EXTRAIT DU RAPPORT DE LA COMMISSION BROSSARD
(dactylographié par Clément Fortin)
Chapitre 7
LA NOTE MYSTÉRIEUSE
L’une des accusations les plus sérieuses qui ait été portée, soit en termes affirmatifs, soit par des insinuations ou par des hypothèses voilées, fut celle qu’à l’époque des recherches policières, on aurait trouvé un morceau de papier portant la date du 13 juin et qui aurait été écrite par l’une des trois victimes ; de la prétendue découverte de cet écrit et du fait qu’il n’en fut jamais question au cours des enquêtes préliminaires au procès ni au procès même, se dégageaient, manifestement, les conclusions a) que Coffin était innocent puisque le 13 juin au moins l’une des trois victimes était encore vivante, alors que Coffin était revenu du bois le 12 au soir, et b) que l’existence de l’écrit en question avait été cachée au jury.
Dans son volume de « The Coffin Murder Case », M. Belliveau ne fait qu’une allusion, mais une allusion assez suggestive à une « tattered note » que le photographe Maurice Edwards « swore that he had seen though he could not say what it contained. »
Dans son premier livre « Coffin était innocent », M. Hébert se montrait beaucoup moins discret ; il affirmait l’existence d’une note déchirée qui, une fois rassemblée, livrait un message d’une extrême importance, note qui, ajoutait-il, rédigée par un des trois chasseurs, indiquait clairement que son auteur était bien vivant le 13 juin 1953. Il affirmait que dans un de ses reportages, Belliveau, qui représentait le Toronto Daily Star et avait rédigé d’innombrables reportages sur l,affaire Coffin, avait parlé, au début de l’enquête, de cette importante découverte de la police. Il y affirmait également que la police, dont c’était le devoir d’en informer le tribunal, avait tenu caché ce document demeuré introuvable.
Ces accusations, M. Hébert les répéta dans son deuxième volume en y ajoutant certains commentaires et en s’appuyant de plus sur des renseignements que lui aurait communiqués M. Belliveau lui-même.
Me Gravel, l’un des défenseurs de Coffin, avait lui-même fait allusion à l’existence de cette note dans une lettre qu’il avait transmise au ministre de la Justice au cours de l’automne de 1955.
Les accusations furent reprises, à la télévision en décembre 1963, par l’ancien policier Synnett.
Or, l’enquête devant cette Commission a établi, de façon incontestable, que cette note n’a jamais existé et qu’on a, sciemment ou non, mais au moins négligemment, faussement représenté comme cette note une note qu’un M. Thomas Miller, l’un des Gaspésiens qui¸avaient participé, dans les bois environnants Gaspé, aux recherches des trois chasseurs américains disparus, avait laissée sur une roche pour informer d’autres chercheurs qu’il se rendait à un endroit particulier où on pourrait le rejoindre si nécessaire.
Cette note laissée par Thomas Miller fut trouvée à l’endroit où il l’avait laissée ou tout près de cet endroit par les agents Fafard, Fradette et Dumas qui en recueillirent les morceaux épars, les apportèrent avec eux au bureau de la Sûreté à Gaspé et les remirent au sergent Doyon ; ces morceaux épars demeurèrent apparemment, pendant quelque temps, sur le pupitre du sergent Doyon où ils purent être vus par certains officiers de la police ainsi que par les journalistes et photographes qui fréquentaient le bureau de la Sûreté en quête de nouvelles. L’existence de cette note, qui était absolument sans aucune portée quelconque pour la découverte et la condamnation de l’auteur des meurtres, fut subséquemment oubliée jusqu’au jour de 1956 où le sergent Vanhoutte, qui avait remplacé le sergent Doyon comme officier en charge du poste de Gaspé, retrouva les morceaux de cette note dans un dossier relatif à l’affaire Coffin qu’y avait laissé le sergent Doyon. Ils furent alors transmis au bureau de la Sûreté à Québec, où, sur les instructions du capitaine Matte, ils furent assemblés le mieux possible sur une feuille qui fut remise au capitaine Matte ; cette note fut produite comme exhibit devant cette Commission.
Le capitaine Alphonse Matte a affirmé devant nous qu’il ne vit cette note de Thomas Miller ainsi reconstituée que lorsqu’elle lui fut apportée à Québec par le sergent Vanhoutte.
Au sujet de cette note, furent interrogés devant cette Commission, M. Thomas Miller, les agents Fafard, Dumas et Fradette, M. Synnett, M. Maurice Edwards, M. Wilfrid Carter, M. David Johnson, les capitaines Matte et Sirois, Me C.E. Cantin, assistant-procureur général et quelques autres.
THOMAS MILLER a reconnu l’exhibit 25 comme constituant une reconstitution partielle de la note qu’il avait laissée dans le bois à l’usage des autres chercheurs et dans laquelle il parlait du camp Mullin’s : il y reconnut son écriture (identique à celle d’une reproduction de cette note qu’il écrivait séance tenant) ; il y reconnut que la date apparaissant au coin supérieur droit de la note était « 13th 53 » et qu’on ne pouvait y voir l’indication du mois ; il sait, cependant, avoir écrit cette note au mois de juillet au cours des recherches ; il y reconnut enfin partie de sa signature.
Les anciens agents FAFARD, DUMAS, et FRADETTE décrivirent les circonstances dans lesquelles ces morceaux épars de la note furent trouvés dans le bois à l’époque des recherches effectuées entre le 10 et le 20 juillet 1953 et déclarèrent les avoir apportés avec eux au bureau de la Sûreté à Gaspé ; ils ne les revirent plus.
L’ancien officier SYNNETT fut interrogé longuement sur ses activités au cours de l’enquête policière qui suivit la disparition des chasseurs américains. Il parla d’une note datée du 13 juin dont, à l’exception de la date, le texte était « unreadable ». Il identifia cette note, comme étant l’exhibit 25, puis il affirma avoir vu trois notes, celle qui est représentée par l’exhibit 25, une note laissée par les parents du jeune Claar lors d’une visite qu’ils firent dans le bois à l’époque des recherches, et la note datée du 13 juin, mais illisible.
Il fut alors confronté avec le texte de l’entrevue qu’il donna à la télévision ; or, au cours de cette entrevue à la télévision, il parla d’une note datée du 13 juin sur laquelle on pouvait lire les mots « je vous rencontrerai au camp Mullins »
Il admet qu’après cette entrevue à la télévision, il a pu déclarer à un représentant du journal « La Presse » qu’il avait pu se tromper à la télévision « about the note that no message appeared on and the one that is partially written ».
Ce dont il faut tenir compte dans le témoignage assez embrouillé par ailleurs de M. Synnett, c’est que lors de son entrevue à la télévision, il paraît avoir référé à la note de Miller en parlant d’une note datée du 13 juin et que, d’autre part, la prétendue note datée du 13 juin était illisible et ne pouvait par conséquent être reliée à quiconque et assurément pas à l’un des trois chasseurs américains.
M. GÉRALD GODIN, qui participa à l’enregistre de certaines émissions pour le réseau français de télévision de Radio-Canada et assista, en cette qualité, à l’enregistrement de l’entrevue de Lewis Synnett le ler décembre 1963, mais qui ne fut mise en ondes que plusieurs jours plus tard, déclare qu’après cet enregistrement, il vit au bureau de Me Noël Dorion, à Québec, un photostat de l’exhibit no 25 et que le soir même il téléphona à M. Synnett parce que des doutes étaient venus à son esprit et à celui de M. Pierre Nadeau, l’un de deux animateurs à la télévision ; or, au cours de cette conversation, la seule note que décrivit M. Synnett fut celle de Thomas Miller.
Une dame JEAN THOMAS, alors à l’emploi du journal « La Presse », fit elle-même un téléphone à M. Synnett quelques jours après son entrevue à la télévision ; il appert de cette conversation téléphonique que la note que Synnett prétend avoir été datée du 13 juin était, pour lui, datée de « juin 53 », qu’elle était déchirée et « collée avec du scotch tape » et qu’elle était celle que les chercheurs avaient trouvée et lui avaient remise ou du moins qu’elle lui ressemblait.
Il nous a paru manifeste que Synnett s’est fourvoyé à la télévision, qu’il n’a vu véritablement qu’une seule note que cette note fut celle que signa Thomas Miller ; c’est la seule conclusion à laquelle on peut en venir en comparant son entrevue à la télévision avec les renseignements qu’il a communiqués à cette Commission et ceux qu’il a communiqués à M. Godin et à madame Thomas. Cet ancien officier de la Sûreté, que la Sûreté n’a jamais voulu reprendre à son service après qu’il eût donné sa démission volontairement pour des raisons d’ordre financier, nous a donné l’impression, non seulement dans cette partie de son témoignage, mais dans tout le reste de son témoignage, qu’il avait un compte à régler avec la Sûreté. En fait, de tous les témoignages d’anciens membres de la Sûreté que nous avons entendus, celui-ci est celui auquel il faut accorder le moins de crédibilité.
M. MAURICE EDWARDS, à l’époque photographe pour le Toronto Daily Star, a vu des articles sur le bureau du sergent Doyon au poste de la Sûreté à Gaspé ; la seule photographie d’une note qu’il ait prise fut celle d’une note sur laquelle les noms de M. et Mme Claar apparaissaient ; d’autre part, il se souvient d’avoir vu sur le bureau de M. Doyon, d’une distance de dix pieds, une note qui était déchirée, dont il ne se souvient pas si elle était entièrement déchirée ou si elle n’était que « ripped on the edges », une note qu’il n’a jamais lue, qu’il n’a pas essayé de lire, et qu’il n’a jamais touchée ! Manifestement, il s’agissait de la note de Miller. Il est impossible de conclure de son témoignage, comme semblerait avoir pu le faire M. Belliveau à la lecture de photos prises par M. Edwards, si l’on en juge par son allusion à « the matter of a note », que M. Edwards ait jamais vu une note signée par l’un des chasseurs américains et datée du 13 juin 1953.
MM. Wilfrid CARTER et David JOHNSON, deux techniciens à l’emploi du gouvernement provincial, qui paraissent avoir pris l’initiative des recherches dans le bois avant que le sergent Doyon n’intervienne lui-même, déclarent tous deux n’avoir jamais vu ni eu connaissance de cette note mystérieuse au cours des recherches intenses qu’ils ont eux-mêmes effectuées.
Me Charles-Edouard Cantin, qui, suivant qu’il nous le déclara au cours de l’enquête, suivit la cause Coffin « avec plus d’attention que n’importe qu’elle autre cause dont il a eu à s’occuper depuis qu’il occupe la charge d’Assistant-Procureur Général à cause des difficultés qu’elle comportait », et qui avait donné des instructions précises, après la découverte des cadavres du jeune Lindsay et du jeune Claar, aux officiers de police « d’aller passer la forêt au peine fin », nous déclare qu’il n’a jamais entendu parler de l’existence d’une telle note avant l’année 1958, lorsque fut publié le premier livre de M. Hébert et qu’il ne croit pas avoir lu dans le livre de M. Belliveau la référence à l’existence « of a note », d’ailleurs pas décrite.
Personne, à Gaspé ou à Percé, n’a jamais entendu parler de cette note avant que mention n’en eût été faite dans le livre de M. Belliveau et, évidemment, dans les livres subséquents de M. Hébert.
En particulier, Me Louis Doiron qui fut l’un des avocats de Coffin, n’en a jamais entendu parler ni avant ni après le procès, ni même avant l’enquête actuelle. Il en est de même du capitaine MATTE et de M. VANHOUTTE et même de M. DOYON.
La vérité est que, au cours des recherches dans le bois, on trouva trois notes : celle de Miller, celle de M. et Mme Claar, et une troisième qui n’était qu’une vieille liste d’épicerie.
La vérité est aussi que l’existence de cette note a tété le produit d’imagination fertile et que les accusations qui ont été fondées sur la prétendue existence et la disparition mystérieuse de cette note n’ont été inspirées à l’origine que par une vague allusion à cette note faite par M. Belliveau, allusion ne s’appuyant sur absolument rien de tangible et de réel, et des commentaires aussi peu fondés dans des journaux de Toronto publiés à l’époque.
Les affirmations catégoriques faites par M. Hébert que cette note a existé, qu’elle portait la date du 13 juin 1953 et qu’elle était signée par l’un des chasseurs, illustrent bien le peu de soin que certains écrivains ou auteurs ou journalistes prennent de vérifier l’exactitude des faits avant de lancer dans le public des nouvelles sans aucun fondement ; les deux pages que monsieur Hébert a consacrées à cette note, dans son dernier volume, sont un tissu d’affirmations gratuites et fausses dont l’auteur tire des conclusions injurieuses pour la Couronne et la défense (à l’exception de Me Gravel, bien entendu), et pour la police qui « aurait tenu caché le document » et les autorités provinciales « qui ont menti ».
Pour appuyer ses dires, M. Hébert a même attribué à M. Belliveau des affirmations assez catégoriques que celui-ci a nié avoir faites ; M. Belliveau, ainsi qu’il l’avait d’ailleurs déclaré dans un article reproduit dans le journal « La Presse », en décembre 1963, nous a déclaré n’avoir jamais vu la fameuse note mystérieuse et n’avoir aucune information quant à son contenu, en un mot, qu’il n’en connaît rien ; bien qu’il ait pu discuter de cette note avec M. Hébert, il ne croit guère possible, dans les circonstances, qu’il ait pu lui dire les paroles suivantes que Mé Héber lui attribue, en ces termes, à la page 39 de son second volume :-
« J’ai longuement parlé de cette note avec John Edward Belliveau : « Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, me dit-il. Il y a eu deux notes trouvées au cours des recherches dans la brousse. La première note avait été trouvée sous une pierre, elle était froissée et déchirée. Signée par un des trois chasseurs, portant une date, elle donnait la preuve qu’au moins le signataire était vivant le 13 juin, soit le lendemain du départ de Coffin. La deuxième note n’était ni froissée ni déchirée. On l’avait trouvée sur le pare-brise de la camionnette de Lindsey, elle portait la signature de Clarence Claar, le père de Fred, une des victimes. Clarence Claar participait aux recherches et il était passé près de la camionnette à tel moment de la journée. On ne peut en dire autant de la première… »
Visiblement ennuyé par la lecture de ce passage, M. Belliveau déclara à la Commission ce qui suit :
« It is conceivable that one of the hunters did sign a note, and it is possible it had the date which Hébert mentions. The fact is that I myself never saw such a note and have no information about the contents or signature. If Mr. Hébert has further information about this note or its signature, I hope he can furnish the proof. At the same time, I do not enjoy being mentioned as an authority for such a fact.”
Et voilà comment l’on accuse des gens d’être des criminels pour avoir caché de la preuve !
(dactylographié par Clément Fortin)
Chapitre 7
LA NOTE MYSTÉRIEUSE
L’une des accusations les plus sérieuses qui ait été portée, soit en termes affirmatifs, soit par des insinuations ou par des hypothèses voilées, fut celle qu’à l’époque des recherches policières, on aurait trouvé un morceau de papier portant la date du 13 juin et qui aurait été écrite par l’une des trois victimes ; de la prétendue découverte de cet écrit et du fait qu’il n’en fut jamais question au cours des enquêtes préliminaires au procès ni au procès même, se dégageaient, manifestement, les conclusions a) que Coffin était innocent puisque le 13 juin au moins l’une des trois victimes était encore vivante, alors que Coffin était revenu du bois le 12 au soir, et b) que l’existence de l’écrit en question avait été cachée au jury.
Dans son volume de « The Coffin Murder Case », M. Belliveau ne fait qu’une allusion, mais une allusion assez suggestive à une « tattered note » que le photographe Maurice Edwards « swore that he had seen though he could not say what it contained. »
Dans son premier livre « Coffin était innocent », M. Hébert se montrait beaucoup moins discret ; il affirmait l’existence d’une note déchirée qui, une fois rassemblée, livrait un message d’une extrême importance, note qui, ajoutait-il, rédigée par un des trois chasseurs, indiquait clairement que son auteur était bien vivant le 13 juin 1953. Il affirmait que dans un de ses reportages, Belliveau, qui représentait le Toronto Daily Star et avait rédigé d’innombrables reportages sur l,affaire Coffin, avait parlé, au début de l’enquête, de cette importante découverte de la police. Il y affirmait également que la police, dont c’était le devoir d’en informer le tribunal, avait tenu caché ce document demeuré introuvable.
Ces accusations, M. Hébert les répéta dans son deuxième volume en y ajoutant certains commentaires et en s’appuyant de plus sur des renseignements que lui aurait communiqués M. Belliveau lui-même.
Me Gravel, l’un des défenseurs de Coffin, avait lui-même fait allusion à l’existence de cette note dans une lettre qu’il avait transmise au ministre de la Justice au cours de l’automne de 1955.
Les accusations furent reprises, à la télévision en décembre 1963, par l’ancien policier Synnett.
Or, l’enquête devant cette Commission a établi, de façon incontestable, que cette note n’a jamais existé et qu’on a, sciemment ou non, mais au moins négligemment, faussement représenté comme cette note une note qu’un M. Thomas Miller, l’un des Gaspésiens qui¸avaient participé, dans les bois environnants Gaspé, aux recherches des trois chasseurs américains disparus, avait laissée sur une roche pour informer d’autres chercheurs qu’il se rendait à un endroit particulier où on pourrait le rejoindre si nécessaire.
Cette note laissée par Thomas Miller fut trouvée à l’endroit où il l’avait laissée ou tout près de cet endroit par les agents Fafard, Fradette et Dumas qui en recueillirent les morceaux épars, les apportèrent avec eux au bureau de la Sûreté à Gaspé et les remirent au sergent Doyon ; ces morceaux épars demeurèrent apparemment, pendant quelque temps, sur le pupitre du sergent Doyon où ils purent être vus par certains officiers de la police ainsi que par les journalistes et photographes qui fréquentaient le bureau de la Sûreté en quête de nouvelles. L’existence de cette note, qui était absolument sans aucune portée quelconque pour la découverte et la condamnation de l’auteur des meurtres, fut subséquemment oubliée jusqu’au jour de 1956 où le sergent Vanhoutte, qui avait remplacé le sergent Doyon comme officier en charge du poste de Gaspé, retrouva les morceaux de cette note dans un dossier relatif à l’affaire Coffin qu’y avait laissé le sergent Doyon. Ils furent alors transmis au bureau de la Sûreté à Québec, où, sur les instructions du capitaine Matte, ils furent assemblés le mieux possible sur une feuille qui fut remise au capitaine Matte ; cette note fut produite comme exhibit devant cette Commission.
Le capitaine Alphonse Matte a affirmé devant nous qu’il ne vit cette note de Thomas Miller ainsi reconstituée que lorsqu’elle lui fut apportée à Québec par le sergent Vanhoutte.
Au sujet de cette note, furent interrogés devant cette Commission, M. Thomas Miller, les agents Fafard, Dumas et Fradette, M. Synnett, M. Maurice Edwards, M. Wilfrid Carter, M. David Johnson, les capitaines Matte et Sirois, Me C.E. Cantin, assistant-procureur général et quelques autres.
THOMAS MILLER a reconnu l’exhibit 25 comme constituant une reconstitution partielle de la note qu’il avait laissée dans le bois à l’usage des autres chercheurs et dans laquelle il parlait du camp Mullin’s : il y reconnut son écriture (identique à celle d’une reproduction de cette note qu’il écrivait séance tenant) ; il y reconnut que la date apparaissant au coin supérieur droit de la note était « 13th 53 » et qu’on ne pouvait y voir l’indication du mois ; il sait, cependant, avoir écrit cette note au mois de juillet au cours des recherches ; il y reconnut enfin partie de sa signature.
Les anciens agents FAFARD, DUMAS, et FRADETTE décrivirent les circonstances dans lesquelles ces morceaux épars de la note furent trouvés dans le bois à l’époque des recherches effectuées entre le 10 et le 20 juillet 1953 et déclarèrent les avoir apportés avec eux au bureau de la Sûreté à Gaspé ; ils ne les revirent plus.
L’ancien officier SYNNETT fut interrogé longuement sur ses activités au cours de l’enquête policière qui suivit la disparition des chasseurs américains. Il parla d’une note datée du 13 juin dont, à l’exception de la date, le texte était « unreadable ». Il identifia cette note, comme étant l’exhibit 25, puis il affirma avoir vu trois notes, celle qui est représentée par l’exhibit 25, une note laissée par les parents du jeune Claar lors d’une visite qu’ils firent dans le bois à l’époque des recherches, et la note datée du 13 juin, mais illisible.
Il fut alors confronté avec le texte de l’entrevue qu’il donna à la télévision ; or, au cours de cette entrevue à la télévision, il parla d’une note datée du 13 juin sur laquelle on pouvait lire les mots « je vous rencontrerai au camp Mullins »
Il admet qu’après cette entrevue à la télévision, il a pu déclarer à un représentant du journal « La Presse » qu’il avait pu se tromper à la télévision « about the note that no message appeared on and the one that is partially written ».
Ce dont il faut tenir compte dans le témoignage assez embrouillé par ailleurs de M. Synnett, c’est que lors de son entrevue à la télévision, il paraît avoir référé à la note de Miller en parlant d’une note datée du 13 juin et que, d’autre part, la prétendue note datée du 13 juin était illisible et ne pouvait par conséquent être reliée à quiconque et assurément pas à l’un des trois chasseurs américains.
M. GÉRALD GODIN, qui participa à l’enregistre de certaines émissions pour le réseau français de télévision de Radio-Canada et assista, en cette qualité, à l’enregistrement de l’entrevue de Lewis Synnett le ler décembre 1963, mais qui ne fut mise en ondes que plusieurs jours plus tard, déclare qu’après cet enregistrement, il vit au bureau de Me Noël Dorion, à Québec, un photostat de l’exhibit no 25 et que le soir même il téléphona à M. Synnett parce que des doutes étaient venus à son esprit et à celui de M. Pierre Nadeau, l’un de deux animateurs à la télévision ; or, au cours de cette conversation, la seule note que décrivit M. Synnett fut celle de Thomas Miller.
Une dame JEAN THOMAS, alors à l’emploi du journal « La Presse », fit elle-même un téléphone à M. Synnett quelques jours après son entrevue à la télévision ; il appert de cette conversation téléphonique que la note que Synnett prétend avoir été datée du 13 juin était, pour lui, datée de « juin 53 », qu’elle était déchirée et « collée avec du scotch tape » et qu’elle était celle que les chercheurs avaient trouvée et lui avaient remise ou du moins qu’elle lui ressemblait.
Il nous a paru manifeste que Synnett s’est fourvoyé à la télévision, qu’il n’a vu véritablement qu’une seule note que cette note fut celle que signa Thomas Miller ; c’est la seule conclusion à laquelle on peut en venir en comparant son entrevue à la télévision avec les renseignements qu’il a communiqués à cette Commission et ceux qu’il a communiqués à M. Godin et à madame Thomas. Cet ancien officier de la Sûreté, que la Sûreté n’a jamais voulu reprendre à son service après qu’il eût donné sa démission volontairement pour des raisons d’ordre financier, nous a donné l’impression, non seulement dans cette partie de son témoignage, mais dans tout le reste de son témoignage, qu’il avait un compte à régler avec la Sûreté. En fait, de tous les témoignages d’anciens membres de la Sûreté que nous avons entendus, celui-ci est celui auquel il faut accorder le moins de crédibilité.
M. MAURICE EDWARDS, à l’époque photographe pour le Toronto Daily Star, a vu des articles sur le bureau du sergent Doyon au poste de la Sûreté à Gaspé ; la seule photographie d’une note qu’il ait prise fut celle d’une note sur laquelle les noms de M. et Mme Claar apparaissaient ; d’autre part, il se souvient d’avoir vu sur le bureau de M. Doyon, d’une distance de dix pieds, une note qui était déchirée, dont il ne se souvient pas si elle était entièrement déchirée ou si elle n’était que « ripped on the edges », une note qu’il n’a jamais lue, qu’il n’a pas essayé de lire, et qu’il n’a jamais touchée ! Manifestement, il s’agissait de la note de Miller. Il est impossible de conclure de son témoignage, comme semblerait avoir pu le faire M. Belliveau à la lecture de photos prises par M. Edwards, si l’on en juge par son allusion à « the matter of a note », que M. Edwards ait jamais vu une note signée par l’un des chasseurs américains et datée du 13 juin 1953.
MM. Wilfrid CARTER et David JOHNSON, deux techniciens à l’emploi du gouvernement provincial, qui paraissent avoir pris l’initiative des recherches dans le bois avant que le sergent Doyon n’intervienne lui-même, déclarent tous deux n’avoir jamais vu ni eu connaissance de cette note mystérieuse au cours des recherches intenses qu’ils ont eux-mêmes effectuées.
Me Charles-Edouard Cantin, qui, suivant qu’il nous le déclara au cours de l’enquête, suivit la cause Coffin « avec plus d’attention que n’importe qu’elle autre cause dont il a eu à s’occuper depuis qu’il occupe la charge d’Assistant-Procureur Général à cause des difficultés qu’elle comportait », et qui avait donné des instructions précises, après la découverte des cadavres du jeune Lindsay et du jeune Claar, aux officiers de police « d’aller passer la forêt au peine fin », nous déclare qu’il n’a jamais entendu parler de l’existence d’une telle note avant l’année 1958, lorsque fut publié le premier livre de M. Hébert et qu’il ne croit pas avoir lu dans le livre de M. Belliveau la référence à l’existence « of a note », d’ailleurs pas décrite.
Personne, à Gaspé ou à Percé, n’a jamais entendu parler de cette note avant que mention n’en eût été faite dans le livre de M. Belliveau et, évidemment, dans les livres subséquents de M. Hébert.
En particulier, Me Louis Doiron qui fut l’un des avocats de Coffin, n’en a jamais entendu parler ni avant ni après le procès, ni même avant l’enquête actuelle. Il en est de même du capitaine MATTE et de M. VANHOUTTE et même de M. DOYON.
La vérité est que, au cours des recherches dans le bois, on trouva trois notes : celle de Miller, celle de M. et Mme Claar, et une troisième qui n’était qu’une vieille liste d’épicerie.
La vérité est aussi que l’existence de cette note a tété le produit d’imagination fertile et que les accusations qui ont été fondées sur la prétendue existence et la disparition mystérieuse de cette note n’ont été inspirées à l’origine que par une vague allusion à cette note faite par M. Belliveau, allusion ne s’appuyant sur absolument rien de tangible et de réel, et des commentaires aussi peu fondés dans des journaux de Toronto publiés à l’époque.
Les affirmations catégoriques faites par M. Hébert que cette note a existé, qu’elle portait la date du 13 juin 1953 et qu’elle était signée par l’un des chasseurs, illustrent bien le peu de soin que certains écrivains ou auteurs ou journalistes prennent de vérifier l’exactitude des faits avant de lancer dans le public des nouvelles sans aucun fondement ; les deux pages que monsieur Hébert a consacrées à cette note, dans son dernier volume, sont un tissu d’affirmations gratuites et fausses dont l’auteur tire des conclusions injurieuses pour la Couronne et la défense (à l’exception de Me Gravel, bien entendu), et pour la police qui « aurait tenu caché le document » et les autorités provinciales « qui ont menti ».
Pour appuyer ses dires, M. Hébert a même attribué à M. Belliveau des affirmations assez catégoriques que celui-ci a nié avoir faites ; M. Belliveau, ainsi qu’il l’avait d’ailleurs déclaré dans un article reproduit dans le journal « La Presse », en décembre 1963, nous a déclaré n’avoir jamais vu la fameuse note mystérieuse et n’avoir aucune information quant à son contenu, en un mot, qu’il n’en connaît rien ; bien qu’il ait pu discuter de cette note avec M. Hébert, il ne croit guère possible, dans les circonstances, qu’il ait pu lui dire les paroles suivantes que Mé Héber lui attribue, en ces termes, à la page 39 de son second volume :-
« J’ai longuement parlé de cette note avec John Edward Belliveau : « Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, me dit-il. Il y a eu deux notes trouvées au cours des recherches dans la brousse. La première note avait été trouvée sous une pierre, elle était froissée et déchirée. Signée par un des trois chasseurs, portant une date, elle donnait la preuve qu’au moins le signataire était vivant le 13 juin, soit le lendemain du départ de Coffin. La deuxième note n’était ni froissée ni déchirée. On l’avait trouvée sur le pare-brise de la camionnette de Lindsey, elle portait la signature de Clarence Claar, le père de Fred, une des victimes. Clarence Claar participait aux recherches et il était passé près de la camionnette à tel moment de la journée. On ne peut en dire autant de la première… »
Visiblement ennuyé par la lecture de ce passage, M. Belliveau déclara à la Commission ce qui suit :
« It is conceivable that one of the hunters did sign a note, and it is possible it had the date which Hébert mentions. The fact is that I myself never saw such a note and have no information about the contents or signature. If Mr. Hébert has further information about this note or its signature, I hope he can furnish the proof. At the same time, I do not enjoy being mentioned as an authority for such a fact.”
Et voilà comment l’on accuse des gens d’être des criminels pour avoir caché de la preuve !
À VENIR:
LA SEMAINE PROCHAINE, J'AFFICHERAI TOUT LE CHAPITRE SUR L'ENQUÊTE DU CORONER. VOUS SAUREZ ENFIN CE QUE LA COMMISSION BROSSARD PENSE DU CORONER RIOUX
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