MARLENE JENNINGS, JOE COMARTIN, RAYNALD BLAIS, RÉAL MÉNARD, QUE SAVENT-ILS DE L’AFFAIRE COFFIN?
Pour souligner le 50e anniversaire de la pendaison de Wilbert Coffin, voici le 4e Rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne concernant Wilbert Coffin, présenté le 5 novembre 2006 :
CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
39e Législature, 1re Session
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a l’honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et la motion adoptée par le Comité le mercredi 1er novembre 2006, votre Comité recommande :
Attendu que 2006 marque le 50e anniversaire de l’exécution de Wilbert Coffin.
Attendu que plusieurs observateurs, dont l’ex-journaliste et sénateur Jacques Hébert, ont mis à jour les irrégularités qui ont entouré la mise en accusation, la condamnation et l’exécution de Wilbert Coffin.
Attendu que la sœur de Wilbert Coffin, Mary Coffin, et le fils de Coffin, Jimmy Coffin, souhaitent que le processus formel de révision judiciaire soit engagé en vertu de la partie XXI.1 du code criminel.
Que le gouvernement agisse avec diligence et célérité dans le dossier de feu Wilbert Coffin.
Un exemplaire du Procès-verbal pertinent (séance no 28) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
ART HANGER
Je publierai les délibérations de ce Comité en deux parties. Je vous invite à lire les propos que nos députés ont échangés à cette occasion. Plusieurs d’entre vous ont lu assidûment les documents que j’ai affichés sur ce blogue. Je sais que pour un grand nombre d’entre vous, l’affaire Coffin n’a plus de mystère. Je vous laisse découvrir la justesse des propos des membres de ce Comité au sujet de l’affaire Coffin. Ce rapport a été adopté en novembre 2006. Nous attendons toujours une décision du ministère de la Justice du Canada.
Réagissez à ces propos et publiez vos commentaires sur ce blogue.
PREMIÈRE PARTIE
39e LÉGISLATURE, 1re SESSION
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 103
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 5 février 2007
Les comités de la Chambre
Justice et droits de la personne
[Table des matières]
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ):
Monsieur le Président, je propose que le 4e rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, présenté le lundi 6 novembre et appuyé par mon collègue de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, soit adopté.
On comprendra sans difficulté que non seulement le débat qui s'amorce aujourd'hui a de profondes racines pour une famille très honorable, qui a passé sa vie dans la région de la Gaspésie, soit la famille Coffin, mais que c'est aussi un débat qui nous rappelle à quel point la justice des hommes est faillible et implacable.
Par l'exécution de Wilbert Coffin en février 1956, une terrible injustice a été commise. Cette injustice s'impose comme un stigmate collectif. Tant qu'elle ne sera pas réparée et que la mémoire de Wilbert Coffin n'aura pas été rétablie, une famille ne pourra retrouver la quiétude à laquelle elle a droit. À mon avis, nous devons être interpellés collectivement.
L'affaire Coffin nous rappelle bien une façon de faire qui, espérons-le, est à jamais révolue.
Les conditions de détention, les conditions d'administration de la preuve et l'iniquité même du procès nous rappellent bien à quel point les choses ont changé et combien il est triste qu'en 1953, 1954, 1955 et 1956, un certain nombre d'intervenants aient été sourds à l'appel lancé par de nombreuses personnes, dont l'ancien journaliste et sénateur Jacques Hébert.
J'en profite — et je suis certain que mes collègues se joindront à moi — pour remercier le député de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine. Ce dernier a fait son travail de député. C'est un député comme on les aime, c'est-à-dire quelqu'un près des gens, quelqu'un qui n'abdique pas ses responsabilités.
Je le répète: dans l'affaire Coffin, il n'y a pas de prescription, il n'y a pas de possibilité d'oubli et il n'y a pas de possibilité que le temps efface les injustices.
De quoi s'agit-il? Trois Américains férus de chasse se rendent en Gaspésie. La Gaspésie accueillait alors un nombre impressionnant de touristes. Évidemment, on souhaite que la Gaspésie continue d'accueillir un nombre impressionnant de touristes parce que c'est un des plus beaux coins du Québec pour ce que la nature a à offrir et également pour la qualité de l'accueil que les gens qui y résident réserve aux touristes
Wilbert Coffin, un prospecteur minier, accueille à titre de guide des gens qui se proposent d'effectuer une expédition de chasse qui devait durer une dizaine de jours. Ces Américains s'amènent ici, en Gaspésie, afin de faire une expédition de chasse et de vivre des vacances qu'ils espéraient, on peut le penser, à l'enseigne de la tranquillité et du ressourcement. Rappelons-nous bien qu'à l'époque, les Américains venaient régulièrement en Gaspésie et que le tourisme était une industrie majeure dans cette région.
Ces chasseurs, soit un Américain, M. Lindsay, son fils Richard et un ami de la famille, établiront un campement et s'apprêteront à vivre cette expédition de chasse. Ils seront retrouvés morts quelques jours après leur arrivée. Cela donnera lieu à l'arrestation de Wilbert Coffin en août 1953.
C'est alors que les parlementaires doivent intervenir.
(1520)
Et c'est alors que les mécanismes existant dans le Code criminel doivent s'appliquer pour que justice soit faite. Il est possible, en vertu de l'article 696, d'enclencher un mécanisme lorsqu'on a des raisons de penser qu'il y a eu une erreur judiciaire, que la justice n'a pas suivi correctement son cours. La liste des irrégularités est longue. D'abord, il y les conditions de détention, c'est-à-dire être détenu des dizaines de jours dans des conditions proprement horribles où on va non seulement exercer de l'intimidation, mais où Wilbert Coffin va subir des sévices corporels, où on va l'intimider, le bousculer, l'agresser.
La pire des irrégularités, celle qui, sur une base isolée, justifierait que l'on reconsidère toute l'affaire Coffin, c'est bien sûr les accointances qui ont existé entre le procureur de M. Coffin et le gouvernement de Maurice Duplessis. Nous n'oublions pas et nous nous rappelons que Maurice Le Noblet Duplessis, député de Trois-Rivières, était également le procureur général. Nous savons que Maurice Duplessis, en cette qualité de procureur général, a donné des directives pour que non seulement Coffin soit trouvé coupable, mais qu'il soit exécuté parce qu'on ne voulait pas nuire à l'industrie touristique de la région du Québec où s'était passée cette affaire, c'est-à-dire la Gaspésie.
Non seulement les deux derniers avocats de Wilbert Coffin — il va changer d'avocat en cours de route —, n'ont même pas assigné de témoins à comparaître, mais ils n'ont même pas permis à Wilbert Coffin d'être appelé à la barre pour expliquer sa version des faits. Ils ont aménagé tout le plaidoyer de la défense sans que Wilbert Coffin puisse être mis à profit.
Ces règles d'iniquité, qui constituent un déni des principes les plus élémentaires de justice naturelle, donneraient immédiatement lieu à un arrêt des procédures et à un nouveau procès si elles se produisaient selon les règles que l'on connaît aujourd'hui.
Non seulement le procès n'a pas été équitable, non seulement Wilbert Coffin n'a pas pu être entendu à la barre des témoins, non seulement le procureur de la Couronne était-il de connivence avec le premier ministre Duplessis, mais on n'a même pas voulu permettre ce que l'on appelle aujourd'hui une preuve de bonne réputation.
C'est évident que la famille Coffin, qui était établie depuis plusieurs années en Gaspésie, aurait pu faire témoigner des amis, des connaissances de Wilbert Coffin, qui était un prospecteur minier qui avait passé sa vie dans la région de Carleton en Gaspésie. Ces témoins auraient pu témoigner combien cet homme était un citoyen irréprochable. On ne dit évidemment pas qu'il n'avait pas des défauts — comme tout un chacun en a —, qu'il n'est pas déjà arrivé qu'il s'adonne à fêter un peu. Mais de là à en faire un criminel, il y a des choses qui sont absolument inacceptables. Des éléments de preuve ont été cachés, des outils d'investigation n'ont pas été utilisés.
Bref, l'affaire Coffin est un stigmate, une tache noire dans l'administration de la justice au Québec. Je comprends très bien que la soeur de Wilbert Coffin, Mary Coffin, que ses neveux, ses nièces et son fils, Jimmy, ne pourront jamais trouver le repos et la quiétude de l'esprit tant que la mémoire de Wilbert Coffin n'aura pas été rétablie.
Lorsque, le 25 octobre dernier, j'ai déposé la motion, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je demandais à cette division du ministère de la Justice, qui est indépendante du ministre — je le sais —, et qui s'occupe de la révision judiciaire, qu'elle puisse se prévaloir de nouveaux éléments de preuve, ainsi que c'est prévu à l'article 696 du Code criminel. Je sais que mon collègue, le député de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, va tout à l'heure parler de faits nouveaux qui sont survenus, de sorte que l'on puisse faire jouer le processus, que l'on puisse demander un nouveau procès, demander à la Cour d'appel d'intervenir et rétablir la mémoire de Wilbert Coffin.
C'est ce que cette Chambre est en droit de demander au ministre de la Justice.
(1525)
C'est une réparation que la famille Coffin est en droit d'exiger des parlementaires. Je crois que n'avons que trop tardé. Tant que justice n'aura pas été rendue, tant que nous n'aurons pas levé le voile sur une façon absolument odieuse de faire les choses, où le procureur général du Québec intervenait dans l'administration de la Justice, nous ne pourrons pas collectivement être fiers de nous. Cette réparation est attendue dans les plus brefs délais.
[Table des matières]
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.):
Monsieur le Président, c'est la première fois que je prends la parole à propos d'un rapport du Comité de la justice et des droits de la personne à titre de porte-parole de l'opposition officielle. Je suis vraiment honorée de pouvoir parler en faveur du rapport du Comité de la Justice et des droits de la personne sur la motion été présentée au comité par mon collègue du Bloc le député de Hochelaga, motion que le comité a adoptée par la suite.
Bien que je sois Québécoise, je n'étais évidemment pas au courant de l'affaire Coffin au moment où cela s'est déroulé, puisque j'étais trop jeune, j'avais à peine un an. Cependant, je peux affirmer que depuis, cette histoire revient dans les médias et dans la conscience des Québécois et Québécoises à tous les 10 ans. Cette cause célèbre fait consensus La société québécoise considère que, dans cette cause célèbre, l'enquête policière et le procès ont été bâclés, et qu'une injustice a été commise à l'endroit de M. Coffin.
Mon collègue de Hochelaga a relaté un peu les faits. M. Wilbert Coffin a été arrêté et accusé du meurtre de trois Américains. Un dénommé Eugene Lindsey, son fils de 17 ans et un ami du jeune garçon étaient venus dans la région de la Gaspésie pour chasser, et un mois après leur départ des États-Unis, ils ont été retrouvés morts, tout près de leur camionnette. Par la suite, une enquête policière a été déclenchée.
Comme mon collègue de Hochelaga l'a mentionné, étant donné que cela c'était passé dans une région touristique, le gouvernement voulait s'assurer que les Américains, qui représentaient la majorité des touristes, ne seraient pas dissuadés de venir faire du tourisme. Il y a donc eu plusieurs manigances.
Mais ce qui est le plus touchant, c'est qu'à l'époque, la peine de mort avait cours au Canada, dans les cas de meurtres au premier degré. M. Coffin a donc payé le prix ultime. Il a payé de sa vie à cause de ce qui était probablement une parodie de justice.
Je pense que le fait que le Canada ait aboli la peine de mort est une bonne chose. Guy-Paul Morin, Donald Marshall et David Milgaard ont également été des victimes d'erreurs judiciaires lors de leur procès. À l'époque où ils ont été condamnés pour meurtre, la peine de mort était heureusement abolie. La peine ultime était un emprisonnement de 25 ans avant qu'il y ait possibilité d'une libération conditionnelle. Cela dit, il s'est écoulé près de 25 ans de leur vie avant que la société, par l'entremise du gouvernement, reconnaisse l'erreur judiciaire, reconnaisse qu'ils n'auraient pas dû être condamnés puisqu'ils étaient innocents et qu'elle les libère.
Malheureusement, M. Coffin n'a pas eu cette chance, parce que la peine de mort existait. Le procès de M. Coffin était tellement entaché d'irrégularités que je crois que le gouvernement, par l'entremise de son procureur général et ministre le la Justice devrait immédiatement donner suite au rapport et à la recommandation du comité. Il devrait demander au groupe de révision des condamnations criminelles d'étudier le dossier à fond, afin de faire une recommandation au ministre après leur enquête, à savoir de rejeter la demande de révision judiciaire et de procéder à un nouveau procès ou de soumettre le cas à la Cour d'appel.
(1530)
Le Parti libéral a appuyé cette motion en comité et appuie cette motion à la Chambre. Nous demandons à toutes et à tous les députés d'appuyer la motion débattue ici à la Chambre et d'inciter ce gouvernement à agir, et ce, rapidement afin que la lumière soit finalement faite sur ce dossier.
[Traduction]
Je ne vais pas prolonger de beaucoup plus mon intervention, mais je tiens à insister sur l'importance d'avoir aboli la peine de mort. Si le ministre constitue le groupe qui réexaminera cette affaire et qui pourra indiquer qu'elle mérite un nouveau procès, ou que l'affaire devrait être soumise à la cour d'appel, et s'il est reconnu que M. Coffin a effectivement été condamné à tort, nous ne pourrons le ramener parmi nous.
Heureusement, lorsque Guy Paul Morin, Donald Marshall et David Milgaard ont été, à tort, reconnus coupables, la peine de mort n'existait pas. Donc, lorsque nous avons établi que ces condamnations étaient erronées, nous avons pu offrir une certaine réparation. Cela ne suffira jamais mais, au moins, nous avons pu le faire.
Heureusement pour Steven Truscott, qui a été condamné à un moment où la peine capitale existait toujours et qui avait été condamné à être exécuté, il n'avait que 14 ans et l'idée que la société et le gouvernement du Canada l'exécutent a suscité une telle indignation que le gouvernement fédéral a commué sa peine en réclusion à perpétuité. Il a donc maintenant la possibilité de s'adresser aux tribunaux pour que ceux-ci déterminent si, lui aussi, il a été reconnu coupable à tort.
Wilbert Coffin n'a pas eu cette possibilité et nous, en notre qualité de parlementaires et de Canadiens, nous devons veiller à ce que sa famille ait le droit et la possibilité que toute la lumière soit faite sur cette affaire, à partir de l'enquête de la police jusqu'au procès, en passant par la conduite du procureur général, celle du procureur de la Couronne, et peut-être de celle du premier ministre de l'époque, mais, à n'en pas douter, il faut, dans le cadre d'un processus judiciaire, établir si Wilbert Coffin a été ou non jugé coupable à tort.
La plupart des Québécois et moi-même, nous pensons qu'il a effectivement été reconnu coupable à tort. Je demande donc aux députés de voter en faveur de cette motion d'adoption.
(1535)
[Français]
[Table des matières]
M. Raynald Blais (Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, BQ):
Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine d'avoir pris la parole relativement à ce dossier qui tient à coeur aux gens de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et, évidemment, aux membres de la famille à qui je pense actuellement. Ils se sont présentés à mon bureau il y a environ un an pour qu'on aille justement au bout de ce dossier afin de faire la lumière sur ce dossier et éventuellement réhabiliter la mémoire de Wilbert Coffin.
J'espère entendre les propos du gouvernement conservateur à ce sujet. Je pense qu'il a une responsabilité par rapport à ce dossier. Comme l'indiquait le député d'Hochelaga, il y a une tache noire sur l'histoire de la Gaspésie et en même temps sur l'histoire de Wilbert Coffin et sur l'histoire de la famille Coffin.
À mon avis, une part de responsabilité revient maintenant au gouvernement actuel afin de faire la lumière sur ce dossier. Je suis bien content de l'appui de la députée et, en ce sens, j'imagine qu'elle attend beaucoup du gouvernement actuellement, à savoir de quelle façon il entend réagir par rapport à ce dossier.
L'idée est de faire diligence. À la limite, j'oserais dire que le meurtre de Wilbert Coffin s'est fait le 10 février 1956. La date d'anniversaire est samedi prochain. Il y a donc 50 ans de cela. L'événement s'est produit il y a 53 ans et il y avait des témoins. Or, les témoins ne sont plus là. Chaque journée qui passe rend problématique la révision. En ce sens, j'imagine qu'elle attend actuellement des nouvelles de la part du gouvernement.
[Table des matières]
L'hon. Marlene Jennings:
Monsieur le Président, il est vrai que j'attends beaucoup de ce gouvernement, comme tous les Québécois et Québécoises d'ailleurs, et comme la famille Coffin. Nous avons raison d'attendre beaucoup de ce gouvernement. C'est un gouvernement dont le premier ministre, les ministres, les secrétaires parlementaires et tous les députés ne cessent de dire qu'ils sont là pour la justice et pour combattre le crime. Mais le crime est parfois commis par l'État lui-même, comme nous l'avons vu dans les cas de David Milgaard, de Guy-Paul Morin et de Donald Marshall, et je suis convaincue qu'on l'a vu dans le cas Coffin. Malheureusement, la famille Coffin ne pourra jamais faire enlever la tache complètement. La réputation de M. Coffin sera peut-être rétablie, mais il a été exécuté, il a payé le prix ultime pour ce qui était une erreur judiciaire, une enquête policière bâclée, nous en sommes convaincus.
Sur ce point, je sais de quoi je parle, j'ai déjà été membre de la Commission de police du Québec. J'ai déjà eu à présider des enquêtes publiques concernant des allégations d'inconduite de la part de policiers. Les allégations ne sont pas toujours vraies, mais j'ai quand même eu à décider moi-même dans le cas de quelqu'un qui était condamné à la prison à vie; j'ai eu à évaluer l'enquête de la police. Ce n'était pas la police de la Gaspésie ou la Sûreté du Québec, c'était un corps de police municipal dans une autre région du Québec. Le corps de police, le substitut du procureur général et moi avons rédigé un rapport qui a permis au détenu d'aller devant la Cour d'appel. Celle-ci a renversé la condamnation, a ordonné un nouveau procès et, avec les preuves que la Commission de police avait, cet homme a été trouvé non coupable à son nouveau procès. Je sais de quoi je parle quand je dis que des erreurs sont parfois commises.
Nous croyons que, dans ce cas, c'était une erreur. Malheureusement, M. Coffin a payé de sa vie. Que ce gouvernement réconforte au moins la famille en agissant rapidement. « Rapidement » veut dire mettre sur pied le groupe de révision tout de suite afin qu'il puisse faire son enquête. Ce groupe devra ensuite faire des recommandations au ministre de la Justice, qui devra décider s'il va devant la Cour d'appel ou s'il y aura un nouveau procès. Nous attendons. C'est un gouvernement qui se pète les bretelles et qui se dit toujours en action. Qu'il nous laisse voir l'action cette fois-ci. Ce serait la première fois.
(1540)
[Table des matières]
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ):
Monsieur le Président, j'ai écouté les propos de la députée libérale et de mon collègue du Bloc québécois. Il est certain que nous sommes sensibles à cette histoire qui s'est déroulée il y a plusieurs années. L'affaire Coffin demeure l'une des plus controversées de l'histoire de la loi criminelle du Canada.
J'aimerais demander à la porte-parole du Parti libéral si elle croit que le Parti conservateur, avec 10 députés élus au Québec, devrait prendre davantage de place dans cette cause et rendre justice. Il me semble que ce gouvernement promeut actuellement la loi et l'ordre dans notre société et dans l'ensemble du Canada. Près de la moitié des projets de loi présentés touchent la loi et l'ordre, la criminalité et le droit criminel. On a vu toutes sortes de projets de loi. Je crois qu'il est important ici de rendre justice dans l'affaire Coffin. J'aimerais entendre la députée à ce propos.
[Table des matières]
L'hon. Marlene Jennings:
Monsieur le Président, je suis très surprise de constater qu'aucun député conservateur représentant une circonscription fédérale au Québec n'ait pris la parole jusqu'à maintenant. Je me serais attendue à ce que le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, qui siège au Comité permanent de la Justice, saute sur l'occasion de se prononcer sur ce dossier. Je trouve regrettable qu'il ne l'ait pas fait.
Je suis quand même contente de parler au nom de ma formation politique, le Parti libéral du Canada, mais plus particulièrement au nom de mes collègues libéraux qui représentent des circonscriptions au Québec.
(1545)
[Traduction]
[Table des matières]
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC):
Monsieur le Président, comme j'ai émigré au Canada en 1968, je ne suis pas très au courant de cette situation. J'ai remarqué dans le quatrième rapport que certaines personnes étaient intervenues et avaient jeté un peu de lumière sur les irrégularités qui avaient entouré ce cas. Il est déplorable que des irrégularités aient été commises, et je suis certes favorable aux efforts pour les corriger après coup.
Je me rappelle le cas Milgaard et des cas de ce genre. Il faut corriger ces erreurs judiciaires. Cela ne me pose aucun problème. Il est dommage que des stupidités viennent fausser le débat, comme l'a fait la députée d'en face, qui a dit que nous voulions punir sévèrement les criminels, mais que nous ne pourrons rien faire à cet égard. J'en ai assez d'entendre constamment de tels propos de la bouche des députés d'en face.
Quoi qu'il en soit, je voudrais savoir quand on a jeté un peu de lumière sur ces irrégularités. Ce crime ou cet incident a eu lieu il y a 50 ans. Depuis combien de temps soupçonne-t-on que des irrégularités ont été commises? Dois-je comprendre que ce n'est que depuis cette année et que le Parti conservateur est à blâmer parce que rien n'a été fait? Cette situation n'a été exposée que cette année. Il y a sûrement eu d'autres renseignements auparavant. Le temps qui s'est écoulé me laisse très perplexe. Si la députée pouvait m'éclairer à ce sujet, je lui en serais reconnaissant.
[Table des matières]
L'hon. Marlene Jennings:
Tout d'abord, monsieur le Président, si le député juge que je faisais de la partisanerie au sujet du député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, c'est que j'ai appris cela des conservateurs, qui ne cessent de répéter que les libéraux sont tendres envers les criminels, alors qu'en réalité nous faisons preuve d'intelligence et d'efficacité dans notre façon de traiter la criminalité et les motifs de la criminalité.
J'aimerais toutefois fournir certains renseignements au député de Wild Rose. M. Coffin a été arrêté en 1953. Il a subi un procès, été reconnu coupable et condamné en février 1956. Jacques Hébert, maintenant sénateur à la retraite, était journaliste à l'époque et a suivi l'affaire de très près. À la suite de sa propre enquête, il a écrit deux livres. Le premier, publié en 1958, s'intitulait Coffin était innocent. Le second, publié en 1963, s'intitulait J'accuse les assassins de Coffin.
À la suite des preuves qu'il a été en mesure d'obtenir, une commission royale d'enquête a été instaurée en 1964. Le juge a entendu plus de 210 témoins, y compris les jurés du procès d'origine, et a confirmé la procédure et le verdict. Depuis, toutefois, d'autres renseignements ont fait surface. C'est ce que nous demandons...
[Table des matières]
Le président suppléant (M. Royal Galipeau):
Nous reprenons le débat.
Le député de Wild Rose souhaite-t-il invoquer le Règlement?
[Table des matières]
M. Myron Thompson:
Monsieur le Président, je souhaite simplement souligner qu'on ne cesse de répéter que le gouvernement conservateur actuel ne fait rien au sujet d'une situation qui, on dirait presque, vient d'être mise au jour. Tout cela dure depuis longtemps. Où étaient les autres gouvernements? Pourquoi n'a-t-on rien fait?
[Table des matières]
Le président suppléant (M. Royal Galipeau):
Le député de Wild Rose soulève un point de débat, pas un recours au Règlement.
Reprise du débat. Le député de Windsor—Tecumseh a la parole.
[Français]
[Table des matières]
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD):
Monsieur le Président, je veux saluer le député d'Hochelaga d'avoir présenté cette motion au Comité permanent de la Justice. Cela a eu comme résultat le rapport qui est devant nous cet après-midi.
[Traduction]
Pour avoir suivi l'affaire Coffin alors que j'étais un tout jeune avocat, j'aimerais dire au député d'Hochelaga que les Canadiens de partout au pays sont préoccupés par la justesse de notre système de justice pénale, comme le montrent l'affaire Coffin et l'affaire Truscott, qui s'est déroulée en Ontario sept ou huit ans après l'affaire Coffin.
À n'en pas douter, bon nombre de questions ont été soulevées. Il est important de souligner que, pas plus tard qu'en septembre dernier, l'Association in Defence of the Wrongly Convicted s'est saisie de l'affaire Coffin. De plus, au cours des derniers mois, le gouvernement fédéral a enfin reconnu qu'il était nécessaire de faire enquête, ce dont se charge maintenant le Groupe responsable de la révision des demandes de clémence.
Comme d'autres députés, je ne peux m'empêcher de faire des rapprochements entre les affaires Truscott et Coffin. Si M. Coffin avait été jugé au début des années 1960, peut-être la déclaration de culpabilité aurait-elle été infirmée, ou, du moins, peut-être la condamnation à la peine de mort aurait-elle été évitée et remplacée par une peine d'emprisonnement à vie, comme celle qu'a reçue M. Truscott.
J'aimerais souligner quelque chose d'important: pour la première fois, un cas de condamnation injustifiée est à l'étude après le décès de la personne. Je crois qu'il est important que cela se produise compte tenu de toutes les anomalies. Il y a toutes sortes d'allégations très solides d'ingérence politique partisane manifeste au Québec à l'époque, à des échelons aussi élevés que ceux du premier ministre et du procureur général. La conduite du procureur dans le cadre de cette affaire est certainement suspecte, d'après ce que nous dit l'Association in Defence of the Wrongly Convicted. Le rôle joué par l'avocat de la défense et la façon dont il a été amené à prendre part au procès font également sourciller.
En rétrospective, on peut dire que, si la peine de mort avait été abolie, M. Coffin serait probablement toujours en vie aujourd'hui, et peut-être que sa condamnation injustifiée — si telle devait être la conclusion de l'affaire — aurait été reconnue il y a bien longtemps. De même, certains agissements de la défense pendant cette période laissent croire que les résultats auraient peut-être été très différents si M. Coffin avait pu profiter d'un régime d'aide juridique.
Il va sans dire que le Parlement pourrait simplement attendre que le Groupe responsable de la révision des demandes de clémence fasse son travail. Le problème, c'est que les paramètres selon lesquels celui-ci travaille et le mandat que lui confère la loi sont beaucoup plus restreints que le mandat que le gouvernement pourrait confier à une commission d'enquête judiciaire.
Par exemple, une commission d'enquête pourrait traiter beaucoup plus en détail la question du niveau d'ingérence politique, s'il y a effectivement eu ingérence et si celle-ci a changé de façon significative le déroulement du procès. Étant donné son mandat, le groupe ne pourrait pas mener une enquête aussi approfondie sur cette question. Je pourrais vous citer plusieurs autres exemples de questions qui seraient plus adéquatement traitées en vertu de la Loi sur les enquêtes que par le groupe de révision.
(1550)
Ce dernier peut recommander que la question fasse l'objet d'une enquête judiciaire. Ce que je propose — et j'estime que c'est dans une certaine mesure la raison pour laquelle le député de Hochelaga a présenté cette motion au comité et la présente maintenant à la Chambre en tant que motion d'adoption — c'est que nous accélérions le processus afin que le gouvernement puisse lancer l'enquête sur-le-champ. Celle-ci pourrait commencer immédiatement; la commission, qui aurait un mandat suffisamment large, pourrait faire toute la lumière sur la question et, espérons-le, nous pourrons invalider une décision que la plupart d'entre nous trouvons injuste.
Évidemment, nous ne pouvons adéquatement indemniser M. Coffin dans l'au-delà. Tout ce que nous pouvons faire, c'est blanchir sa réputation et dire à sa famille, son fils et sa femme, qu'effectivement, le système de justice pénale du Canada les a mal servis, nous le reconnaissons, nous nous en excusons et nous allons blanchir la réputation de leur mari et de leur père.
D'après moi, en adoptant la motion, la Chambre dirait que nous voulons accélérer les choses et qu'il est mieux de procéder ainsi. J'encourage instamment tous les députés à appuyer la motion.
(1555)
[Français]
[Table des matières]
M. Raynald Blais (Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, BQ):
Monsieur le Président, je me permets de poser une question à mon collègue du NPD qui vient tout juste de prendre la parole.
J'aimerais souligner qu'il y a actuellement un fonctionnaire du ministère de la Justice qui se penche sur le dossier et qui devra éventuellement présenter des recommandations au ministre. On ne sait pas exactement quand cela pourra se faire ni quelle sera la nature des recommandations. Cependant, on a une bonne idée de ce que cela sera. On ne sait pas non plus quelle sera la décision du ministre.
Je pense qu'il est important de constater que durant le débat, il n'y a pas eu de présentation du point de vue du gouvernement ni de message de sa part. Je n'ai pas entendu les conservateurs jusqu'à présent et je risque de ne pas les entendre. J'espère que cela n'arrivera pas parce que je trouve qu'il serait irresponsable de se taire en ce moment relativement à une procédure de ce genre.
Il est demandé maintenant au gouvernement, par la voie de la Chambre des communes, de faire diligence. Cela veut dire aller plus vite. En effet, cela n'a aucun sens attendre encore. Ce sont des gens qui risquent éventuellement de disparaître. En même temps, c'est la mémoire des gens de la famille, des gens de la Gaspésie qui croient essentiellement et profondément à l'innocence de Wilbert Coffin.
L'intervention de mon collègue du NPD me permet de me réconforter relativement à la position de son parti. Toutefois, je crois qu'il serait tout à fait responsable de la part du gouvernement de s'exprimer présentement au sujet de ce dossier.
Veut-on que ce dossier avance plus rapidement, oui ou non? Veut-on que la lumière soit faite, oui ou non? Telle est l'idée du débat d'aujourd'hui. Je suis déçu de ne pas entendre actuellement les gens du gouvernement. Je ne voudrais pas que ce qu'on fait actuellement soit considéré comme de la partisanerie. Ce n'est pas du tout le cas. Si on est partisan, on l'est uniquement de la justice et pas d'autre chose. Il serait tout à fait naturel et normal d'entendre les députés du Parti conservateur s'exprimer à ce sujet, comme j'ai entendu ceux du Parti libéral et comme le député du NPD l'a très bien exprimé il y a quelques instants.
À SUIVRE
JE PUBLIERAI LA SEMAINE PROCHAINE LA DEUXIÈME ET LA DERNIÈRE PARTIE DE CES COMPTES-RENDUS.