Requête à Peter MacKay et Steven Blaney leur demandant de gracier Wilbert Coffin
Saint-Sauveur,
4 mars 2014
Les
conclusions d’une étude[i] que j’ai faite du procès de Wilbert Coffin
devant la Cour du banc de la reine, à Percé, en 1954, et les conclusions de la
Commission Brossard[ii],
tenue en 1964, ne permettent pas, selon moi, d’innocenter Coffin. Cependant,
pour accomplir ne serait-ce que partiellement les promesses que plusieurs députés
fédéraux ont faites à la famille Coffin, la grâce accordée à Wilbert Coffin mettrait
fin à cette très triste affaire.
Voici
les motifs qui m’incitent à formuler cette demande : une motion a été présentée
au Comité permanent de la justice et des droits de la personne demandant au Groupe
de révisions des condamnations criminelles d’analyser l’affaire Coffin. Cette
motion a été adoptée par le parlement, le 6 février 2007 :
Conformément à
l’article 108(2) du Règlement et la motion adoptée par le Comité le mercredi
1er novembre 2006, votre Comité recommande :
Attendu que
2006 marque le 50e anniversaire de l’exécution de Wilbert Coffin.
Attendu que
plusieurs observateurs, dont l’ex-journaliste et sénateur Jacques Hébert, ont
mis à jour les irrégularités qui ont entouré la mise en accusation, la
condamnation et l’exécution de Wilbert Coffin.
Attendu que la
sœur de Wilbert Coffin, Mary Coffin, et le fils de Coffin, Jimmy Coffin,
souhaitent que le processus formel de révision judiciaire soit engagé en vertu
de la partie XXI.I du Code criminel.
Que le
gouvernement agisse avec diligence et célérité dans le dossier de feu Wilbert
Coffin.
À
ce jour, le Groupe de révisions des condamnations criminelles, alors sous la
responsabilité de Me Kerry
Scullion, avocat, n’a pas produit de rapport. Ce dossier comprend plus de vingt
mille pages. Il ne m’apparaît pas réaliste de compter sur un comité pour en
faire une étude approfondie. Sa lecture demande de maîtriser le français et
l’anglais. Pour aider la cause, j’ai traduit en anglais le rapport de quelque
six cent pages de la Commission Brossard que je rends accessible sur mon
blogue.
Me
Élizabeth Widner[iii],
l’avocate qui représentait, alors, The
Association in Defence of the Wrongly Convicted, n’a pas poursuivi ses
démarches. Le Comité des erreurs judiciaires, qui était, à l’époque, sa filiale
à l’Université de Montréal, a abandonné ses recherches. (Ce comité est devenu
le Regroupement Projet Innocence Montréal – Université de Montréal).
Projet
Innocence Québec, Université du Québec à Montréal, à l’époque, sous la
responsabilité de Me Lida Sara Nouraie, avocate, avait pris en
charge le dossier, mais n’a pas produit de rapport.
Plusieurs
députés fédéraux conservateurs, libéraux, néo-démocrates et bloquistes ont
promis leur appui à la famille Coffin. Je vous réfère à mon blogue, sur lequel
j’ai compilé les propos qu’ils ont tenus au sujet de l’affaire Coffin. Ces
députés sont Steven Blaney , Joe Comartin[iv],
Marlene Jennings, Raynald Blais, Rénald Ménard , Michael Ignatieff[v] Dominique
Leblanc et Justin Trudeau[vi].
Je
suis d’avis que le gouvernement du Canada peut légitimement accorder cette
grâce à Wilbert Coffin, sur le fondement des faits suivants : avant la
commission du crime, selon le témoignage de McCallum devant la Cour du banc de
la reine, Coffin avait acheté une demi-douzaine de bouteilles de bière. Il en a
bu une en présence de McCallum[vii].
Il a demandé à ce que les autres soient mises dans un sac, pour qu’il les
apporte. Quoique le juge Lacroix, dans
son exposé au jury, ait dit ne pas être « convaincu que la preuve révèle un
usage abusif d’alcool chez l’accusé dans les dernières heures où on le voit
avec le jeune Lindsay», il lui a suggéré la possibilité d’un verdict de
manslaughter[viii]
. Rien ne nous dit cependant dans quel état Coffin était au moment où il a
acheté ces bouteilles de bière, et combien il en a bu avant de commettre son
forfait. À ce propos, Marion Petrie, la maîtresse de Wilbert Coffin, déclare,
dans sa déposition du 6 août 1953: « Wilbert était presque toujours ivre
lorsqu’il était à la maison… » Il serait raisonnable de croire que si les jurés
avaient été mis au courant des abus de boisson que Coffin commettait, ils
auraient rendu un verdict de
manslaughter.
Il
est connu que l’alcoolisme mène souvent au déni de la réalité. Jusqu’à sa pendaison, Coffin a proclamé son innocence.
Personnellement, au cours de mes recherches pour écrire mon docu-roman, il me
venait souvent à l’esprit que Coffin était une « victime » de la guerre.
En
graciant Coffin, le Parlement canadien accomplira les promesses faites par plusieurs
de ses députés à la famille Coffin et mettra fin à ce qui a toujours été perçu
comme la plus grande erreur judiciaire au Canada.
Me
Clément Fortin, avocat à la retraite
40,
rue de la Marquise
Saint-Sauveur
(Québec) J0R 1R4 Tél. 450 227
5044
[i] Clément
Fortin L’affaire Coffin: une supercherie?,
Wilson & Lafleur, Montréal, 2007
[ii]
Rapport de la Commission d’enquête Brossard sur l’affaire Coffin, Province
Québec, 27 novembre 1964
Lisez
sur mon blogue, les transcriptions des propos que les députés ont tenus au Comité permanent sur
la justice et les droits et libertés de la personne, qui s’est penché sur le
sort de Wilbert Coffin, à l’occasion du 50e anniversaire de son exécution.
[vii]
Clément Fortin, ibid., p. 208
[viii]
Clément Fortin, ibid., p. 362 … et
j’ajoute, avec les fortes réserves que j’ai faites, que si vous avez
l’impression, d’après le témoignage de McCallum, non pas que Coffin a acheté de
la bière, mais qu’il en a bu, à la
condition évidemment que vous croyiez hors de tout doute raisonnable que c’est
lui qui a commis l’acte, et qu’il avait bu de la bière achetée de McCallum avant
de le faire, dans ce cas-là uniquement, vous basant sur la preuve, vous
pourriez considérer un verdict de manslaughter. »
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