2 mai 2008

L'EXÉCUTION DE COFFIN: DANS LES COULISSES


CHAPITRE 12
L’EXÉCUTION DE COFFIN
Rapport Brossard, volume 3, pages 526 à 532

Au tout début de son volume « J’accuse les assassins de Coffin », à la page 15, après avoir fait une description assez émouvante des derniers moments de Coffin et de l’exécution elle-même, monsieur Hébert, avec infiniment de délicatesse et de charité se livre aux commentaires virulents suivants contre le capitaine Matte :

Pages 15 et 16
« Parmi les témoins se trouvait le capitaine Alphonse Matte de la Police provinciale à qui on avait confié la tâche de trouver le meurtrier des trois chasseurs américains assassinés dans les bois près de Percé. Le capitaine Matte décida un jour que Coffin était le coupable ; puis, avec un sadisme qui relève de la clinique psychiatrique, il s’acharna contre son coupable jusqu’à ce qu’il fut condamné à mort.
Son rôle était pourtant terminé le jour où il livra Coffin à Me Noël Dorion et à Me Paul Miquelon, deux réputés chasseurs de têtes qui ne laisseraient sûrement pas s’échapper un bon suspect de la Couronne.
Belles âmes, vous ne connaissez pas encore le capitaine Matte ! Sachez tout de suite que ce policier consciencieux voulut entendre les derniers hoquets de son pendu : c’était sa récompense.
Sans honte, il quitta la prison par la porte principale et se montra aux curieux rassemblés. Il savourait sa victoire. La veille, il avait déclaré aux journalistes : « La Justice a triomphé ! »

Des accusations injurieuses de monsieur Hébert à l’endroit du capitaine Matte, celle-ci s’avère l’une des plus indécentes.
Une preuve dont l’exactitude est incontestable a établi devant nous ce qui suit :
Depuis longtemps, une ligne de conduite suivie au Ministère du Procureur général veut que les policiers qui ont eu charge de l’enquête, à la suite de laquelle un accusé pour meurtre a été trouvé coupable, assistent à l’exécution et soient témoins à l’enquête du Coroner qui la suit ; ce fut sur les instructions du Ministère du Procureur que les capitaines Matte et Sirois se rendirent à la prison de Bordeaux, peu de temps avant minuit, le soir du 9 février 1956, pour assister, à ces fins uniquement, à l’exécution de Coffin. (Cliquez sur l’image ci-haut et lisez la lettre adressée par la Sûreté provinciale aux capitaines Matte et Sirois leur ordonnant d’assister à l’exécution de Coffin.)
À l’hôtel où ils s’étaient retirés avant de se rendre à la prison, les capitaines Matte et Sirois, en attendant le moment où il leur faudrait se rendre à la prison pour accomplir leur pénible devoir, furent invités par une connaissance du capitaine Sirois, rencontrée au cours de l’après-midi, à s’y faire conduire.
Cet ami du capitaine Sirois, un monsieur O’Dowd, a raconté ce qui s’est passé : Ils arrivèrent tous trois, en automobile, vers les 11.15, 11.30 heures du soir, aux grilles qui donnent sur le long chemin intérieur conduisant du boulevard Gouin aux portes de la prison. Il y avait devant les grilles un certain nombre de curieux : sa voiture ayant été admise à passer par des gardes de faction, il alla conduire les deux officiers de police jusqu’à la porte de la prison, revint à l’extérieur des grilles et stationna son véhicule le long du boulevard ; comme il se sentait « jittery », il décida d’aller se promener en attendant l’heure où ses passagers sortiraient de la prison ; il revint lui-même à la sortie de la prison vers les 1 heure moins quart du matin ; peu de temps après, les deux capitaines arrivèrent à pied.
Il y avait alors assez de monde autour de la grille ; il y avait aussi un certain nombre d’automobiles stationnées le long du boulevard Gouin ; dès qu’il aperçut les deux capitaines, il dirigea sa voiture vers l’entrée ; les deux officiers de police montèrent immédiatement dans sa voiture et ils retournèrent à l’hôtel. Il n’a pas eu connaissance que le capitaine Matte et le capitaine Sirois aient parlé à aucune personne : les piétons qui se trouvaient autour de l’entrée de la prison pouvaient être au nombre de 30 à 40 personnes au plus ; ces gens se tenaient là bien paisiblement, comme des curieux. Il y avait à peu près autant de gens lors du départ vers les 1 heures du matin qu’il y en avait eu lors de l’arrivée vers les 11.30 heures. Il n’a pas eu connaissance que lors du retour des deux officiers de police, il y ait eu quelques démonstrations que ce soit ; personne ne paraît les avoir reconnus : ils étaient tous deux vêtus de complets ordinaires.
D’après M. O’Dowd, lorsque ses passagers et lui retournèrent à l’hôtel, le capitaine Matte et le capitaine Sirois étaient « jittery and depressed » et ne parlaient pas. M. O’Dowd suggéra alors à Raoul Sirois d’aller prendre un verre ; « You might feel better » lui dit-il ; Sirois et lui se rendirent alors à un restaurant de l’autre côté de la rue pour y prendre une consommation, mais le capitaine Matte refusa de les suivre et rentra à l’hôtel.
Les capitaines Matte et Sirois confirmèrent le récit fait de leur voyage à la prison par M. O’Dowd, affirmèrent qu’ils n’avaient nullement demandé aux autorités de les envoyer assister à la pendaison, qu’ils n’y étaient pas allés de grande gaieté de cœur et qu’au contraire le spectacle lugubre qui se déroula sous leurs yeux les laissa abattus et tristes.
Ce fut là « la manière cynique dont le capitaine Matte reçut sa récompense en entendant les derniers hoquets de son pendu et se montra aux curieux rassemblés pour savourer sa victoire et le triomphe de la justice. »
Tout ceci est fort triste, mais triste surtout à cause de l’immensité de l’injustice commise par l’auteur sans aucune raison autre que celle de faire courir une plume trempée dans le vitriol.
Aux faits que je viens de décrire se rattache un incident qui s’est produit devant nous au cours de notre enquête.
Pendant que le capitaine Sirois témoignait, Me Gravel lui exhiba une photo qui s’avéra subséquemment être l’une de celles qu’avait publiées un journal de Toronto le lendemain de la pendaison ; cette photo était celle de deux personnes assises sur le banc d’un fourgon ; la légende au bas de la photo disait que l’une de ces deux personnes était « le capitaine Matte, hirsute, assis dans le fourgon qui transportait le cadavre de Wilbert Coffin ». Après que Me Gravel eût demandé au capitaine Sirois de regarder la photo et de lire la légende, le conseiller juridique de la Commission pria immédiatement Me Gravel de déposer cette photo comme exhibit ; celui-ci s’y refusa carrément et retira la photo des mains de M. Sirois, non sans que le témoin ait eu le temps de déclarer que le capitaine Matte n’apparaissait pas sur la photo. Plutôt que d’être obligé de produire cette photo qu’on devait savoir être accompagnée d’une légende fausse, Me Gravel retira alors les questions qu’il avait posées au capitaine Sirois à son sujet.
Dans l’après-midi, plus tard, le conseiller de la Commission produisit lui-même copies de la même photo et du journal dans lequel elle avait paru et procéda à faire la preuve des faits suivants : la même photo avait été reproduite par un journal de Montréal ; quelques jours après cette production, sur mise en demeure du capitaine Matte, ce journal publia une rétractation et des excuses, expliquant qu’à la suite de faux renseignements (ceux sans doute du journal torontois), on avait affirmé erronément que cette photo représentait le capitaine Matte.
Les deux capitaines affirmèrent tous deux qu’effectivement le capitaine Matte n’apparaissait pas sur cette photo, ce qu’il n’était pas nécessaire de démontrer à la Cour, car la photo n’était manifestement pas celle du capitaine.¸
Cet incident de la photo démontre à quels moyens mesquins et petits, cyniques et injustes peuvent recourir certains journaux pour faire de la sensation et à quels moyens non moins petits et cyniques recourent malheureusement parfois certains avocats pour diminuer des témoins ou des parties contre lesquels ils agissent.
De telles méthodes ne sont ni à l’honneur de ces journaux ni à l’honneur de ces avocats.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Le mythe de l'innocence de Coffin a été créé et alimenté par des gens qui vouaient à Duplessis une haine incontrôlable. Hébert était de ceux-là. Au point de perdre son objectivité et de transformer sa plume de journaliste en plume de romancier.