26 septembre 2008

L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (TROISIÈME PARTIE)

LA QUESTION : LE SERGENT DOYON A-T-IL VU DES TRACES DE JEEP ?
Le juge Brossard répond à cette question dans son étude des nombreuses jeeps qui ont été aperçues dans les environs de la scène du crime.

TROISIÈME PARTIE

RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964)
VOL. 1 CHAPITRE 5

LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS.
Quand Me Doiron, de la défense, lui (le sergent Doyon) demanda s’il était possible qu’une jeep eût circulé à cet endroit-là, sans chaînes, sans laisser de traces, ou si des traces eussent pu être effacées, il répondit : « C’est bien difficile à répondre… C’est peut-être possible ».
Réinterrogé par Me Noêl Dorion, avocat de la Couronne, il déclara « qu’au début de juin, dans cette région, c’est encore le temps de la fonte des neiges… que la terre étant très humide, des chaînes ont laissé une impression… que dans les mêmes circonstances, une jeep ayant passé sur cette terre dans les mêmes conditions aurait normalement laissé des traces… par rapport aux pneus qui sont faits avec un « V », une espèce de « v » … qu’habituellement, sur une jeep, les pneus standard sont en « V ».
En fin d’interrogatoire, il affirma ce qui suit : « Naturellement, une jeep –un pneu ne peut pas laisser une marque aussi imprimée qu’une chaîne ; de toute façon, je n’ai pas retracé aucune trace de jeep ».
Il faut retenir que les procureurs de Wilbert Coffin eurent toute latitude pour contre-interroger le sergent Doyon sur ces points et qu’ils le firent dans la mesure où ils le crurent sage et utile.
Lorsque les procureurs de coffin décidèrent, en août 1955, de faire des représentations au ministre de la Justice, réalisant sans aucun doute que ce témoignage de M. Doyon avait pu constituer un facteur important de la décision des membres du jury, et se souvenant de l’affirmation de l’honorable Juge Rinfret de la Cour d’Appel que « toute tentative de retrouver les marques d’une jeep occupée par deux Américains que Coffin avait déclaré avoir aperçue en compagnie des trois chasseurs américains lors de son dernier retour dans le bois le 10 juin s’est avérée négative », Me Gravel paraît avoir tenté d’obtenir de Doyon des renseignements et une déclaration contredisant son témoignage au procès. A ces fins, il convoqua Me Raymond Maher à une entrevue au domicile du sergent Doyon le 11 septembre 1955, un dimanche, au cours de l’après-midi. Le lendemain, 12 septembre, Me Gravel consigna dans des notes ce qu’il prétendait avoir été les affirmations de M. Doyon au cours de cette entrevue. Le même après-midi, il aurait eu une entrevue à son propre bureau avec M. Doyon au cours de laquelle M. Doyon aurait confirmé l’exactitude des notes prises par M. Gravel et consignées comme susdit.
Ni au cours de l’entrevue au domicile de Doyon ni au cours de celle qui eut lieu à son propre bureau, Me Gravel ne réussit-il à obtenir de M. Doyon une déclaration par écrit.
Le 1er octobre, Me Gravel écrivait au solliciteur général du Canada une lettre dans laquelle il invitait le Solliciteur général à questionner le sergent Doyon et affirmait que le sergent Doyon déclarerait qu’il avait réellement vu des traces de jeep dans les bois de Gaspé lorsqu’il s’y rendit avec l’agent Louis Sinnett, et ce, en plus des marques de chaînes faites précédemment par Coffin et attestées par Angus MacDonald.
Le 13 octobre, Me Gravel transmettait à M. Allan McLeod au ministère de la Justice le mémoire de son entrevue conjointe avec Me Maher au domicile de Doyon, mémoire dont il a été ci-haut question et dont Me Gravel déclarait qu’il avait été approuvé par le Sergent Doyon dans une note inscrite au bas de ce mémoire ; annexé à ce mémoire se trouvait un affidavit de Me Gravel attestant que les faits contenus dans le mémoire avaient été relatés en sa présence.
À peu près à la même date, Me Gravel faisait, par l’entremise de Me Maloney, tenir au ministère de la Justice, cette fois sous sa signature, et accompagné de son propre affidavit, le résumé d’une nouvelle entrevue qu’il aurait eue avec le sergent Doyon le 26 septembre, entrevue au cours de laquelle le sergent Doyon lui aurait réitéré avoir réellement vu des traces de jeep et lui avoir déclaré qu’il hésitait à signer une déclaration à cet effet de crainte qu’elle ne fût portée à l’attention des officiers de la Sûreté et de perdre son emploi.
Or, dans un affidavit transmis au ministère de la Justice et portant la date du 3 février 1956, M. Doyon rappelant les affirmations qu’il avait faites lors du procès déclarait maintenir son témoignage au procès et tout particulièrement maintenir qu’il n’y avait aucune trace de jeep en juillet et qu’il était probable que si des traces de jeep y avaient été faites en juin, elles auraient encore été visibles en juillet ; il y affirmait aussi avoir déclaré à Mes Gravel et Maher n’avoir pas vu de traces de jeep et qu’il n’y en avait pas, et les avoir référés à son témoignage parce qu’ils lui disaient que son témoignage à Percé ne comportait aucune mention de traces de jeep. Il affirmait de plus ce qui suit : « les avocats de Coffin m’ont affirmé à cette occasion qu’il y avait des traces de jeep, et je leur ai dit que s’il y en avait, ça pouvait être le long de la rivière St-Jean, à l’endroit où le camion de Lindsey est resté enlisé dans la rivière le 9 juin (non pas le 10 juin), par ce que je sais que Patterson qui a essayé de les sortir de là était en jeep, mais j’ai déclaré de plus que je ne savais pas si telles traces existaient à cet endroit parce que je n’y étais pas allé ». Il déclare encore que s’il était possible qu’il ait fait des déclarations contraires au père de Coffin, ce n’était pas parce qu’il les croyait vraies, mais dans l’espoir qu’une telle admission amènerait d’autres renseignements intéressants de la part du père de Coffin, et, enfin, qu’à la vérité Coffin ne lui avait pas montré de traces de jeep.
D’autre part, dans un affidavit portant la même date, un M. Jean Demers, neveu de M. Doyon, affirma qu’il était dans la maison de son oncle lors de la visite de Me Gravel et de Me Maher, qu’il entendit tout ce qui s’y dit, que M. Doyon fut catégorique en affirmant qu’il n’avait jamais vu de traces de jeep à l’endroit où Coffin prétendait avoir rencontré une jeep et référa les procureurs à son témoignage : ce témoin réaffirma ses dires devant la Commission.
MM. Doyon, Gravel et Maher furent entendus devant cette Commission.
Comme ce fut, malheureusement, le cas à maintes reprises au cours des nombreux témoignages que Me Gravel fut appelé à rendre, Me Gravel a rendu sur cette question particulière un témoignage ambigu, réticent, hésitant, rempli de faux-fuyants et de tergiversations, en soulevant de prétendues absences de mémoire, haché par des demandes de référer à son dossier ou à des « office mémos », prenant souvent la tangente, rendu incompréhensible par des « je ne crois pas… très probablement pas … je ne pourrais pas vous dire … je ne connais absolument rien, actuellement, qui me permettrait de jurer ceci… si je ne fais pas erreur » et rempli d’échappatoires, dont il ne peut ressortir aucune certitude que ce soit que M. Doyon n’ait pas dit l’entière vérité dans son affidavit du 3 février 1956. (À suivre)

THE COFFIN AFFAIR AND THE NUMEROUS JEEPS SEEN IN GASPÉ (PART THREE)

THE QUESTION: DID SERGEANT HENRI DOYON SEE JEEP TRACKS?

Justice Brossard gives an answer to this question in his study of those jeeps that have been seen in the vicinity of the crime scene.

PART THREE

REPORT OF THE ROYAL COMMISSION OF INQUIRY ON THE COFFIN AFFAIR (27TH NOVEMBER 1964)
VOL. 1 CHAPTER 5

THE JEEP WHOSE PRESENCE IN THE GASPÉ PENINSULA OR IN THE VICINITY WOULD HAVE BEEN SEEN BY « EYE » WITNESSES AT THE TIME THE CRIMES WERE PERPETRATED.

A literal translation by Clément Fortin

When Mtre Doiron, for the defence, asked him (sergeant Doyon) if it was possible that a jeep could have circulated in that place, without chains, without leaving tracks, or if tracks might have been erased, he answered : « It is difficult to answer… It may be possible ».
Re-examined by Mtre Noël Dorion, attorney for the Crown, he declared « that in early June in that area, the snow still melts… the ground is very damp, chains have left an imprint, … that, in the same circumstances, a jeep having driven on that ground in the same conditions would have normally left tracks… the thread being in « V » shape, a kind of « V » … that usually, on a jeep, standard tires are in « V » shape.
At the end of the examination, he affirmed what follows: “Naturally, a jeep – a tire may not leave a mark as imprinted as a chain ; anyway, I did not see any jeep tracks ».
One must remember that Wilbert Coffin’s attorneys were at liberty to cross-examine sergeant Doyon on these matters and that they did so in as far as they believed it was wise and useful to do so.
When Coffin’s attorneys decided, on August 1955, to submit representations to the Minister of Justice, realizing without a doubt that Doyon’s testimony might have been an important element in the decision of the jurors, and remembering the affirmation of the Honorourable Justice Rinfret of the Appeal Court that « any attempt to find tracks of a jeep occupied by two Americans that Coffin had declared having seen with the three American hunters on his last trip to the bush, proved negative”, Mtre Gravel seems to have attempted to obtain from Doyon information and a declaration contradicting his testimony at the trial. To these ends, he convened Mtre Raymond Maher to a meeting at Doyon’s home on the 11th September, on a Sunday, in the afternoon. The following day, on the 12th September, Mtre Gravel wrote in his notes what he thought having been Mr. Doyon’s affirmations during that meeting. The same afternoon, there would have been a meeting at his own office with Mr. Doyon during which Mr. Doyon would have confirmed the exactness of the notes taken par Mtre Gravel and written as aforementioned.
Neither during the meeting at Doyon’s home nor during the one that took place at his own office, Mtre Gravel has succeeded to obtain from Mr. Doyon a written declaration.
On the 1st October, Mtre Gravel wrote the Sollicitor General of Canada a letter in which he invited the Sollicitor General to examine sergeant Doyon and affirmed that sergeant Doyon declared that he had really seen jeep tracks in the Gaspé bush when he went there with constable Louis Sinnett, and moreover, tracks of chains made previously by Coffin and attested to by Angus MacDonald.
On the 13th October, Mtre Gravel transmitted to Mr. Allan McLeod of the Department of Justice the memorandum of the joint meeting he had with Mtre Maher at Doyon’s residence. Mtre Gravel declared that it had been approved by sergeant Doyon in a footnote to the memorandum ; joined to that memorandum was an affidavit from Mtre Gravel attesting that the facts contained in the memorandum had been stated in his presence.
On the same date, Mtre Gravel sent, through Mtre Maloney, to the Department of Justice, this time, under his signature, with his own affidavit, the summary of a new meeting which he would have had with sergeant Doyon, on the 26th September, meeting during which sergeant Doyon would have repeated having really seen jeep tracks and having declared to him that he hesitated in signing a declaration to that effect by fear that it would be taken to the attention of the officers of the Police and lose his job.
However, in an affidavit transmitted to the Department of Justice and bearing the date of the 3rd February 1956, Mr. Doyon, recalling the affirmations he had made at the trial, declared maintaining his testimony at the trial and most particularly maintaining that there was no jeep tracks in July and that it was probable that if jeep tracks had been made in June, they would have still been visible in July ; he affirmed having told Mtres Gravel and Maher having not seen jeep tracks and that there was none, and having referred them to his testimony because they told him that in his testimony, at Percé, no mention of jeep tracks was made. He affirmed moreover what follows: « Coffin’s attorneys declared to me, on that occasion, that there were jeep tracks and I told them that if there were, it could be along the Saint-Jean river, at the place where Lindsey’s truck got stuck in the river, on the 9th June (not the 10th), because I know that Patterson tried to pull them out of there and he was driving a jeep but I declared moreover that I did not know if there were such tracks at that place because I did not go there”. He declares even more that if it was possible that he made contrary declarations to Coffin’s father, it is not because he believed they were true, but with the hope that such an admission would allow him to get more interesting information from Coffin’s father, and, lastly, to tell the truth, Coffin never showed him jeep tracks.
On the other hand, in an affidavit bearing the same date, one Mr. Jean Demers, Mr. Doyon’s nephew, affirmed that he was at his uncle’s residence when Mtre Gravel and Mtre Maher visited him, that he heard all that was said, that Mr. Doyon was categorical in affirming that he had never seen jeep tracks at the place Coffin pretended having met a jeep and referred the attorneys to his testimony : this witness reaffirmed his statements before the Commission. Messrs. Doyon, Gravel and Maher were heard before this Commission.
As it was the case, unfortunately, in many instances during numerous testimonies that Mtre Gravel was called to give on this particular question he was ambiguous, reticent, hesitating, full of evasion, beating about the bush, in raising pretended memory gaps, with several requests for permission to refer to his files or to his office memos, often dodging the questions with words like « I don’t believe … most probably not .. I could not tell you … I know nothing, now, that would allow me to swear this... if I am not mistaken » and full of ways out, from which no certainty comes out that Mr. Doyon did not say the truth in his affidavit of the 3rd February 1956. (to be continued)

20 septembre 2008

JACQUES HÉBERT, UN HOMME D'HONNEUR PAR JACQUES SAUMURE









Jacques Saumure, l'éditeur de RESSOURCES CULTURELLES, fait l'éloge de Jacques Hébert. En voici un extrait:
"C’est dans ce journal (l’hebdomadaire VRAI) qu'il exprimera ce qu'il pense de l'Affaire Coffin, une des affaires judiciaires les plus célèbres du pays. Le prospecteur gaspésien Wilbert Coffin a été pendu le 10 février 1956, à 41 ans, pour le meurtre de trois chasseurs américains. Même si le ministère de la Justice a noté un nombre important de circonstances incriminantes, il n'y a pas de preuve directe. Personne n'a été témoin du meurtre et l'accusé a toujours nié l'avoir commis."
Je vous invite à lire ce texte en cliquant sur le lien suivant et à exprimer votre réaction:
http://www.ressourcesculturelles.ca/personnalites3_files/23_Jacques_Hebert.pdf

19 septembre 2008

Thierry Haroun répond à Andy Patterson au sujet de son article Coffin Affair: Author Holding Key Documents

Thierry Haroun's article titled Coffin Affair: Author Holding Key Documents published in THE GASPÉ SPEC on the 13th of August last, aroused criticisms from readers. Here is Haroun's reply to one of them that was published in the 18th September issue.
L’entrevue que j’ai accordée au journaliste Thierry Haroun et qui a paru dans THE GASPÉ SPEC du 13 août dernier a suscité des réactions. Voici la réponse de Thierry Haroun à l’une d’elles qui a été publiée dans THE GASPÉ SPEC du 18 septembre dernier.

Thierry Haroun replies to Andy Patterson (Gaspé) I was saddened to see, in our last week’s edition, that you were disappointed by my article «Coffin Affair :author holding key documents» (Spec, August 13,2008). In that text, I gave an interview to retired lawyer Clément Fortin, author of «The Coffin Affair : A Hoax?», a book based on 2,250 pages of transcripts pertaining to Wilbert Coffin’s trial in Percé in 1954. This said, you wrote in your letter the following statement «Too bad you couldn’t include the other side of the story». Sorry to ask, but what other side of the story? In fact there are many sides and angles of the Coffin Affair over the past 50 years. Because your seem to be questioning my objectivity, I must point out that it was a one-on-one interview regarding the extensive research and discoveries of the author. His fight against the authorities to get a hold on thousands of pages never made public is a story by itself, it’s of public interest and thus worth being followed very closely. It is also important for our readers to know Mr. Fortin’s point of view and to bring about his discoveries. Many other medias are also following his reasearch by well respected journalists, Yves Boisvert of La Presse, and Bryan Miles of Le Devoir to name but a few. Coming back to the «other side of the story», which frankly I don’t think it was relevant in this perspective, I can only add that over the years I have covered this Affair for Le Devoir (with Marie Coffin), CHNC radio and Le Soleil (in this case my collegue Gilles Gagné has extensively written interesting papers). I have read the books of Jacques Hébert and Alton Price, the Gazette’s investigation, spoken to James Coffin and his family, AIDWICK, Department of Justice, and so on. As for Lew Stoddard who you are mentioning in your letter, we spoke following my text with Mr. Fortin and I invite readers to log on GoGaspé (www.gogaspe.com/en/comnews/) to read his point of view on this story. Thanks for reading SPEC. Thierry Haroun(Spec’s journalist in Percé)

13 septembre 2008

WILBERT COFFIN CASE COMING FOR REVIEW BY LEW STODDARD

Je vous invite à lire, dans GoGaspé Community News, la réaction de M. Lew Stoddard à l'entrevue que j'ai accordée à Thierry Haroun pour THE GASPÉ SPEC, et parue dans son édition du 13 août dernier.
You may read, in GoGaspé Community News, Mr. Lew Stoddard's reaction to the interview I had with Thierry Haroun for THE GASPÉ SPEC, which was published in the August 13th issue.
http://www.gogaspe.com/en/comnews/

Je vous invite aussi à visiter le blogue de M. Lew Stoddard. Vous y verrez un point de vue différent sur l'affaire Coffin.
You may also take a look at Mr. Lew Stoddard's blog for a different view on the Coffin affair.
http://stoddardsviews.blogspot.com/


À la vérité, je croyais fermement, au début de ma recherche, en l'innocence de Coffin. Comme une foule d'autres Québécois et Canadiens, je m'étais fié aux écrits de Jacques Hébert. J'étais à la recherche d'un autre sujet de roman dont l'histoire se déroulerait dans ma Gaspésie natale quand des amis m'ont suggéré d'aborder l'affaire Coffin comme je l'avais fait pour l'affaire Poisson. C'est avec peu d'enthousiasme que j'ai pris connaissance du dossier Coffin au Centre d’archives nationales, à Rimouski. Plus j'approfondissais l'étude de ce dossier, plus j'étais d'avis que le jury de Percé ne s'était pas trompé. Et l'enquête Brossard m'a conforté dans cette opinion. J'ai été déçu de m'être fait berner par Jacques Hébert. Sincèrement, j'aurais aimé en arriver à une tout autre conclusion. Si j'avais détecté dans le dossier du procès de Percé et dans l'enquête Brossard des irrégularités, je me serais fait un devoir de les dénoncer. Mon objectif n'est sûrement pas d'accabler Wilbert Coffin. Au contraire, je croyais ajouter ma voix à celles qui veulent qu'on reconnaisse son innocence. Personnellement, si les faits, dont certains avancent l'existence, s'avéraient justes devant un tribunal, je serais le premier à me réjouir qu'un compatriote gaspésien soit innocenté et je réclamerais les compensations qui s'imposent dans les circonstances. Comme juriste, je ne peux pas passer outre aux témoignages de 80 citoyens devant le jury de Percé et celui de 214 témoins devant la Commission Brossard. Par ailleurs, j'aimerais que l'on comprenne que je ne suis pas un limier. Je n'ai aucune compétence policière. Cependant, comme avocat, j'ai examiné, au mieux de ma compétence, les faits soumis au regard de la loi. Et je peux ajouter que j'ai pris tous les moyens pour qu'on me permette de contrôler ces faits. Outre le ministère de la Justice du Canada, je suis le seul à réclamer l'accès au dossier de police et aux 500 pages de transcriptions sténographiques soumises au huis clos. Il me semble qu'avant de rechercher de nouvelles preuves, l'on doit d'abord examiner celles qui ont été retenues contre l'accusé. À titre d'exemple, il faut lire l'étude de la Commission Brossard sur les 11 jeeps dont il a été question dans cette affaire. Étant donné l'importance de ces jeeps dans l'affaire Coffin, j'ai commencé à présenter, sur mon blogue, l'étude que le juge Brossard en a faite dans son rapport. J'en fais aussi la traduction en anglais. Il m'apparaît élémentaire de prendre connaissance de cette étude en tout premier lieu. Elle est le fruit de nombreux témoignages rendus en conformité avec les lois pénales et civiles de notre pays.
Actually, at the beginning of my research, I strongly believed in Coffin’s innocence. Like many other Quebecers and Canadians, I relied on the writings of Jacques Hébert. While looking for another interesting story to write about my native Gaspésie, friends of mine suggested to me to study the Coffin affair in the same fashion I did with the Poisson affair. In a half-hearted way, I began my research at the Centre of Archives, in Rimouski. The more I studied this affair, the more I realized that the Percé jury had not made a mistake. And the Brossard enquiry comforted me in my opinion. I then realized I had been fooled by Jacques Hébert. Sincerely, I would have liked to reach another conclusion. If I had noticed irregularities in the Percé trial or in the Brossard Commission, I would have readily denounced them. My purpose is surely not to overwhelm Wilbert Coffin. On the contrary, I thought I would join those who wish his innocence be recognized. Personally, if new facts were put forward, the existence of which would be proven before a court of law, I would be the first one to rejoy that a Gaspé fellow contryman’s name is cleared, and I would readily claim that the relevant compensations be paid. However, as a jurist, I cannot ignore the testimonies of 80 citizens before the Percé jury and that of 214 witnesses before the Brossard Commission. On the other hand, you must understand that police investigation is beyond my competence. But, as a lawyer, I examined, to the best of my competence, the facts submitted in accordance with the law. And, I may add, that I have taken all the necessary steps to verify the relevant facts. Apart from the Canadian Department of Justice, I am the only one who has requested access to the police file and the 500 pages of shorthand transcripts of testimonies heard in camera. It seems to me that before seeking new evidence, one should examine the one that was held against the accused. For example, Justice Brossard devotes 116 pages of his report to the 11 jeeps that were mentioned in this affair. Given the importance of those jeeps in the Coffin affair, I have commenced presenting, on my blog, excerpts of the Brossard report on this matter. I have translated them in English. It seems to me elementary to first read Justice Brossard’s study on this matter. It is the result of several testimonies heard in accordance with the laws, criminal and civil, of our country.

12 septembre 2008

L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (DEUXIÈME PARTIE)





L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS

DEUXIÈME PARTIE

RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964)
VOL. 1 CHAPITRE 5

LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS.
(Extrait du livre de Jacques Hébert)
Pages 31 et 32 :

« Les trois Américains suivirent ce conseil et, dans la journée du 9, revinrent à Gaspé. Dans l’après-midi, ils reprirent le chemin de la brousse, suivant cette fois la route Gaspé-Murdochville, route qui permet également l’accès aux camps. Ces camps (près desquels les chasseurs ont été abattus) sont complètement isolés au cœur de la brousse, mais il sera intéressant de retenir que plusieurs chemins y conduisent.
Les meurtriers des chasseurs pouvaient revenir des camps de plusieurs façons :
1- Se rendre directement à Murdochville et rejoindre la route de Québec par la côte.
2- Par la route de Murdochville, rouler jusqu’à New Richmond d’où on rejoint aisément la frontière du Maine par deux routes différentes à travers le Nouveau-Brunswick.
3- Gagner Gaspé en utilisant d’abord la route directe, mais en terminant le voyage sur le chemin Gaspé-Murdochville.
4- Utiliser le chemin de Tom’s Brook qui rejoint la route de Gaspé plusieurs milles plus loin à l’est.
5- Aller à Gaspé par la route qui longe la rivière Saint-Jean ; en jeep, il était facile de traverser à gué le ruisseau qui avait arrêté la camionnette des Lindsey.
6- Par la même route, éviter Gaspé et filer directement à : Douglastown, ensuite à Matapédia et à la frontière du Maine, via le Nouveau-Brunswick. Et nous en passons !
Voilà des détails qui auraient pu intéresser une Justice plus désireuse de découvrir le vrai ( ?) coupable que d’accabler un suspect. »

Devant cette Commission, M. Maurice Hébert fut de nouveau entendu ; on lui donna lecture des deux avant-derniers paragraphes de la citation que je viens de faire.
M. Maurice Hébert réitéra ce qu’il avait dit au procès qu’à l’époque des meurtres, il n’était pas possible de retourner à Gaspé ou de se diriger vers Murdochville par la route de la rivière St-Jean à cause du pont brisé et parce que, suivant son expérience, à cette époque de l’année, la rivière St-Jean ne peut être traversée à gué par une jeep (le camion des Américains n’avait pu le faire), l’eau atteignant alors une hauteur variant de trois à douze pieds au-dessus du lit de la rivière.
Du témoignage de M. Maurice Hébert se dégage, avec une certitude plus que raisonnable pour cette Commission, qu’en juin 1953, nul véhicule et nulle jeep en particulier ne pouvaient, à partir de la région où furent commis les meurtres, quitter la Gaspésie autrement que par Gaspé ou par Murdochville ; à compte de ces deux centres, il était évidemment possible d’emprunter la grande route Gaspé-Matapédia et la grande route conduisant de Murdochville à la route de ceinture de la Gaspésie ou peut-être même, ce qui toutefois paraît avoir été plus que douteux, emprunter une route peu carrossable conduisant de Murdochville à la route transgaspésienne qui traversait la Gaspésie de Sainte-Anne des Monts à New Richmond et dont une partie elle-même n’était que peu carrossable à l’ouest de Murdochville.
Or, d’après la preuve qui a été faite au procès, avant Murdochville, il y avait des barrières à passer, et il y en avait également de l’autre côté, avant Gaspé. Cette preuve ayant été soumise au jury par des témoins que la défense eut l’avantage de contre-interroger à loisir, nous n’avons pas à y revenir. Cependant, en admettant la possibilité que les barrières eussent été constamment mal surveillées et que, dès lors, une ou plusieurs jeeps américaines auraient pu pénétrer à l’intérieur de la péninsule entre Gaspé et Murdochville sans que leurs occupants se soient rapportés aux gardes-barrière voyons si la preuve révèle s’il y a eu la quasi-invasion de jeeps américaines suggérées par messieurs Belliveau et Jacques Hébert et si elles on laissé des traces.

II

Est-il exact, comme la preuve en fut faite au procès, que lors de la découverte de la camionnette des chasseurs américains abandonnée sur la route conduisant aux camps de bûcherons près desquels les ossements des victimes furent retrouvés, on ne constata aucune trace de jeep ?
Cette question est d’importance ; en effet, au paragraphe 41 de son affidavit du 9 octobre l955, Coffin affirma avoir vu des traces de jeep entre les camps 24 et 25 et à quatre ou cinq endroits différents sur un chemin de rencontre dans la région, avoir chargé Me Maher d’essayer de faire prendre des photos de ces traces et que celui-ci n’en prit pas, avoir été au courant d’une déclaration du sergent Doyon à Me François Gravel à l’effet que, lui aussi, avait vu les traces d’une jeep ; Coffin affirma aussi que ni les avocats de la Couronne ni les avocats de la défense n’avaient jamais posé de questions particulières au cours du procès au sergent Doyon à ce sujet, et qu’un aveu récent du sergent Doyon démontrait la fausseté de la prétention de la Couronne qu’il n’y avait pas de traces de jeep dans la région.
Le sergent Doyon était l’officier de la Sûreté provinciale en charge du poste de Gaspé ; c’est lui qui reçut la première communication téléphonique le 5 juillet 1953 en provenance de M. Claar, père, qui s’enquérait du sort de son fils et de ses deux compagnons de chasse ; c’est lui qui demeura en charge de l’enquête jusqu’à l’arrivée des capitaines Matte et Sirois le matin du 23 juillet ; il ne prit effectivement et activement part aux recherches qu’à compter de la découverte, le 15 juillet, d’un premier cadavre ; c’est lui qui fut le premier à entrer en contact avec Coffin au retour de ce dernier de Montréal le soir du 20 juillet et qui accompagna Coffin, avec le policier Sinnett, le 21 juillet, pour parcourir avec Coffin les endroits que celui-ci avait parcourus avec le prospecteur MacDonal et avec le jeune Lindsey les 8, 9 et 10 juin.
Le sergent Doyon témoigna, au procès, sur ce qui suit :
Il fit des recherches pour découvrir le nom ou les noms des personnes auxquelles pouvait avoir référé Coffin quand il parla de la jeep des deux autres Américains ; les seuls qu’il ait découverts furent ceux du Docteur Burkett et d’un M. Ford, son compagnon de chasse ; il ne découvrit pas « personnellement » d’autres « parties » d’Américains venus en jeep au cours de la même période dans la région de Gaspé. Il ne vit aucune trace de la fameuse jeep dont avait parlé Coffin « parce qu’il n’y avait aucune trace d’imprimée comme celle des chaînes qu’on pouvait voir à certains endroits ». (Coffin avait déclaré à Doyon qu’il avait dû mettre des chaînes aux roues de la propre camionnette que lui avait prêtée son ami Baker lors de son voyage des 8 et 9 juin en compagnie de MacDonald).
Au cours de son contre-interrogatoire par Me Louis Doiron, l’un des procureurs de la défense, Doyon réitéra que lui et Sinnett n’avaient pas trouvé, à l’endroit où le camion des Américains était resté, « des traces de jeep … « des traces imprimées comme les traces de chaînes qui nous avaient été montrées par l’accusé lui-même ». (À SUIVRE)

THE COFFIN AFFAIR AND THE NUMEROUS JEEPS (PART II)




THE COFFIN AFFAIR AND THE NUMEROUS JEEPS
PART II
(A literal translation by Clément Fortin)
REPORT OF THE ROYAL COMMISSION OF INQUIRY ON THE COFFIN AFFAIR (27TH NOVEMBER 1964)
VOL. 1 CHAPTER 5

THE JEEP WHOSE PRESENCE IN THE GASPÉ PENINSULA OR IN THE VICINITY WOULD HAVE BEEN SEEN BY « EYE » WITNESSES AT THE TIME THE CRIMES WERE PERPETRATED.
(Abstract from Jacques Hébert’s book)

Pages 31 et 32 :
« The three Americans followed that advice and, in the course of the day on the 9th, returned to Gaspé. In the afternoon, they drove again on a bush road, following this time the Gaspé-Murdochville road which also gives access to the camps. These camps (where the hunters were murdered) are completely isolated in the depth of the bush, but it is interesting to note that several roads lead to them.
The hunters’ murderers could have come back from the camps through several ways:
1- Going directly to Murdochville and joining the Québec road running along the coast.
2- Going on the Murdochville road, driving to New-Richmond where the Maine frontiers could easily be met by two different roads running through New-Brunswick.
3- Reaching Gaspé by the direct road, but ending the trip on the Gaspé-Murdochville road.
4- Using the Tom’s Brook road that joins the Gaspé road several miles further east.
5- Going to Gaspé by the road bordering the Saint-Jean river ; in a jeep, it was easy to ford the stream that had stopped the Lindsey’s truck.
6- On the same road, avoiding Gaspé and driving directly to : Douglastown, then Matapédia and to the Maine frontier, through New-Brunswick. And let’s say no more about it !
Here are details that might have interested a Justice system more desirous of finding the true culprit (?) than overwhelming a suspect. »

Before this Commission, Mr. Maurice Hébert was heard again ; the last two paragraphs of the above quotation were read to him.
Mr. Maurice Hébert repeated what he had said at the trial and that, at the time of the murders, it was not possible to return to Gaspé or go to Murdochville by the Saint-Jean river road because the bridge had been swept away and because, according to his experience, at that time of the year, the Saint-Jean river cannot be forded with a jeep (the Americans’ truck was not able to do it), the water level reaching from three to twelve feet above the river bed.
From Mr. Maurice Hébert’s testimony, one can draw the conclusion, with certainty more than reasonable for this Commission, that in June 1953, no vehicle, no jeep in particular could leave, starting from the area where the murders were perpetrated, the Gaspé peninsula otherwise than through Gaspé or Murdochville ; starting from those two centres, it was obviously possible to go on the Gaspé-Matapédia highway and the highway leading from Murdochville to the belt way of the Gaspé peninsula or perhaps so, which seems however to appear more than doubtful, going on a road little suited for motor vehicles leading from Murdochville to the transgaspesian road crossing the Gaspé peninsula from Saint-Anne-des-Monts to New Richmond and of which a part of it was little suitable for motor vehicles west of Murdochville.
However, according to the proof submitted at the trial, before Murdochville, there were gates to pass by, and there were some also from the other side, before Gaspé. This proof having been submitted to the jury by witnesses that the defence could cross-examine at leisure, we do not have to re-examine it.
Nevertheless, admitting the possibility that the gates were constantly ill-watched and that, from that time, one or several American jeeps could have been able to enter the peninsula between Gaspé and Murdochville without their occupants being reported to the gate-keepers, let’s see if the proof reveals if there was a quasi-invasion of American jeeps as suggested by Belliveau and Jacques Hébert and if they left tracks.
II

Is it true, as proof was made at the trial, that when the pick-up truck was found, left on the road leading to the lumber camps, where the remains of the victims were found, no jeep tracks were seen ?
This question is important; indeed, in paragraph 41 of his affidavit of the 9th October 1955, Coffin declared having seen jeep tracks between camps 24 and 25 and at four or five different places on a side road in the area, having instructed Mtre Maher to try to have pictures taken of those tracks and that the latter did not take any, having been informed of sergeant Doyon’s declaration to Mtre François Gravel that he too saw the marks of a jeep; Coffin declared that neither the Crown attorneys nor the defence attorneys had never asked sergeant Doyon questions about this issue, and that a recent admission from sergeant Doyon showed the falsehood of the Crown’s pretension that there were no jeep tracks in the area.
Sergeant Doyon was the officer of the Provincial Police in charge of the Gaspé station ; it is he who received the first telephone call on the 5th July from Mr. Claar, senior, investigating about his son and his two hunting companions ; it is he also who remained in charge of the investigation until the arrival of captains Matte and Sirois, on the morning of the 23rd July ; he only took part in the search when, on the 15th July, a first cadaver was found; it is also him who was the first one to be in contact with Coffin on his return from Montréal, on the 21st July, to visit with him, in company of the police officer Sinnett, on the 21st July, the places that Coffin had been through with the prospector MacDonald and the young Lindsey on the 8th , 9th and 10th June.
Sergeant Doyon testified at the trial on what follows:
He carried searches to find the name or names of the persons to whom Coffin might have referred to when he talked about the jeep of two other Americans ; the only ones he found were those of Dr. Burkett and one Mr. Ford, his hunting companion ; he did not find « personally » other « parties » of Americans who had come with a jeep in the same period of time in the Gaspé area. He saw no tracks of the famous jeep Coffin had talked about « because there were no tracks printed like those of chains that could be seen at certain places » (Coffin had declared to Doyon that he had to put on chains on the wheels of the pick-up truck his friend Baker had lent him when he went in that area with MacDonald on the 8th and 9th June.) During his cross-examination by Mtre Louis Doiron, one of the defence attorneys, Doyon repeated that he and Sinnett had not found at that place where the truck of the Americans was abandoned, « jeep tracks … « tracks printed like chain tracks that had been shown us by the accused himself ».
(To be continued)

1 septembre 2008

L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (PREMIÈRE PARTIE)


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L’AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (PREMIÈRE PARTIE)

Au sujet des nombreuses jeeps dont il est question dans l’affaire Coffin, le juge Brossard fait une étude méticuleuse de chacune d’elle dans un chapitre de 116 pages. Comme il s’agit d’une partie importante de la preuve et qu’elle a fait couler beaucoup d’encre et donner naissance à de nombreux ragots, je vous reproduirai ces pages au cours des prochaines semaines.


RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964)
VOL. 1 CHAPITRE 5

LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS.

Lors de la séance du 27 juillet 1953 de l’enquête du Coroner, Wilbert Coffin qui n’était encore ni détenu comme « témoin important » ni accusé, fut appelé à témoigner. Il déclara que, le 10 juin, en fin d’après-midi, lorsqu’il retourna avec le jeune Lindsay auprès des deux compagnons de ce dernier, il vit une jeep portant licence américaine dont les deux passagers causaient avec M. Lindsay, père, et le jeune Claar demeurés dans le bois aux côtés de leur camionnette avariée et immobilisée.
Lors du procès, le sergent Henri Doyon, racontant le voyage qu’il avait fait dans le bois avec Wilbert Coffin et l’agent Synnett le 21 juillet 1953 au retour de Coffin, raconta que Coffin lui avait mentionné une telle rencontre de deux autres Américains dans une jeep portant licence américaine.
Au procès, la Couronne mit en preuve qu’à la suite de recherches faites par les membres de la Sûreté provinciale, tout particulièrement, dans les registres des gardes-barrières chargés de contrôler, à l’entrée et à la sortie, la circulation sur les routes pénétrant en forêt, la seule jeep américaine dont on avait pu relever la présence dans le bois entre le 27 mai et le 12 juin 1953 était celle dont un docteur Burkett et un M. Ford accompagnés de leur guide, Russell Patterson, s’étaient servis au cours d’une partie de chasse à l’ours ; la Couronne mit également en preuve qu’une jeep américaine aperçue par des messieurs Savidant, habitants de la région, avait été celle du docteur Burkett et de M. Ford et que cette jeep avait quitté la Gaspésie plusieurs jours avant le 10 juillet.
À l’époque tant de l’enquête du Coroner que du procès, les journaux rapportèrent les déclarations de Wilbert Coffin et la preuve relative à la jeep du docteur Burkett. En septembre 1955, à l’époque où les procureurs de Coffin tentaient désespérément, avec l’appui et les interventions fébriles de parents et amis de Coffin et même d’étrangers, de sauver leur client par la transmission au ministère de la Justice d’un grand nombre d’affidavits et de déclarations se rapportant aux faits qui paraissent avoir retenu, en priorité, l’attention des juges de la Cour d’appel, les journaux publièrent la nouvelle qu’un docteur Wilson et son épouse auraient, vers le 5 juin 1953, vu, à bord d’un traversier se rendant à la Rivière-du-Loup une jeep portant licence américaine et dont les occupants étaient des jeunes et qu’ils auraient perdu cette jeep de vue dès sa descente du traversier d’où ils présumèrent qu’elle avait pris la route de la Gaspésie.
À la suite de la publication de ces nouvelles par les journaux, certaines personnes se mirent en communication, soit avec la Police provinciale de Québec, soit avec des journalistes, soit avec l’un des procureurs de Wilbert Coffin au sujet de jeeps qu’elles prétendaient avoir vues dans la région à l’époque des crimes ; d’autres telles personnes furent retracées tardivement dans des circonstances fortuites et parfois étonnantes, comme ce fut le cas pour le docteur et madame Wilson, à l’automne de 1955 seulement.
S’est-il agi dans ces différents cas d’une seule et même jeep ou de plusieurs jeeps différentes dont l’une aurait pu ou pourrait être reliée à celle que Coffin avait déclaré avoir vue ?
C’est là l’un des problèmes les plus sérieux et les plus importants dont la Commission a été saisie.
Sous la dictée certaine et extrêmement habile de ses avocats, Coffin parla, dans son long affidavit du 9 octobre 1955, de la présence de plusieurs jeeps dans la région où les meurtres furent commis, plus spécialement, dans le paragraphe 41 (relatif aux traces de jeep qu’il aurait vues et don il sera ci-après question) et dans les paragraphes 23 et 48 dont voici les textes :
23. Mr. Maloney (one of Coffin’s lawyer) produced a photograph of a jeep closed in with plywood and marked as Exhibit « A » to this statement. Mr. Maloney informed me that he obtained this photograph from the Toronto Evening Telegram who represented it to be a photograph of a jeep that had been found in the Province of New Brunswick. Having studied the photograph, I am not in a position to swear that it is the identical jeep occupied by the two Americans whom I met with the Lindsay party after my return from Gaspé on June 10th with Lindsay Jr. The fact is the two jeeps looked very much alike and both were built in the same way. The jeep which I saw occupied by the two Americans by a factory but rather by someone not thoroughly experienced in such matters and it seemed to me that it was stained with some kind of oil or varnish. It may well be that the jeep shown in the photograph marked « Exhibit « A » is one and the same jeep but I am not in a position to swear to it. »
48. I repeat I am innocent of this crime and I feel I was not given a fair trial, chiefly that evidence about the presence of another jeep and other Americans in the Gaspé District was held back and that evidence of the marks of a jeep on the road in the vicinity of the camps was also held back. I was made to look as though I was a liar because it was proved that Dr. Burkett and Mr. Ford were not in the district after June the 5th. The fact is, as I said before, Dr. Burkett left the Lindsey party and new witnesses have now come forward who prove another jeep and other Americans were in the district and that the police connected with my case knew this and held it back. It is now proved too by Sergeant Henri Doyon’s admission to my lawyer François de B. Gravel that there were jeep marks on the road. »
D’autre part, MM. Belliveau et Hébert, mais tout spécialement M. Jacques Hébert, ont versé beaucoup d’encre sur le sujet.
Aussi bien, cette partie du rapport sera-t-elle relativement plus longue que la très grande majorité des autres.
Avant, toutefois, d’entreprendre l’étude de la preuve relative à la présence d’une ou plusieurs jeeps, il convient d’étudier deux questions assurément aussi importantes que les autres, savoir :
a) les jurés furent-ils suffisamment renseignés sur les routes conduisant aux camps aux environs desquels les meurtres furent commis ? et
b) est-il exact, comme la preuve en fut faite au procès, que, lors de la découverte de la camionnette des chasseurs américains abandonnée sur la route conduisant aux camps de bûcherons près desquels, les ossements des victimes furent retrouvés, on ne constata aucune trace de jeep ?

-I-

LES JURÉS FURENT-ILS SUFFISAMMENT RENSEIGNÉS SUR LES ROUTES CONDUISANT AUX CAMPS AUX ENVIRONS DESQUELS LES MEURTRES FURENT COMMIS ?

TOPOGRAPHIE DES LIEUX

Au procès de Coffin, un grand nombre de gardes-chasse, gardes-pêche et guides de la région de Gaspé, tous gens qui avaient participé aux recherches des trois chasseurs américains, furent entendus sur les voyages qu’ils effectuèrent au cours de ces recherches ; un bon nombre d’officiers de police y compris le sergent Doyon et les agents Sinnett, Vanhoutte, Fradette, Dumas et Fafard témoignèrent également sur leurs propres recherches en compagnie des autres chasseurs ou indépendamment d’eux ; tous, sans exception, décrivirent l’endroit où fut découverte la camionnette abandonnée et où furent retrouvés les cadavres des chasseurs comme se situant aux environs de camps de bûcherons connus comme les camps 21, 24, 25 et 26 ; plusieurs d’entre eux sinon tous décrivirent aussi par quels chemins ils s’y étaient rendus ; les camps étaient manifestement ceux d’une entreprise d’exploitation forestière et étaient situés non loin d’une rivière qui paraît avoir été identifiée comme la branche nord de la rivière St-Jean.
En ce qui concerne la topographie des lieux, un témoin important fut monsieur Maurice Hébert, aujourd’hui Inspecteur à la Sûreté provinciale en charge du Service de l’identité judiciaire pour l’est de la province ; en juin et juillet 1953, sa fonction primordiale consistait à faire le relevé topographique des lieux pour différentes causes présumément criminelles ; c’est en cette qualité qu’il fut interrogé au procès. Monsieur Hébert y décrivit ainsi les chemins par lesquels on pouvait avoir accès aux camps de bûcherons dans la région dans laquelle les meurtres furent commis ; tout d’abord, deux routes principales a) la route conduisant de Gaspé à Murdochville le long de la rivière York et b) une route partant de Gaspé et longeant la rivière St-Jean, au sud de la rivière York, passant par les camps 21, 24, 25 et 26 dans la région où les meurtres furent commis et rejoignant, vers l’ouest, la grande route Gaspé-Murdochville. Il décrivit une route secondaire connue sous le nom de Tom’s Brook Road et reliant la route Gaspé-Murdochville à celle longeant la rivière St-Jean, à l’est de l’endroit où se trouvaient les camps ; il mentionna tout spécialement l’existence d’un grand nombre de sentiers s’enfonçant en forêt à partir de ces diverses routes, sentiers difficilement carrossables pour des automobiles. Monsieur Maurice Hébert et plusieurs autres témoins établirent que sur la route longeant la rivière St-Jean, entre les camps susdits et Gaspé, un pont enjambant la rivière St-Jean avait été emporté par la crue des eaux ; c’est à cet endroit que le 9 juin les chasseurs américains venant de Gaspé avaient tenté de traverser à gué la rivière St-Jean, n’avaient pu réussir à le faire avec leur camionnette et avaient été obligés de se faire dépanner par un groupe de quatre chasseurs, pêcheurs, gardes-chasse ou gardes-pêche qui survinrent sur les lieux ; les trois chasseurs américains avaient alors été obligés de rebrousser chemin, retourner à Gaspé pour aller prendre la route de Gaspé-Murdochville, puis la route secondaire du Tom’s Brook pour se rendre à l’endroit où leur camionnette cessa de fonctionner ; c’est là que le lendemain Wilbert Coffin les rencontra et où fut retrouvée un mois plus tard la camionnette définitivement abandonnée à deux milles environ du premier groupe de camps de bûcherons susdits.
M. Maurice Hébert et tous les témoins furent contre-interrogés par les procureurs de la défense qui eurent toute facilité pour obtenir d’eux les renseignements additionnels qu’ils jugeaient appropriés et nécessaires.
Cette preuve, M. Jacques Hébert ne l’a jamais connue dans son essence ou dans ses détails, puisque, de sa propre admission, il n’a jamais pris, avant la présente enquête, connaissance du dossier conjoint dans lequel toute la preuve était reproduite, et puisqu’il n’a pas pris connaissance non plus des notes des juges de la Cour d’Appel.
Précieusement armé de cette ignorance de la preuve soumise au procès de Coffin, substituant son ignorance des contre-interrogatoires auxquels les divers témoins dont j’ai fait mention furent soumis par les procureurs de la défense à la connaissance que pouvaient avoir eue, lors du procès Coffin, les défenseurs de ce dernier, le tout d’ailleurs avec la même désinvolture et la même outrecuidance que celles qu’il témoigna à l’endroit des juges de nos plus hauts tribunaux, M. Hébert écrivit, dans son deuxième volume, les lignes qui suivent :
(À SUIVRE)

THE COFFIN AFFAIR AND THE NUMEROUS JEEPS (PART I)

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THE COFFIN AFFAIR AND THE NUMEROUS JEEPS (PART I)

In his report, Justice Brossard, in a 116 page chapter, studies meticulously each one of the numerous jeeps that were mentioned in the Coffin affair. Since it is an important part of the proof and it caused much ink to flow and gossips to circulate, I shall reproduce these pages in the next weeks.

REPORT OF THE ROYAL COMMISSION OF INQUIRY ON THE COFFIN AFFAIR (27TH NOVEMBER 1964)
VOL. 1 CHAPTER 5

THE JEEP WHOSE PRESENCE IN THE GASPÉ PENINSULA OR IN THE VICINITY WOULD HAVE BEEN SEEN BY « EYE » WITNESSES AT THE TIME THE CRIMES WERE PERPETRATED.
(A literal translation by Clément Fortin)

At the sitting of the 27th of July 1953 Coroner’s inquest, Wilbert Coffin, who was not yet held as a « material witness » and was not accused, was called to testify. He declared that, on the 10th of June, in the end of the afternoon, when he accompanied the young Lindsay to his other two hunting companions, he saw a jeep with an American licence plate whose two passengers were talking with Mr. Lindsay, senior, and the young Claar, who had stayed in the bush by their broken pick-up truck.
At the trial, Sergeant Henri Doyon, told about the trip he had made in the bush with Wilbert Coffin and constable Sinnett on the 21st of July 1953, on Coffin’s return, and related that Coffin had mentioned to him his meeting with the two other Americans in a jeep with an American licence plate.
At the trial, the Crown submitted that following searches made by members of the Provincial Police, and particularly, in the registers of gate-keepers in charge of controlling, at the entrance and at the exit, the traffic on the roads leading to the forest, the only American jeep whose presence had been noted in the bush, between the 27th May and the 12th June 1953, was that of Dr. Burkett and one Mr. Ford, accompanied with their guide, Russell Patterson, for hunting bears; the Crown also submitted as proof that the American jeep seen by the Savidant brothers, both residing in the area, was that of Dr. Burkett and of Mr. Ford and that this jeep had left the Gaspé several days before the 10th of July.
At the time of the Coroner’s inquest as well of that of the trial, newspapers reported Wilbert Coffin’s declarations and the proof relating to Dr. Burkett’s jeep. On September 1955, at the time where Coffin’s attorneys were desperately trying, with the support and nervous interventions of relatives and friends of Coffin and even strangers, to save their client in transmitting to the Department of Justice a great number of affidavits and declarations relating to the facts that appear to have caught, in priority, the attention of the justices of the Appeal Court, the newspapers published the news that one Dr. Wilson and his wife might have seen, around the 5th of June, on board of a ferry crossing to Rivière-du-Loup, a jeep with an American licence plate and whose occupants were young people and that they would have lost sight of this jeep as soon as it left the ferry where they assumed they hit the road of the Gaspé coast.
Following the publication of these news, certain persons communicated with newspapermen, some with one of Wilbert Coffin’s attorneys about jeeps they pretended having seen in the area at the time of the crimes ; other people were found tardily, in fortuitous circumstances, sometimes surprising, as was the case of Dr. and Mrs. Wilson, on the fall of 1955 only.
In these different cases, is there one jeep only or are there several different jeeps, one of which might have been related to the one Coffin claims having seen ?
That is one of the most serious problems and the most important of which the Commission was seized.
Under the certain and extremely clever dictation of his lawyers, Coffin spoke, in his long affidavit of the 9th October 1955, of the presence of several jeeps in the area where the murders were perpetrated, more particularly, in paragraph 41 (related to jeep tracks which he would have seen and about which we shall be concerned in this report) and in paragraphs 23 and 48 which read as follows :

“23. Mr. Maloney (one of Coffin’s lawyer) produced a photograph of a jeep closed in with plywood and marked as Exhibit « A » to this statement. Mr. Maloney informed me that he obtained this photograph from the Toronto Evening Telegram who represented it to be a photograph of a jeep that had been found in the Province of New Brunswick. Having studied the photograph I am not in a position to swear that it is the identical jeep occupied by the two Americans whom I met with the Lindsay party after my return from Gaspé on June 10th with Lindsay Jr. The fact is the two jeeps looked very much alike and both were built in the same way. The jeep which I saw occupied by the two Americans looked as though the plywood was installed not by a factory but rather by someone not thoroughly experienced in such matters and it seemed to me that it was stained with some kind of oil or varnish. It may well be that the jeep shown in the photograph marked « Exhibit « A » is one and the same jeep but I am not in a position to swear to it.
48. I repeat I am innocent of this crime and I feel I was not given a fair trial, chiefly that evidence about the presence of another jeep and other Americans in the Gaspé District was held back and that evidence of the marks of a jeep on the road in the vicinity of the camps was also held back. I was made to look as though I was a liar because it was proved that Dr. Burkett and Mr. Ford were not in the district after June the 5th. The fact is, as I said before, Dr. Burkett left the Lindsey party and new witnesses have now come forward who prove another jeep and other Americans were in the district and that the police connected with my case knew this and held it back. It is now proved too by Sergeant Henri Doyon’s admission to my lawyer François de B. Gravel that there were jeep marks on the road. »
On the other hand, Messrs. Belliveau and Hébert, but more so Mr. Jacques Hébert, poured out much ink on the subject
Therefore, this part of the report will be relatively longer than the great majority of the others.
Before studying the proof concerning the presence of one or several jeeps, it is appropriate to consider two questions certainly as important as the others, to wit :
a) were the jurors sufficiently informed about the roads leading to the camps in the vicinity of which the murders were perpetrated? And
b) is it exact, as the proof was submitted at the trial, that, at the time of the discovery of the American hunters’ pick-up truck abandoned on the road leading to the lumber camps where the victims’ remains where found, no jeep tracks were seen? -I-

WERE THE JURORS SUFFICIENTLY INFORMED ABOUT THE ROADS LEADING TO THE CAMPS IN THE VICINITY OF WHICH THE MURDERS WERE PERPETRATED ?

TOPOGRAPHY OF THE AREA

At Coffin’s trial, a great number of game and fish wardens and guides in the Gaspé area, all people who had participated in the search of the three American hunters, were heard about the trips they had made in the course of their searches ; a good number of police officers including sergeant Doyon, and constables Sinnett, Vanhoutte, Fradette, Dumas and Fafard testified also about their own searches in the company of the other hunters or independently ; all of them, with no exception, described the place where the abandoned pick-up truck was found and where the hunters’ cadavers were found as being in the surrounding of the lumber camps known as camps 21, 24, 25 and 26 ; many of them, if not all of them, described also by which road they had gone to those camps ; the camps were obviously those of a lumber operation and were located near a river which seems to have been identified as the north branch of the St-Jean river.
Regarding the topography of the area, an important witness was Mr. Maurice Hébert, now Inspector with the Provincial Police in charge of the Judicial Identity Department for the east of the province ; in June and July 1953, his main duty consisted in surveying the region for various cases, presumably criminal ; it is in this capacity that he was examined at the trial. Mr. Hébert described the roads on which one could reach the lumber camps where the crimes were committed ; firstly, two main roads a) the road leading from Gaspé to Murdochville along the St-Jean river, south of the York river, going through camps 21, 24, 25 et 26 where the crimes were perpetrated and connecting, westward, with the main road Gaspé-Murdochville. He described a secondary road know as Tom’s Brook Road and connecting the Gaspé-Murdochville to the one that runs along the St-Jean river, eastward, from the place where the camps were ; he mentioned more particularly the existence of a great number of paths leading to the forest from these diverse roads, hardly suitable for automobiles. Mr. Hébert and many other witnesses stated that on the road running along the St-Jean river, between the above mentioned camps and Gaspé, a bridge spanning St-Jean river was flooded away ; it is there that, on the 9th June, the American hunters arriving from Gaspé had tried to ford the St-Jean river, were not able to do it with their truck and had to be helped out by a party of four, hunters, fishermen, game or fish wardens who arrive on the spot; the three hunters had to turn back to Gaspé to take the Gaspé-Murdochville road, then the secondary road Tom’s Brook to go to the place where their pick-up truck stopped running; it is there where, the following day, Wilbert Coffin met them and where the pick-up truck, a month later, was found abandoned at a distance of two miles approximately from the first set of above-mentioned lumber camps.
Mr. Maurice Hébert and all the witnesses who were cross-examined by the defence attorneys who had every opportunity to obtain from them any additional information that they thought appropriate and necessary. This proof, Mr. Jacques Hébert had no knowledge of it, neither in its essence nor in its details, since, of his own admission, he had never read, before the present enquiry, the joint dossier which contained all the proof, and he had not read the notes of the Court of Appeal justices.
Armed with the ignorance of the proof submitted at Coffin’s trial, and substituting his ignorance of the cross-examinations to which the many witnesses which I already mentioned were submitted by the defence attorneys and the knowledge that Coffin’s attorneys might have had of them, the whole with the same casualness and the same presumptuousness that he displayed towards the justices of our highest courts, Mr. Jacques Hébert wrote, in his second book the following lines :
(À SUIVRE)

L'AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS

L’AFFAIRE COFFIN ET LES NOMBREUSES JEEPS (PREMIÈRE PARTIE)

Au sujet des nombreuses jeeps dont il est question dans l’affaire Coffin, le juge Brossard fait une étude méticuleuse de chacune d’elle dans un chapitre de 116 pages. Comme il s’agit d’une partie importante de la preuve et qu’elle a fait couler beaucoup d’encre et donner naissance à de nombreux ragots, je vous reproduirai ces pages au cours des prochaines semaines.



RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE BROSSARD SUR L’AFFAIRE COFFIN (27 NOVEMBRE 1964)
VOL. 1 CHAPITRE 5

LA JEEP DONT LA PRÉSENCE EN GASPÉSIE OU AUX ENVIRONS AURAIT ÉTÉ CONSTATÉE PAR DES TÉMOINS OCULAIRES À L’ÉPOQUE OÙ LES CRIMES FURENT COMMIS.

Lors de la séance du 27 juillet 1953 de l’enquête du Coroner, Wilbert Coffin qui n’était encore ni détenu comme « témoin important » ni accusé, fut appelé à témoigner. Il déclara que, le 10 juin, en fin d’après-midi, lorsqu’il retourna avec le jeune Lindsay auprès des deux compagnons de ce dernier, il vit une jeep portant licence américaine dont les deux passagers causaient avec M. Lindsay, père, et le jeune Claar demeurés dans le bois aux côtés de leur camionnette avariée et immobilisée.
Lors du procès, le sergent Henri Doyon, racontant le voyage qu’il avait fait dans le bois avec Wilbert Coffin et l’agent Synnett le 21 juillet 1953 au retour de Coffin, raconta que Coffin lui avait mentionné une telle rencontre de deux autres Américains dans une jeep portant licence américaine.
Au procès, la Couronne mit en preuve qu’à la suite de recherches faites par les membres de la Sûreté provinciale, tout particulièrement, dans les registres des gardes-barrières chargés de contrôler, à l’entrée et à la sortie, la circulation sur les routes pénétrant en forêt, la seule jeep américaine dont on avait pu relever la présence dans le bois entre le 27 mai et le 12 juin 1953 était celle dont un docteur Burkett et un M. Ford accompagnés de leur guide, Russell Patterson, s’étaient servis au cours d’une partie de chasse à l’ours ; la Couronne mit également en preuve qu’une jeep américaine aperçue par des messieurs Savidant, habitants de la région, avait été celle du docteur Burkett et de M. Ford et que cette jeep avait quitté la Gaspésie plusieurs jours avant le 10 juillet.
À l’époque tant de l’enquête du Coroner que du procès, les journaux rapportèrent les déclarations de Wilbert Coffin et la preuve relative à la jeep du docteur Burkett. En septembre 1955, à l’époque où les procureurs de Coffin tentaient désespérément, avec l’appui et les interventions fébriles de parents et amis de Coffin et même d’étrangers, de sauver leur client par la transmission au ministère de la Justice d’un grand nombre d’affidavits et de déclarations se rapportant aux faits qui paraissent avoir retenu, en priorité, l’attention des juges de la Cour d’appel, les journaux publièrent la nouvelle qu’un docteur Wilson et son épouse auraient, vers le 5 juin 1953, vu, à bord d’un traversier se rendant à la Rivière-du-Loup une jeep portant licence américaine et dont les occupants étaient des jeunes et qu’ils auraient perdu cette jeep de vue dès sa descente du traversier d’où ils présumèrent qu’elle avait pris la route de la Gaspésie.
À la suite de la publication de ces nouvelles par les journaux, certaines personnes se mirent en communication, soit avec la Police provinciale de Québec, soit avec des journalistes, soit avec l’un des procureurs de Wilbert Coffin au sujet de jeeps qu’elles prétendaient avoir vues dans la région à l’époque des crimes ; d’autres telles personnes furent retracées tardivement dans des circonstances fortuites et parfois étonnantes, comme ce fut le cas pour le docteur et madame Wilson, à l’automne de 1955 seulement.
S’est-il agi dans ces différents cas d’une seule et même jeep ou de plusieurs jeeps différentes dont l’une aurait pu ou pourrait être reliée à celle que Coffin avait déclaré avoir vue ?
C’est là l’un des problèmes les plus sérieux et les plus importants dont la Commission a été saisie.
Sous la dictée certaine et extrêmement habile de ses avocats, Coffin parla, dans son long affidavit du 9 octobre 1955, de la présence de plusieurs jeeps dans la région où les meurtres furent commis, plus spécialement, dans le paragraphe 41 (relatif aux traces de jeep qu’il aurait vues et don il sera ci-après question) et dans les paragraphes 23 et 48 dont voici les textes :
23. Mr. Maloney (one of Coffin’s lawyer) produced a photograph of a jeep closed in with plywood and marked as Exhibit « A » to this statement. Mr. Maloney informed me that he obtained this photograph from the Toronto Evening Telegram who represented it to be a photograph of a jeep that had been found in the Province of New Brunswick. Having studied the photograph, I am not in a position to swear that it is the identical jeep occupied by the two Americans whom I met with the Lindsay party after my return from Gaspé on June 10th with Lindsay Jr. The fact is the two jeeps looked very much alike and both were built in the same way. The jeep which I saw occupied by the two Americans by a factory but rather by someone not thoroughly experienced in such matters and it seemed to me that it was stained with some kind of oil or varnish. It may well be that the jeep shown in the photograph marked « Exhibit « A » is one and the same jeep but I am not in a position to swear to it. »
48. I repeat I am innocent of this crime and I feel I was not given a fair trial, chiefly that evidence about the presence of another jeep and other Americans in the Gaspé District was held back and that evidence of the marks of a jeep on the road in the vicinity of the camps was also held back. I was made to look as though I was a liar because it was proved that Dr. Burkett and Mr. Ford were not in the district after June the 5th. The fact is, as I said before, Dr. Burkett left the Lindsey party and new witnesses have now come forward who prove another jeep and other Americans were in the district and that the police connected with my case knew this and held it back. It is now proved too by Sergeant Henri Doyon’s admission to my lawyer François de B. Gravel that there were jeep marks on the road. »
D’autre part, MM. Belliveau et Hébert, mais tout spécialement M. Jacques Hébert, ont versé beaucoup d’encre sur le sujet.
Aussi bien, cette partie du rapport sera-t-elle relativement plus longue que la très grande majorité des autres.
Avant, toutefois, d’entreprendre l’étude de la preuve relative à la présence d’une ou plusieurs jeeps, il convient d’étudier deux questions assurément aussi importantes que les autres, savoir :
a) les jurés furent-ils suffisamment renseignés sur les routes conduisant aux camps aux environs desquels les meurtres furent commis ? et
b) est-il exact, comme la preuve en fut faite au procès, que, lors de la découverte de la camionnette des chasseurs américains abandonnée sur la route conduisant aux camps de bûcherons près desquels, les ossements des victimes furent retrouvés, on ne constata aucune trace de jeep ?

-I-

LES JURÉS FURENT-ILS SUFFISAMMENT RENSEIGNÉS SUR LES ROUTES CONDUISANT AUX CAMPS AUX ENVIRONS DESQUELS LES MEURTRES FURENT COMMIS ?

TOPOGRAPHIE DES LIEUX

Au procès de Coffin, un grand nombre de gardes-chasse, gardes-pêche et guides de la région de Gaspé, tous gens qui avaient participé aux recherches des trois chasseurs américains, furent entendus sur les voyages qu’ils effectuèrent au cours de ces recherches ; un bon nombre d’officiers de police y compris le sergent Doyon et les agents Sinnett, Vanhoutte, Fradette, Dumas et Fafard témoignèrent également sur leurs propres recherches en compagnie des autres chasseurs ou indépendamment d’eux ; tous, sans exception, décrivirent l’endroit où fut découverte la camionnette abandonnée et où furent retrouvés les cadavres des chasseurs comme se situant aux environs de camps de bûcherons connus comme les camps 21, 24, 25 et 26 ; plusieurs d’entre eux sinon tous décrivirent aussi par quels chemins ils s’y étaient rendus ; les camps étaient manifestement ceux d’une entreprise d’exploitation forestière et étaient situés non loin d’une rivière qui paraît avoir été identifiée comme la branche nord de la rivière St-Jean.
En ce qui concerne la topographie des lieux, un témoin important fut monsieur Maurice Hébert, aujourd’hui Inspecteur à la Sûreté provinciale en charge du Service de l’identité judiciaire pour l’est de la province ; en juin et juillet 1953, sa fonction primordiale consistait à faire le relevé topographique des lieux pour différentes causes présumément criminelles ; c’est en cette qualité qu’il fut interrogé au procès. Monsieur Hébert y décrivit ainsi les chemins par lesquels on pouvait avoir accès aux camps de bûcherons dans la région dans laquelle les meurtres furent commis ; tout d’abord, deux routes principales a) la route conduisant de Gaspé à Murdochville le long de la rivière York et b) une route partant de Gaspé et longeant la rivière St-Jean, au sud de la rivière York, passant par les camps 21, 24, 25 et 26 dans la région où les meurtres furent commis et rejoignant, vers l’ouest, la grande route Gaspé-Murdochville. Il décrivit une route secondaire connue sous le nom de Tom’s Brook Road et reliant la route Gaspé-Murdochville à celle longeant la rivière St-Jean, à l’est de l’endroit où se trouvaient les camps ; il mentionna tout spécialement l’existence d’un grand nombre de sentiers s’enfonçant en forêt à partir de ces diverses routes, sentiers difficilement carrossables pour des automobiles. Monsieur Maurice Hébert et plusieurs autres témoins établirent que sur la route longeant la rivière St-Jean, entre les camps susdits et Gaspé, un pont enjambant la rivière St-Jean avait été emporté par la crue des eaux ; c’est à cet endroit que le 9 juin les chasseurs américains venant de Gaspé avaient tenté de traverser à gué la rivière St-Jean, n’avaient pu réussir à le faire avec leur camionnette et avaient été obligés de se faire dépanner par un groupe de quatre chasseurs, pêcheurs, gardes-chasse ou gardes-pêche qui survinrent sur les lieux ; les trois chasseurs américains avaient alors été obligés de rebrousser chemin, retourner à Gaspé pour aller prendre la route de Gaspé-Murdochville, puis la route secondaire du Tom’s Brook pour se rendre à l’endroit où leur camionnette cessa de fonctionner ; c’est là que le lendemain Wilbert Coffin les rencontra et où fut retrouvée un mois plus tard la camionnette définitivement abandonnée à deux milles environ du premier groupe de camps de bûcherons susdits.
M. Maurice Hébert et tous les témoins furent contre-interrogés par les procureurs de la défense qui eurent toute facilité pour obtenir d’eux les renseignements additionnels qu’ils jugeaient appropriés et nécessaires.
Cette preuve, M. Jacques Hébert ne l’a jamais connue dans son essence ou dans ses détails, puisque, de sa propre admission, il n’a jamais pris, avant la présente enquête, connaissance du dossier conjoint dans lequel toute la preuve était reproduite, et puisqu’il n’a pas pris connaissance non plus des notes des juges de la Cour d’Appel.
Précieusement armé de cette ignorance de la preuve soumise au procès de Coffin, substituant son ignorance des contre-interrogatoires auxquels les divers témoins dont j’ai fait mention furent soumis par les procureurs de la défense à la connaissance que pouvaient avoir eue, lors du procès Coffin, les défenseurs de ce dernier, le tout d’ailleurs avec la même désinvolture et la même outrecuidance que celles qu’il témoigna à l’endroit des juges de nos plus hauts tribunaux, M. Hébert écrivit, dans son deuxième volume, les lignes qui suivent :
(À SUIVRE)