12 septembre 2008

L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (DEUXIÈME PARTIE)





L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS

DEUXIÈME PARTIE

RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964)
VOL. 1 CHAPITRE 5

LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS.
(Extrait du livre de Jacques Hébert)
Pages 31 et 32 :

« Les trois Américains suivirent ce conseil et, dans la journée du 9, revinrent à Gaspé. Dans l’après-midi, ils reprirent le chemin de la brousse, suivant cette fois la route Gaspé-Murdochville, route qui permet également l’accès aux camps. Ces camps (près desquels les chasseurs ont été abattus) sont complètement isolés au cœur de la brousse, mais il sera intéressant de retenir que plusieurs chemins y conduisent.
Les meurtriers des chasseurs pouvaient revenir des camps de plusieurs façons :
1- Se rendre directement à Murdochville et rejoindre la route de Québec par la côte.
2- Par la route de Murdochville, rouler jusqu’à New Richmond d’où on rejoint aisément la frontière du Maine par deux routes différentes à travers le Nouveau-Brunswick.
3- Gagner Gaspé en utilisant d’abord la route directe, mais en terminant le voyage sur le chemin Gaspé-Murdochville.
4- Utiliser le chemin de Tom’s Brook qui rejoint la route de Gaspé plusieurs milles plus loin à l’est.
5- Aller à Gaspé par la route qui longe la rivière Saint-Jean ; en jeep, il était facile de traverser à gué le ruisseau qui avait arrêté la camionnette des Lindsey.
6- Par la même route, éviter Gaspé et filer directement à : Douglastown, ensuite à Matapédia et à la frontière du Maine, via le Nouveau-Brunswick. Et nous en passons !
Voilà des détails qui auraient pu intéresser une Justice plus désireuse de découvrir le vrai ( ?) coupable que d’accabler un suspect. »

Devant cette Commission, M. Maurice Hébert fut de nouveau entendu ; on lui donna lecture des deux avant-derniers paragraphes de la citation que je viens de faire.
M. Maurice Hébert réitéra ce qu’il avait dit au procès qu’à l’époque des meurtres, il n’était pas possible de retourner à Gaspé ou de se diriger vers Murdochville par la route de la rivière St-Jean à cause du pont brisé et parce que, suivant son expérience, à cette époque de l’année, la rivière St-Jean ne peut être traversée à gué par une jeep (le camion des Américains n’avait pu le faire), l’eau atteignant alors une hauteur variant de trois à douze pieds au-dessus du lit de la rivière.
Du témoignage de M. Maurice Hébert se dégage, avec une certitude plus que raisonnable pour cette Commission, qu’en juin 1953, nul véhicule et nulle jeep en particulier ne pouvaient, à partir de la région où furent commis les meurtres, quitter la Gaspésie autrement que par Gaspé ou par Murdochville ; à compte de ces deux centres, il était évidemment possible d’emprunter la grande route Gaspé-Matapédia et la grande route conduisant de Murdochville à la route de ceinture de la Gaspésie ou peut-être même, ce qui toutefois paraît avoir été plus que douteux, emprunter une route peu carrossable conduisant de Murdochville à la route transgaspésienne qui traversait la Gaspésie de Sainte-Anne des Monts à New Richmond et dont une partie elle-même n’était que peu carrossable à l’ouest de Murdochville.
Or, d’après la preuve qui a été faite au procès, avant Murdochville, il y avait des barrières à passer, et il y en avait également de l’autre côté, avant Gaspé. Cette preuve ayant été soumise au jury par des témoins que la défense eut l’avantage de contre-interroger à loisir, nous n’avons pas à y revenir. Cependant, en admettant la possibilité que les barrières eussent été constamment mal surveillées et que, dès lors, une ou plusieurs jeeps américaines auraient pu pénétrer à l’intérieur de la péninsule entre Gaspé et Murdochville sans que leurs occupants se soient rapportés aux gardes-barrière voyons si la preuve révèle s’il y a eu la quasi-invasion de jeeps américaines suggérées par messieurs Belliveau et Jacques Hébert et si elles on laissé des traces.

II

Est-il exact, comme la preuve en fut faite au procès, que lors de la découverte de la camionnette des chasseurs américains abandonnée sur la route conduisant aux camps de bûcherons près desquels les ossements des victimes furent retrouvés, on ne constata aucune trace de jeep ?
Cette question est d’importance ; en effet, au paragraphe 41 de son affidavit du 9 octobre l955, Coffin affirma avoir vu des traces de jeep entre les camps 24 et 25 et à quatre ou cinq endroits différents sur un chemin de rencontre dans la région, avoir chargé Me Maher d’essayer de faire prendre des photos de ces traces et que celui-ci n’en prit pas, avoir été au courant d’une déclaration du sergent Doyon à Me François Gravel à l’effet que, lui aussi, avait vu les traces d’une jeep ; Coffin affirma aussi que ni les avocats de la Couronne ni les avocats de la défense n’avaient jamais posé de questions particulières au cours du procès au sergent Doyon à ce sujet, et qu’un aveu récent du sergent Doyon démontrait la fausseté de la prétention de la Couronne qu’il n’y avait pas de traces de jeep dans la région.
Le sergent Doyon était l’officier de la Sûreté provinciale en charge du poste de Gaspé ; c’est lui qui reçut la première communication téléphonique le 5 juillet 1953 en provenance de M. Claar, père, qui s’enquérait du sort de son fils et de ses deux compagnons de chasse ; c’est lui qui demeura en charge de l’enquête jusqu’à l’arrivée des capitaines Matte et Sirois le matin du 23 juillet ; il ne prit effectivement et activement part aux recherches qu’à compter de la découverte, le 15 juillet, d’un premier cadavre ; c’est lui qui fut le premier à entrer en contact avec Coffin au retour de ce dernier de Montréal le soir du 20 juillet et qui accompagna Coffin, avec le policier Sinnett, le 21 juillet, pour parcourir avec Coffin les endroits que celui-ci avait parcourus avec le prospecteur MacDonal et avec le jeune Lindsey les 8, 9 et 10 juin.
Le sergent Doyon témoigna, au procès, sur ce qui suit :
Il fit des recherches pour découvrir le nom ou les noms des personnes auxquelles pouvait avoir référé Coffin quand il parla de la jeep des deux autres Américains ; les seuls qu’il ait découverts furent ceux du Docteur Burkett et d’un M. Ford, son compagnon de chasse ; il ne découvrit pas « personnellement » d’autres « parties » d’Américains venus en jeep au cours de la même période dans la région de Gaspé. Il ne vit aucune trace de la fameuse jeep dont avait parlé Coffin « parce qu’il n’y avait aucune trace d’imprimée comme celle des chaînes qu’on pouvait voir à certains endroits ». (Coffin avait déclaré à Doyon qu’il avait dû mettre des chaînes aux roues de la propre camionnette que lui avait prêtée son ami Baker lors de son voyage des 8 et 9 juin en compagnie de MacDonald).
Au cours de son contre-interrogatoire par Me Louis Doiron, l’un des procureurs de la défense, Doyon réitéra que lui et Sinnett n’avaient pas trouvé, à l’endroit où le camion des Américains était resté, « des traces de jeep … « des traces imprimées comme les traces de chaînes qui nous avaient été montrées par l’accusé lui-même ». (À SUIVRE)

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