 juillet était aussi le lendemain de la deuxième séance de l’enquête du coroner à laquelle Coffin avait témoigné et avait parlé d’une jeep avec deux Américains.
Ni Fradette ni Fafard ne se présentèrent sous le nom de Matte, affirme le sergent Fradette; ils prirent des notes de la version des trois témoins, retournèrent à la Sûreté, dictèrent les trois versions à la secrétaire de la Sûreté qui les transcrivit.
Ces trois versions furent les suivantes :
EDDY DUMARESQ, PÈRE :
Le 12 juin, vers les neuf heures et trente, sur la route de Murdochville, pas loin de la rivière Mississippi, il voyageait en camion avec ses deux fils et un nommé Scott lorsqu’une jeep les dépassa; un arpent plus loin, elle s’arrêta et le conducteur leur fit signe d’arrêter. Un des deux occupants de la jeep qui en était descendu tira sur un ours. Cette jeep était complètement recouverte d’une toile. Dumaresq croit que seul le dessus de la jeep était couvert. Il ajoute qu’il est certain que celui qui descendit était Claar.
Le témoin déclare qu’un peu plus tard, vers les onze heures et trente, ils virent une autre jeep; un des occupants leur demanda des renseignements; il ne parlait presque pas le français; c’était un homme blond d’environ 30 ans, à la figure rouge.
Dufresne lui aurait dit que la licence de la jeep était jaune; cette jeep était couverte; il croit que les côtés étaient vides, mais il n’en est pas certain.
RAYMOND DUMARESQ :
Le 12 juin, alors qu’il se rendait dans le bois avec son père, leur camion fut dépassé par une jeep non loin de la rivière Mississippi. Il constata que la jeep était couverte d’une toile. Les occupants de la jeep en descendirent; l’un d’eux avait un gilet et était un gros homme. Vers les onze heures, onze heures trente, une autre jeep est venue au moulin où lui et son père travaillaient avec Fernand Dufresne. L’homme qui en descendit pour leur parler portait une veste de cuir brun foncé avec frange sur les bras et sur la ceinture.
FERNAND DUFRESNE :
Le 12 juin, vers les dix heures et trente de l’avant-midi, alors qu’ils étaient rendus à Beaver Dam, ils rencontrèrent une jeep avec licence jaune et lettres noires. Cette jeep était couverte et le témoin croit que c’était une cabine de bois de veneer qui avait été superposée à la carrosserie. Il y avait trois hommes dans la jeep; l’un d’eux s’enquit du camp de Keays, des côtes de Garlen et Madeleine Fork ainsi que de la Gaspé Copper. Cet homme était âgé d’environ 28 à 30 ans, portait un coupe-vent de cuir brun avec frange sur les manches et sur la ceinture et il mesurait environ six pieds. Sur la jeep, il y avait une licence américaine avec plaque en arrière seulement; les tringles de la cabine étaient peinturées vert, le reste ne l’était pas. Quand la jeep repartit, elle prit le chemin de la mine. Le plus vieux pouvait être âgé d’environ 45 à 48 ans; le plus jeune portait des pantalons et une chemise de couleur jaunâtre. Celui qui posa des questions était châtain.
Après avoir pris connaissance de ces trois déclarations non assermentées, le capitaine Matte décida de faire réinterroger les témoins par monsieur Vanhoutte.
Peu de jours après, au cours d’une entrevue, Eddy Dumaresq aurait dit à monsieur Vanhoutte : Si vous n’étiez pas venu me voir, j’étais pour aller vous voir parce que j’ai fait une erreur. Il ne s’agissait pas du 12 juin, mais bien du 28 mai lorsque j’ai vu cette jeep ».
Monsieur Eddy Dumaresq est décédé.
Entendu par la Commission, l’officier Vanhoutte déclara ce qui suit : il alla interroger les deux Dumaresq et Dufresne; les Dumaresq avaient dit au docteur Rioux qu’ils désiraient revoir la Police parce qu’ils avaient fait une erreur dans leur première déclaration, au sujet de la date; lors de leur entrevue avec monsieur Vanhoutte, ils racontèrent qu’ils s’étaient trompés sur la date du 12 juin et qu’il s’agissait en fait de la date du 28 ou du 29 mai 1953; ils corrigèrent la date de leur rencontre de la jeep après s’être rappelé que le même jour était celui où un premier bateau avait été chargé de bois de pulpe à Rivière-au-Renard, ce qui était un événement facile à déterminer; or, ce chargement du premier bateau avait eu lieu le 28 ou le 29 mai.
Devant cette Commission, Raymond Dumaresq et Dufresne furent entendus.
RAYMOND DUMARESQ témoigna comme suit :
Il travaillait à l’époque à Beaver Dam, près de la route de la mine de Murdochville, à la restauration d’un vieux camp, près de la route qui conduit aux camps 21, 24 et 25, quelque vingt-cinq ou trente milles plus loin; l’endroit où il travaillait était éloigné de la grande route d’environ 125 pieds; un jour, vers les midi, il vit une jeep s’arrêter devant le chantier; c’était dans les derniers jours de mai, vers le 29 ou le 30; il est pas mal certain de la date parce qu’il y avait une veillée chez lui, à la salle paroissiale, ce soir-là ou le lendemain, et c’était à la fin de mai, dans les derniers jours de mai; un des passagers de la jeep en descendit et alla leur demander des renseignements; à ce moment, il déchargeait, lui de la planche du camion de Fernand Dufresne; il ignore quelle était la couleur de la jeep; il ignore si elle était fermée ou ouverte; il croit qu’il y avait deux occupants; l’homme qui descendit de la jeep parla à son père; lui ne le comprit pas parce qu’il ne sait pas l’anglais; l’homme parla environ une dizaine de minutes, puis la jeep repartit et se dirigea dans la vieille route; l’homme qui parla à son père avait un coupe-vent en suède avec des franges; il avait environ 40 ans.
Il ignore ce que son père a déclaré à la police.
Il croit que plus tard, son père fut interviewé par monsieur Doyon, mais hors la présence et la connaissance de son fils.
Le jour de la rencontre de la jeep, mais plus tôt, en se dirigeant vers le camp, son père et lui avaient vu une camionnette arrêtée en avant de la leur; un ours était à manger dans des déchets; les occupants de cette camionnette essayèrent de tuer l’ours, mais le ratèrent et repartirent; il y avait trois occupants dans cette camionnette; il n’a pas remarqué la licence de la camionnette et ignore si elle était canadienne.
Dans son témoignage, FERNAND DUFRESNE confirme celui de Dumaresq, mais, il est plus explicite sur certains points :
Il y avait trois voyageurs dans la jeep qui s’arrêta au chantier; c’est le conducteur qui en est descendu et s’est adressé à lui; comme cet homme parlait anglais et lui demandait à quel endroit il était, il s’adressa à Eddy Dumaresq car il ignorait où ils se trouvaient parce qu’il n’avait jamais « travaillé sur le chemin de la mine »; Eddy Dumaresq transmit alors l’information en anglais au conducteur de la jeep.
Eddy Dumaresq lui déclara, à lui, Dufresne, que, le matin, il avait rencontré sur le chemin de la mine une camionnette et qu’il avait vu quelqu’un viser un ours et le manquer; qu’ils étaient trois chasseurs dans cette camionnette.
Dufresne ne se souvient pas de la couleur de la jeep, mais déclare qu’elle était bien sale , qu’elle portait une licence américaine dont il ne se souvient pas non plus de la couleur; qu’elle était fermée à sa grandeur.
Le conducteur de la jeep était un homme d’à peu près 40 ans.
Les trois occupants de la jeep « étaient habillés pareils, la chemise et le pantalon pareils; celui qui a pris les renseignements, le plus vieux, avait une chemise de suède ou de cuir toute galonnée, toute frangée, une sorte de coupe-vent ».
Tous les trois portaient des pantalons comme l’Armée américaine; celui qui est descendu et qui est resté autour de la jeep était tout jeune.
« J’ai toujours pensé que ça se situait au début de juin, quelque temps dans le mois de juin » dit Dufresne, « parce qu’il fut payé par chèque par Félix Dumaresq le jour même, vers cinq ou six heures du soir » et « parce qu’il n’y avait plus de neige quand on est allé là, dans le printemps »; « c’est toujours à la fin de mai ou au commencement de juin que les travaux commencent, des chemins. »
Le plus vieux des hommes pouvait avoir une quarantaine d’années. Le plus jeune entre 25 ou 26 ans; quant au troisième, il était demeuré assis dans la jeep; mais « Ça avait l’air » (?) qu’il était à peu près du même âge que le plus jeune; ce troisième était habillé comme les autres et lui aussi portant une chemise.
S’il a mentionné Matte comme l’un des officiers qui l’avait interrogé, ce fut sans penser, sans vouloir le dire parce que personne ne lui a dit que c’était monsieur Matte.
Il a été interrogé en 1962 par monsieur Doyon.
Ces témoignages multiples et divergents soulèvent plusieurs questions.
Tout d’abord, à quelle date les événements décrits par les Dumaresq et Dufresne se sont-ils véritablement produits?
Peu de jours après ou le lendemain de la visite de Eddy Dumaresq, père, au Coroner soit le 28 juillet 1953, les deux Dumaresq et Dufresne furent interrogés par les officiers Fradette et Fafard de la Police provinciale; dans la transcription des renseignements qu’il auraient communiqués à ces officiers, la date du 12 juin fut mentionnée comme date des événements dont ce témoins firent des récits variés.
D’après l’officier Vanhoutte qui alla les réinterroger quelques jours plus tard à la demande du capitaine Matte, ils se seraient tous trois corrigés quant à la date de ces événements et ils auraient alors fixé cette date à la fin du mois de mai. M. Dumaresq, père, est mort depuis; son fils Raymond a cependant témoigné devant cette Commission : il corrobora ce qu’avait expliqué M. Vanhoutte que la date du 12 juin avait été donnée par erreur au lieu de celle du 28 ou du 29 mai et donna les raisons de cette correction de date. Fernand Dufresne fut moins certain; mais il situa cette date de façon imprécise « au début de juin », « quelque temps dans les mois de juin »; Cependant, il se déclara certain que les événements s’étaient produits un vendredi. Le 12 juin était certes un vendredi, mais le 29 mai l’était aussi. Les témoignages précis de Raymond Dumaresq et de l’officier Vanhoutte doivent être accueillis de préférence au témoignage moins certain de Fernand Dufresne sur cette question de date; il paraît donc que la preuve favorise la date du 29 mai.
D’autre part, si l’on se fie à la description donnée par les Dumaresq et Dufresne aux vêtements portés par les occupants de la jeep, et tout particulièrement à cette description de « la chemise de suède ou de cuir galonné et frangé de l’un des occupants » qui correspond littéralement aux vêtements que portait Patterson, le guide du docteur Burkett, si l’on retient le nombre de trois occupants donné par Dufresne, si l’on retient également les âges de 40 et 26 ans donnés par Dufresne à deux des occupants qu’il a vus à l’extérieur (le troisième étant demeuré assis à l’intérieur, âges qui correspondent à ceux de Ford et de Patterson, et si l’on retient les renseignements communiqués par Russel Patterson, lors de l’enquête du coroner, que lui et ses compagnons eurent l’occasion, au cours de leur partie de chasse, de parler à plusieurs personnes dans les bois, « a lot every day », il est presque impossible de croire que les occupants de cette jeep aient pu être autres que ceux de la jeep du docteur Burkett; or, le 12 juin, la jeep du docteur Burkett avait quitté les bois et était retournée en Pennsylvanie; elle était cependant en forêt le 29 mai; une chose est également certaine :; ces hommes de 24 et 40 ans et ces trois occupants dont l’un habillé comme le guide Patterson n’étaient assurément pas les deux jeunes Américains d’environ 30 ans que Coffin prétendit avoir vus et ils n’étaient pas, d’après Raymond Dumaresq, les mêmes que ceux qui occupaient le premier véhicule rencontré plus tôt le matin et dont il sera ci-après question.
Ce qui précède nous justifie donc de croire que la jeep rencontrée par les Dumaresq et Dufresne le fut le 29 mai et qu’elle était celle du docteur Burkett, de Ford et de Russel Patterson.
Il y a plus cependant : l’erreur de date ne fut pas la seule que les Dumaresq commirent; ils en commirent une autre, également importante : dans sa déposition du 28 juillet 1953, Eddy Dumaresq avait parlé presque exclusivement de la rencontre par lui et son fils, le même jour, d’un premier véhicule, une jeep qu’ils rejoignirent sur la grande route Gaspé-Murdochville; il avait ajouté être certain que celui qui en était descendu, pour tirer du fusil sur un ours, était le jeune Claar pour « l’avoir reconnu sur les journaux »; il n’avait presque rien dit sur la jeep rencontrée plus longuement vers les midi. Le jeune Raymond Dumaresq n’avait, lui, fait qu’une allusion à une « autre jeep » rejointe sur la grande route, le matin, alors que son père et lui se rendaient au travail, sans toutefois parler de Claar. Or, devant le coroner Rioux, il n’avait été question que d’une seule jeep et il n’avait pas été question du jeune Claar; voici maintenant que, devant cette Commission, le jeune Dumaresq déclara que ce ne fut pas une jeep mais une camionnette que lui et son père ont vue en premier lieu; pour sa part, Fernand Dufresne, qui ne vit pas cet autre véhicule, nous déclara cependant que le père Eddy Dumaresq lui aurait dit avoir rencontré, plus tôt, le matin, non pas une jeep, mais une camionnette occupée par trois chasseurs. Il semblerait donc que, dans les déclarations des Dumaresq du 28 juillet 1953, non seulement la date ait été erronée, mais que fut également erronée la mention que le premier véhicule rencontré par eux était une jeep, alors qu’il s’était agi en vérité d’une camionnette occupée, aux dires de Dufresne devant cette Commission, par des occupants autres que ceux de la jeep rencontrée plus tard.
Ce serait l’un des occupants de cette camionnette que le père Dumaresq aurait reconnu comme étant Claar; or, il n’est pas possible que la camionnette des Lindsey et de Claar se soit trouvée sur la route Gaspé-Murdochville le 12 juin au matin; cette camionnette, Wilbert Coffin l’avait vue, le 10 juin, tard dans l’après-midi, sur le Tom’s Brook Road alors qu’elle était hors d’usage; il l’avait revue encore au même endroit le 12 juin dans l’après-midi, a-t-il prétendu, cette fois sans aucun occupant; elle fut de toute façon retrouvée, absolument au même endroit, un mois plus tard; la camionnette rencontrée par les Dumaresq, même en supposant qu’elle ait été rencontrée le 12 juin, n’aurait donc pas pu être celle des Lindsey et de Claar. Mais il y plus : outre qu’il est invraisemblable que le jeune Claar ait pu se trouver si loin du camion Linsey et de l’endroit où son cadavre fut plus tard retrouvé tout près de celui du jeune Lindsey, le jour même ou le lendemain du jour où, d’après les experts, il aurait été assassiné, il est nettement impossible que les Dumaresq aient rencontré le jeune Claar le même jour que les Burkett, Ford et Patterson; les Lindsey et Claar arrivèrent à Gaspé le 8 juin alors que les Burkett et Ford en étaient partis.
Ce serait donc une troisième erreur qu’aurait commise le père Dumaresq lorsqu’il prétendit, le 28 juillet, avoir pu reconnaître le jeune Claar sur une photo de journal; si ce fait eut été vrai, il se serait sûrement agi d’un fait assez important pour que Dumaresq, qui trouvait important de parler au Coroner de sa rencontre d’une jeep, parlât tout spécialement d’avoir aussi vu le jeune Claar. Or il n’en avait absolument rien dit.
Dans son dernier livre (page 167) monsieur Hébert déclare avoir obtenu, en 1962, un témoignage de Eddy Dumaresq, mort depuis; ce témoignage fut-il obtenu par lui-même ou par M. Doyon? L’auteur ne nous le dit pas. Ce qui est intéressant de noter, c’est le renseignement donné par Eddy Dumaresq que ce fut, « à la fin de mai ou au début de juin » (le 12 juin on n’est plus au début du mois de juin ni près de la fin de mai) qu’il aurait rencontré et une camionnette et une jeep. Ceci confirme donc, quant à la date, les témoignages de l’officier Vanhoutte et de Raymond Dumaresq et, quant à la camionnette, ceux de Raymond Dumaresq et de Fernand Dufresne et les erreurs sur ces deux points des déclarations du 28 juillet 1953. Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est que cette fois encore, comme lors de son entrevue avec le docteur Rioux, Eddy Dumaresq n’a pas parlé du jeune Claar.
M. Hébert a émis l’hypothèse que la camionnette était celle des Lindsey; il ignorait sans doute ou avait oublié que les Lindsey entrèrent dans le bois le 9 juin par la route de la rivière St-Jean, qu’ils ne prirent celle de la rivière York puis de Tom’s Brook Road que le 9 au soir ou le 10 au matin, que cette camionnette fut vue par Wilbert Coffin le 10 de bonne heure le matin à quelques milles seulement du camp 21, que cette camionnette était alors hors d’usage et le demeura jusqu’au 11 juillet et que ce fut un vendredi que les Dumaresq virent et camionnette et une jeep.; or, le 10 juin était un mercredi. L’hypothèse de M. Hébert n’est donc pas très forte; fut également une pure fantaisie sa suggestion que l’un des occupants de la jeep rencontrée le même jour aurait pu être « un guide d’un genre particulier… qui pourrait s’appeler Thompson »; somme toute un guide du nom de Thompson qui, par hasard, aurait été vêtu d’une « chemise de suède ou de cuir tout galonnée tout frangée »comme celle que portait Russel Patterson!
Si l’on tient compte de ce qui précède et si l’on relie les unes aux autres les déclarations erronées sur trois points essentiels de M. Dumaresq, père, il paraît manifeste que celui-ci, soit pour se rendre intéressant, soit pour d’autres motifs moins avouables, ait confondu, sciemment ou inconsciemment, des faits véritables dont il venait de prendre connaissance soit à l’enquête du coroner, soit dans les journaux, avec les événements dont il aurait pu être réellement témoin; son cas n’est pas unique dans les annales judiciaires; ce cas ne fut pas le seul, comme nous l’avons vu ou le verrons, où quelques Gaspésiens démontrèrent le peu d’importance qu’ils attachent à la stricte vérité et combien peu ils se souviennent des conséquences d’inexactitudes commises à la légère, même parfois sous serment; à titre d’exemples, John Hackett (ci-haut) et Régis Quirion (ci-après).
Si l’on retient donc que les gardes-barrières n’enregistrèrent, entre le 27 mai 1953 et le 12 juin 1953, l’entrée dans le bois d’aucun « party » de chasseurs américains autres que ceux des Burkett et Ford et des Lindsey et Claar, si l’on tient compte des renseignements communiqués au Coroner par Eddy Dumaresq et l’importance fort relative que le Coroner paraît y avoir attachée puisqu’il ne fit pas revenir Dumaresq, si l’ont tient compte des corrections apportées à leurs premières versions à la Police par le jeune Dumaresq et par Fernand Dufresne, si l’on retient le témoignage de M. Vanhoutte sur les raisons de ces corrections faites, non seulement devant cette Commission, mais également dès l’époque de l’enquête du coroner, si l’on tient compte des contradictions entre les versions données par le jeune Dumaresq et Fernand Dufresne et celle de Eddy Dumaresq quant au genre de véhicule rencontré le matin avant la rencontre de la jeep, si l’on tient compte de la quasi-uniformité fort importante des descriptions de la jeep et de ses occupants et si l’on retient surtout que les Dumaresq et Dufresne paraissent n’avoir plus jamais attaché d’importance à ces événements après leur entrevue avec l’officier Vanhoutte, il ne paraît pas faire de doute que ce fut bel et bien la jeep du docteur Burkett qu’ils rencontrèrent, que cette rencontre se fit le 29 mai et que, dès lors, le père Eddy Dumaresq n’aurait pu voir, ce jour-là, le jeune Claar.
D’autre part, il est certain que cette jeep n’a pu être celle que le docteur Wilson aurait vue à Rivière-du-Loup le 5 juin.
Il n’en reste pas moins que, si les représentants de la couronne étaient justifiés d’être convaincus qu’il ne s’agissait pas d’une jeep autre que celle du docteur Burkett, ils ont fait montre de témérité en ne faisant pas confronter le docteur Burkett et monsieur Ford avec les Dumaresq et Dufresne, lorsque l’occasion leur en fut donnée. Nous en reparlerons.(À SUIVRE)
LA SEMAINE PROCHAINE, NOUS VERRONS LE CAS DE LA JEEP ARNOLD
13 commentaires:
Me Fortin ,
Vous avez raison de mentionner que les procureurs de la Couronne
auraient PÛ confronter les deux
partis , si on peut utiliser le terme ; celà aurait éviter toute possibilité de questionnement par la suite .
Mais la Commission Brossard devait-elle avoir une suite ou
devait-elle mettre au clair et conclure tout questionnement, les Procureurs choisis étant les PROS des PROS ???
Aujourd'hui , on a , à la télé ,
ou lors de grands procès ,
le 'REPLAY' ou 'L'ANALYSE '
c'est MACHIAVÉLIQUE !
Vous faites un travail formidable, M. Fortin. Stoddard reçoit pour bien moins que ça plein de courriels élogieux. Il est bien capable de se les écrire lui-même. R. F. Drummondville
Je vous rappelle que je ne rapporte que les propos du juge Brossard.
À R.F. Drummondville
Merci du compliment.
C'est vrai Me Fortin, vous faites un travail monumental. Peu importe la décision qui sera prise, le public pourra juger lui-même à partir des faits réels et non pas à partir des livres de Jacques Hébert.
Louis Tremblay
Rivière-du-Loup
Mr. Tremblay or whoever you may be, the public is not judging this case by the books of Jacques Hebert or from anyone else. They are judging it by the evidence that was provided but never presented to the court, and as well in many cases, it was presebted in a distorted way to deceive and trick a jury.
Ken Downs
Richmond Hill
Ontario
To Ken Dowms , that nobody who's claiming out his own dumpness ,
Read the Brossard Commission report on each and every subject that you pretain to have been misrepresented or distorted if you ever happen to know how to read , yourself and the whole group of ignorants of the case .
You will also aknowledge how the court discarted all those liars ,
false witnesses , and daydreamers
who tried to deceive and trick the Commission on behalf of Coffin's lawyers.
Don't read this blog if what you want is fantasy ,
read Stoddard's .
Me Fortin ,
Votre apport considérable , à la divulgation et à la compréhension des faits réels , tels qu'établis devant la Commission Brossard ,
va clarifier à jamais et proclamer l'inutilité des vaines démarches reposant sur les inepties des détracteurs du style de Stoddard et de sa suite de croyants ignares .
Continuez ce magnifique travail !!
Me Fortin ,
Avez vous vu,sur le dernier blog du PROPHÈTE Stoddard ,la photo de la Jeep suppposéement apercue par Coffin ?
Me Gravel, son loyal avocat , y figure , tenant le volant . Cette Jeep est dites identique , en tous points , et devait servir au public , à se remémorer un quelconque souvvenir de DÉJÀ-VU ,
pouvant servir devant la Commission Brossard .
La Supposée Jeep de Coffin , selon son affidavit était
' OF A DARK COLOR '
' DE COULEUR FONCÉE en francais
Cherchez l'erreur ?
J'ai hâte de lire vos deux prochains articles sur les Jeep
à venir , j'espère qu'il y aura des photos .
Encore félicitations pour votre travail !!!
Me fortin ,
À la lecture du dernier blog de Stoddard , il m'apparaît que votre exhaustive énumération des Jeep connues , relatives à l'affaire Coffin , ne connaîtra pas de fin .
Mr Stoddard , rejetant du revers de la main , tous ces Jeep ,
PUT THEM JEEP BACK IN THE TOY'S BOX , sort de sa manche une nouvelle carte ( frimée ) ???
Cette carte montrera un autre type de véhicule ???
Des rapports de police , non divulgués , y feront allusion ???
Je sais , de longue date , que les Gaulois dont je suis , sont un tantinet capotés mais ,que le Romain Lewius Stoddardius soit rendu à ce point
OUT OF THE BLUE ,
je n'en reviens tout simplement pas .
Il est tombé , pour sûr , dans la marmite du druide Panoramix .
' Par Toutatis , ils sont fous ces Romains '!!!
J'ai bien hâte de lire sur la jeep arnold car c'est bel et bien la jeep que wilbert a vu en Gaspésie et à cause de quoi il aurait du être exonoré. Mais Duplessis et la police ont cacher la verité.
G Pare
Sur quels faits vous basez-vous pour faire ces affirmations? J'aimerais les connaître.
Sur quels faits?Le gros bon sens, mon cher monsieur. Plus l'attitude de Duplessis et des policiers.Tout le monde en Gaspésie sait ca depuis longtemps. La fameuse jeep, c'est elle et personne ne va m'enlevé ca de la tête.
Le site de Mr Stoddard est beaucoup plus precis et complet que le votre. Mr Stoddard connait meme l'identité des veritables tueurs. G. Pare
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