Jacques Hébert
Le couteau ayant appartenu
au jeune Lindsey et la pompe
toute neuve que Coffin avait
achetée pour réparer la
camionnette des chasseurs
américains. La Police provinciale
a retrouvé ces objets dans l'appartement de la maîtresse de
Coffin à Montréal.
ALIBIBI DE THOMPSON ET LE TÉMOIGNAGE DE RÉGIS QUIRION DANS L’AFFAIRE COFFIN
L' INCIDENT THOMPSON
L’arrêté en conseil a donné mandat à la Commission de faire enquête « sur la crédibilité des déclarations faites par Francis Thompson à la police de Miami, en novembre 1958 ».
Pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, la Commission a donc enquêté sur tous les aspects de ce curieux incident et elle a, sur ce seul sujet entendu 36 témoins et recueilli 66 exhibits.
L’étude de la matière suggère la division suivante :
I – LA PERSONNALITÉ DE FRANCIS GABRIEL THOMPSON;
II – LES ÉVÈNEMENTS DE MIAMI;
III- LE VOYAGE DU NOTAIRE J. CONRAD MOREAU;
IV – L’ALIBI DE THOMPSON
V – LA CRÉDIBILITÉ DE THOMPSON
VI – CONCLUSIONS
NOTA NE MANQUEZ PAS CE CHAPITRE DU RAPPORT BROSSARD SUR LE VOYAGE DU NOTAIRE MOREAU À MIAMI. C’EST ROCAMBOLESQUE VOIRE ÉPOUSTOUFLANT… UN ROMAN TORDANT! DU JACQUES HÉBERT A SON MEILLEUR!
B) LES INTERROGATOIRES DE WILBERT COFFIN, MARION PETRIE ET LEWIS SINNETT ;
C) LE CAS DE VINCENT PATTERSON;
L' INCIDENT THOMPSON
L’arrêté en conseil a donné mandat à la Commission de faire enquête « sur la crédibilité des déclarations faites par Francis Thompson à la police de Miami, en novembre 1958 ».
Pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, la Commission a donc enquêté sur tous les aspects de ce curieux incident et elle a, sur ce seul sujet entendu 36 témoins et recueilli 66 exhibits.
L’étude de la matière suggère la division suivante :
I – LA PERSONNALITÉ DE FRANCIS GABRIEL THOMPSON;
II – LES ÉVÈNEMENTS DE MIAMI;
III- LE VOYAGE DU NOTAIRE J. CONRAD MOREAU;
IV – L’ALIBI DE THOMPSON
V – LA CRÉDIBILITÉ DE THOMPSON
VI – CONCLUSIONS
NOTA NE MANQUEZ PAS CE CHAPITRE DU RAPPORT BROSSARD SUR LE VOYAGE DU NOTAIRE MOREAU À MIAMI. C’EST ROCAMBOLESQUE VOIRE ÉPOUSTOUFLANT… UN ROMAN TORDANT! DU JACQUES HÉBERT A SON MEILLEUR!
B) LES INTERROGATOIRES DE WILBERT COFFIN, MARION PETRIE ET LEWIS SINNETT ;
C) LE CAS DE VINCENT PATTERSON;
E) LES DEUX PRISONNIERS QUE L’ON AURAIT INCITÉS À TÉMOIGNER CONTRE COFFIN.
PARTIE VI, VOL. 2, CHAPIRE 1, EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
L' INCIDENT THOMPSON
-IV-
L’alibi de Thompson
Au soutien de la rétractation de sa confession, Thompson a affirmé qu’à l’époque du meurtre des chasseurs américains, vers le 12 juin 1953, il vivait et travaillait à Toronto.
La Commission s’est attachée à vérifier l’exactitude de cette affirmation, mais l’on conçoit qu’il n’est pas facile onze années après l’événement, de tenter d’apporter une réponse précise à cette question, d’autant plus que le genre de vie que menait Thompson et les personnes auxquelles il s’associait ne permettent guère d’effectuer une recherche exacte.
Par suite, plus particulièrement, de la destruction des dossiers ou des immeubles, les vérifications n’ont pu donner aucun résultat à l’Armée du Salut, la Commission d’assurance chômage, l’Hôpital Sunny Brook, Child’s Restaurant, Accurate Distributing Co. Et Sparkling Laundry.
Cependant l’enquête devant la Commission a d’abord confirmé la version de Thompson à l’effet que, sous le nom de Frank Gilbert, il avait travaillé au Pickfair Restaurant, à Toronto, du 8 mars au 1er avril 1953. Fait important, il avait alors connu William Charles Craddock qui avait travaillé au même endroit du 19 mars au 12 avril.
Quelques semaines plus tard, d’après Thompson, les deux compagnons se retrouvaient au même emploi : Mercury Distributing Co., 77 Ossington, Toronto, sous la direction d’Arnold Murphy, qui boitait d’une jambe. Thompson a ajouté qu’il avait vécu en chambre avec Craddock durant le début de l’été, sur la rue Jarvis, chez un couple de langue française qui avait un bébé d’environ un an. Il se souvenait également d’un autre compagnon de travail, dont le sobriquet était Smittie.
Or tous ces faits ont été corroborés, avec une certitude raisonnable, par tous les témoins concernés. Seul Arnold Murphy n’a pas pu reconnaître affirmativement Thompson quand il l’a vu, mais il a reconnu une photographie de Thompson de l’époque et il a également dû admettre l’exactitude de plusieurs petits faits que Thompson lui a rappelés. Murphy l’avait connu sous le nom de Gilbert.
William Charles Craddock et Walter Valentine Smith (Smittie) ont aussi reconnu Thompson. Smith n’avait jamais su son nom, mais Craddock, qui avait partagé une chambre avec lui durant quelques semaines, le connaissait comme Frank Gilbert. De plus, Craddock a rappelé que le couple où l’on chambrait ne parlait pas l’anglais – lui-même ne parle pas le français – et avait un bébé.
Enfin, Monsieur Albert Montpetit, qui avait vécu dans ce logement de la rue Jarvis de 1951 à 1953, y est retourné vers le milieu d’avril 1953 et se souvient que le logement était alors occupé par un jeune couple de langue française qui avait un bébé d’environ un an.
La preuve, même si elle n’est peut-être pas absolument parfaite, a révélé d’une façon qui n’est pas sérieusement contestable qu’en fin de mai, juin et début de juillet 1953, Thompson vivait et travaillait à Toronto.
Aurait-il cependant, pendant cette période, quitté Toronto pou se rendre en Gaspésie et participer au meurtre des chasseurs américains, et revenir ensuite à Toronto continuer son travail pour Mercury Distributing Co.?
Nul ne peut affirmer aujourd’hui que la chose soit impossible; mais elle est pour le moins hautement improbable, entre autres pour les motifs suivants :
a) Thompson affirme n’avoir pas quitté Toronto de février à décembre 1953;
b) Craddock, qui chambrait avec Thompson, affirme qu’il a régulièrement travaillé avec celui-ci, sortait souvent avec lui le soir et ne croit pas qu’il ait pu quitter Toronto, à l’époque, pour plus que peut-être une fin de semaine;
c) Rien n’indique que, de Toronto, Thompson aurait eu vent de la venue de deux chasseurs de Pennsylvanie à Gaspé;
d) Le voyage de Toronto à Gaspé et retour représente une distance de quelque deux mille milles, qui aurait entraîné une absence prolongée de Toronto par Thompson;
e) Celui-ci n’avait pas de revenu lui permettant de se payer ce voyage, à moins qu’il l’ait fait « sur le pouce », ce qui se concilie difficilement avec une entreprise organisés d’avance pur une date fixe en Gaspésie.
f) On s’expliquerait mal le retour de Thompson à Toronto après le crime.
Il est vrai que, dans son deuxième volume, page 166, Monsieur Jacques Hébert se réfère à un certain Régis Quirion qui, ayant rencontré deux Américains en jeep au début de l’été 1953, aurait donné à Monsieur Hébert de « nouvelles précisions », plus particulièrement :
« L’un des deux ressemblait étrangement à la photo de Thompson (voir chapitre 16) que j’ai vu dans le journal au moment de la fameuse affaire Thompson. J’avais pris la peine d’aller au bureau de poste pour voir un journal où il y aurait cette photo. »
La Commission a fait comparaître ce Monsieur Régis Quirion. Il a déclaré qu’il avait été interviewé il y a plusieurs années, par Monsieur Henri Doyon, accompagné d’un autre homme non identifié. Monsieur Doyon lui exhiba un portrait paru dans un journal et lui déclara qu’il s’agissait de la photographie de Thompson.
A ce sujet, le témoignage de Quirion devant la Commission a pris une allure plutôt étrange. D’une part, en effet, il a répondu que le portrait exhibé par Monsieur Doyon ressemblait à l’un des hommes qu’il avait vus dans la jeep américaine. Du même souffle cependant il a aussi témoigné qu’ « n’avait jamais vu ce gars-là », et il a ajouté, en réponse à des questions du conseiller juridique de la Commission :
« Q. Est-ce que vous aviez déjà vu ce portrait-là, avant que monsieur Doyon vous le montre?
R. non.
Q. Vous ne l’aviez pas vu dans les journaux, dans le temps?
R. Non.
Q. Quand ce portrait-là avait paru dans les journaux, vous n’étiez pas allé au bureau de poste, même, pour aller voir ça au bureau de poste, pour voir si vous ne reconnaissiez pas cet homme-là?
R. Je ne recevais pas les journaux; je n’aurais pas pu le voir.
Q. Vous ne receviez pas les journaux, mais vous n’aviez pas fait un voyage spécial pour aller voir ça?
R. Non.
Q. Non
R. Non. »
De plus, mis en présence de trois séries de photographies où apparaissaient diverses photos de Thompson, dont une prise le 3 juillet 1952, Régis Quirion n’en a reconnu aucune; même après avoir été averti par le conseiller juridiques de la Commission que la photographie de Thompson (prise en juillet 1952) s’y trouvait, il a persisté dans sa dénégation catégorique :
« Q. Je vous donne une chance et je vous dis que Thompson est là.
R. Non, moi je ne le reconnais pas là-dessus.
Q. Prenez votre temps.
R. Le gars que j’ai vu n’est pas là-dessus. »
Au surplus, quand on tient compte que, pour des motifs que nous avons exposés ailleurs, ce témoin est très fortement sujet à caution, la Commission ne saurait retenir son témoignage pour infirmer la preuve que nous venons de résumer.
Sur le tout, la Commission conclut qu’il existe une certitude raisonnable qu’à l’époque du meurtre des chasseurs américains, Thompson se trouvait à Toronto. (À SUIVRE)
PARTIE VI, VOL. 2, CHAPIRE 1, EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
L' INCIDENT THOMPSON
-IV-
L’alibi de Thompson
Au soutien de la rétractation de sa confession, Thompson a affirmé qu’à l’époque du meurtre des chasseurs américains, vers le 12 juin 1953, il vivait et travaillait à Toronto.
La Commission s’est attachée à vérifier l’exactitude de cette affirmation, mais l’on conçoit qu’il n’est pas facile onze années après l’événement, de tenter d’apporter une réponse précise à cette question, d’autant plus que le genre de vie que menait Thompson et les personnes auxquelles il s’associait ne permettent guère d’effectuer une recherche exacte.
Par suite, plus particulièrement, de la destruction des dossiers ou des immeubles, les vérifications n’ont pu donner aucun résultat à l’Armée du Salut, la Commission d’assurance chômage, l’Hôpital Sunny Brook, Child’s Restaurant, Accurate Distributing Co. Et Sparkling Laundry.
Cependant l’enquête devant la Commission a d’abord confirmé la version de Thompson à l’effet que, sous le nom de Frank Gilbert, il avait travaillé au Pickfair Restaurant, à Toronto, du 8 mars au 1er avril 1953. Fait important, il avait alors connu William Charles Craddock qui avait travaillé au même endroit du 19 mars au 12 avril.
Quelques semaines plus tard, d’après Thompson, les deux compagnons se retrouvaient au même emploi : Mercury Distributing Co., 77 Ossington, Toronto, sous la direction d’Arnold Murphy, qui boitait d’une jambe. Thompson a ajouté qu’il avait vécu en chambre avec Craddock durant le début de l’été, sur la rue Jarvis, chez un couple de langue française qui avait un bébé d’environ un an. Il se souvenait également d’un autre compagnon de travail, dont le sobriquet était Smittie.
Or tous ces faits ont été corroborés, avec une certitude raisonnable, par tous les témoins concernés. Seul Arnold Murphy n’a pas pu reconnaître affirmativement Thompson quand il l’a vu, mais il a reconnu une photographie de Thompson de l’époque et il a également dû admettre l’exactitude de plusieurs petits faits que Thompson lui a rappelés. Murphy l’avait connu sous le nom de Gilbert.
William Charles Craddock et Walter Valentine Smith (Smittie) ont aussi reconnu Thompson. Smith n’avait jamais su son nom, mais Craddock, qui avait partagé une chambre avec lui durant quelques semaines, le connaissait comme Frank Gilbert. De plus, Craddock a rappelé que le couple où l’on chambrait ne parlait pas l’anglais – lui-même ne parle pas le français – et avait un bébé.
Enfin, Monsieur Albert Montpetit, qui avait vécu dans ce logement de la rue Jarvis de 1951 à 1953, y est retourné vers le milieu d’avril 1953 et se souvient que le logement était alors occupé par un jeune couple de langue française qui avait un bébé d’environ un an.
La preuve, même si elle n’est peut-être pas absolument parfaite, a révélé d’une façon qui n’est pas sérieusement contestable qu’en fin de mai, juin et début de juillet 1953, Thompson vivait et travaillait à Toronto.
Aurait-il cependant, pendant cette période, quitté Toronto pou se rendre en Gaspésie et participer au meurtre des chasseurs américains, et revenir ensuite à Toronto continuer son travail pour Mercury Distributing Co.?
Nul ne peut affirmer aujourd’hui que la chose soit impossible; mais elle est pour le moins hautement improbable, entre autres pour les motifs suivants :
a) Thompson affirme n’avoir pas quitté Toronto de février à décembre 1953;
b) Craddock, qui chambrait avec Thompson, affirme qu’il a régulièrement travaillé avec celui-ci, sortait souvent avec lui le soir et ne croit pas qu’il ait pu quitter Toronto, à l’époque, pour plus que peut-être une fin de semaine;
c) Rien n’indique que, de Toronto, Thompson aurait eu vent de la venue de deux chasseurs de Pennsylvanie à Gaspé;
d) Le voyage de Toronto à Gaspé et retour représente une distance de quelque deux mille milles, qui aurait entraîné une absence prolongée de Toronto par Thompson;
e) Celui-ci n’avait pas de revenu lui permettant de se payer ce voyage, à moins qu’il l’ait fait « sur le pouce », ce qui se concilie difficilement avec une entreprise organisés d’avance pur une date fixe en Gaspésie.
f) On s’expliquerait mal le retour de Thompson à Toronto après le crime.
Il est vrai que, dans son deuxième volume, page 166, Monsieur Jacques Hébert se réfère à un certain Régis Quirion qui, ayant rencontré deux Américains en jeep au début de l’été 1953, aurait donné à Monsieur Hébert de « nouvelles précisions », plus particulièrement :
« L’un des deux ressemblait étrangement à la photo de Thompson (voir chapitre 16) que j’ai vu dans le journal au moment de la fameuse affaire Thompson. J’avais pris la peine d’aller au bureau de poste pour voir un journal où il y aurait cette photo. »
La Commission a fait comparaître ce Monsieur Régis Quirion. Il a déclaré qu’il avait été interviewé il y a plusieurs années, par Monsieur Henri Doyon, accompagné d’un autre homme non identifié. Monsieur Doyon lui exhiba un portrait paru dans un journal et lui déclara qu’il s’agissait de la photographie de Thompson.
A ce sujet, le témoignage de Quirion devant la Commission a pris une allure plutôt étrange. D’une part, en effet, il a répondu que le portrait exhibé par Monsieur Doyon ressemblait à l’un des hommes qu’il avait vus dans la jeep américaine. Du même souffle cependant il a aussi témoigné qu’ « n’avait jamais vu ce gars-là », et il a ajouté, en réponse à des questions du conseiller juridique de la Commission :
« Q. Est-ce que vous aviez déjà vu ce portrait-là, avant que monsieur Doyon vous le montre?
R. non.
Q. Vous ne l’aviez pas vu dans les journaux, dans le temps?
R. Non.
Q. Quand ce portrait-là avait paru dans les journaux, vous n’étiez pas allé au bureau de poste, même, pour aller voir ça au bureau de poste, pour voir si vous ne reconnaissiez pas cet homme-là?
R. Je ne recevais pas les journaux; je n’aurais pas pu le voir.
Q. Vous ne receviez pas les journaux, mais vous n’aviez pas fait un voyage spécial pour aller voir ça?
R. Non.
Q. Non
R. Non. »
De plus, mis en présence de trois séries de photographies où apparaissaient diverses photos de Thompson, dont une prise le 3 juillet 1952, Régis Quirion n’en a reconnu aucune; même après avoir été averti par le conseiller juridiques de la Commission que la photographie de Thompson (prise en juillet 1952) s’y trouvait, il a persisté dans sa dénégation catégorique :
« Q. Je vous donne une chance et je vous dis que Thompson est là.
R. Non, moi je ne le reconnais pas là-dessus.
Q. Prenez votre temps.
R. Le gars que j’ai vu n’est pas là-dessus. »
Au surplus, quand on tient compte que, pour des motifs que nous avons exposés ailleurs, ce témoin est très fortement sujet à caution, la Commission ne saurait retenir son témoignage pour infirmer la preuve que nous venons de résumer.
Sur le tout, la Commission conclut qu’il existe une certitude raisonnable qu’à l’époque du meurtre des chasseurs américains, Thompson se trouvait à Toronto. (À SUIVRE)