Article paru dans
La Mémoire, été 2018, no 148, la revue de La Société d’histoire et
de généalogie des Pays-d’en-Haut.
L’ADN et ses secrets
: bien-être, traits et statut de porteur
de maladies génétiques héréditaires
Par Me Clément
Fortin, avocat à la retraite
Dans un article
intitulé Des gènes britanniques chez des
Canadiens français : une énigme de la généalogie génétique publié dans
La Mémoire, été 2018, no 147,
j’ai fait rapport de trois tests d’ADN que j’avais commandés aux
laboratoires MyHeritage, 23andMe et Ancestry DNA. De ces trois laboratoires,
seul 23andMe, moyennant un
supplément, offrait de pousser plus loin l’analyse de ma salive pour me
communiquer les rapports suivants : sur les risques génétiques pour la santé, sur
le bien-être, sur les traits et sur le statut de porteur de maladies génétiques
héréditaires.
La
curiosité m’a incité à poursuivre ma recherche. En versant le supplément exigé,
on m’a communiqué ces rapports. Il n’est pas possible ni utile de vous en
transmettre tous les éléments. On s’exprime dans la langue médicale. Ceci est tout à fait légitime, mais dépasse mes
compétences. Néanmoins, je vais tenter
de vous rapporter les éléments qui me concernent. Si certains mots
soulèvent des interrogations dans votre esprit, Internet vous en communiquera
la définition et même davantage.
Ces rapports n'incluent pas tous les
variants[i]
génétiques possibles susceptibles d'affecter ces conditions (risques
génétiques pour la santé, bien-être, porteur de maladies génétiques
héréditaires). D'autres facteurs
peuvent affecter le risque de développer ces conditions, notamment le mode de
vie, l'environnement et les antécédents familiaux. Le génome de chacun de nous comprend des millions
de variations génétiques qui rendent chaque personne unique. Certaines variations
contribuent à des différences entre les humains, comme la couleur des yeux et
le groupe sanguin. Un petit nombre de variants ont été liés à la maladie. La
plupart des variants ont des effets inconnus.
Tous les humains se partagent 99,5 %
de tout l'ADN ; c'est le 0,5 % qui fait toute la différence. Le séquençage de
l’ADN identifie les variants d’un individu en comparant sa séquence d’ADN à celle
d’un génome de référence conservé par le Genome Reference Consortium (GRC). Je
vous invite à poursuivre cette étude en cliquant sur le lien en fin de
document.[ii]
Rapports sur les risques de santé génétique
Lorsque j’ai pris la décision de
commander ces rapports, je me suis dit qu’à mon âge, rien ne pourrait me faire
peur, et certainement pas mes gènes ! Toutefois, malgré cette bravade, il
subsiste toujours une interrogation fébrile. Par chance, les rapports sur les
risques génétiques pour ma santé n’ont rien d’alarmant. Ceux-ci ne signalent
que deux variants : le premier, sans risque accru, et le second, avec un
risque légèrement accru. Et si je tenais ce dernier de ma mère, décédée à l’âge de 93 ans ?
Comme il m’est impossible de donner
une définition de chaque maladie faisant l’objet d’une analyse génétique, je
vous suggère d’interroger Internet. Vous n’avez qu’à taper le nom de la maladie
qui vous intéresse dans un moteur de recherche et vous obtiendrez toute
l’information pertinente.
Voici les deux rapports de risques
génétiques pour ma santé qui me sont communiqués :
Hémochromatose héréditaire (liée au HFE) – Variant détecté, sans risque
accru
Maladie génétique
caractérisée par une hyper absorption intestinale de fer, l'hémochromatose
entraîne des dépôts de fer dans l’organisme qui détruisent peu à peu les organes.
On estime qu'une personne sur 300 est porteuse de la principale anomalie
génétique prédisposant à l'apparition de cette pathologie, les hommes étant
trois fois plus touchés que les femmes. C'est aujourd'hui la maladie génétique
pour laquelle le nombre de sujets prédisposés est le plus important en
occident. De l’ordre de 200 000 personnes seraient porteuses de cette
prédisposition génétique en France, 2 200 000 en Europe et 2 millions aux
États-Unis.[iii]
Thrombophilie héréditaire – Risque légèrement accru
Le terme
thrombophilie désigne l'état de patients qui présentent une prédisposition
particulière aux thromboses. Il recouvre deux situations médicales différentes
: soit une pathologie générale favorisant l’apparition de thrombose. Ces
manifestations thrombotiques se manifestent essentiellement au niveau veineux.[iv]
Dégénérescence
maculaire liée à l'âge Variants
non détectés
Carence en alpha-1
antitrypsine Variants non détectés
BRCA1 / BRCA2
(variants sélectionnés) Variants
non détectés
Maladie cœliaque Variants non détectés
Déficit en G6PD Variants non détectés
Maladie d'Alzheimer
à début tardif Variants non détectés
La maladie de
Parkinson Variants non détectés
Rapports sur mon bien-être
Ces rapports me
suggèrent de découvrir comment mon ADN peut affecter les réactions de mon corps
au régime alimentaire, à l’exercice physique et au sommeil. On me rappelle
qu’ils ont pour but de m’inciter à mieux équilibrer mon régime alimentaire et
mon mode de vie.
Je
suis surpris de constater avec quelle précision un peu de salive permet à ces
laboratoires de recherche d’ADN de me décrire dans les moindres détails.
Consommation de caféine Susceptible de consommer moins
Sommeil profond Non déterminé
Poids génétique Prédisposé à peser environ la moyenne
Allergique au lait Probablement tolérant
Composition musculaire Commun chez les athlètes de pouvoir
d'élite
Graisse saturée et poids Poids
similaire probable
Mouvement du sommeil Probablement plus que la moyenne
des mouvements
Rapports
sur mes traits
Dans ce contexte, on entend par trait
une marque distinctive permettant de reconnaître quelqu’un. On peut trouver,
par exemple, que le père et le fils ont de nombreux traits communs. Ces
rapports me suggèrent plus d’une trentaine de traits distinctifs. Je n’en
retiens que quelques-uns, car je reconnais qu’ils me collent à la peau. Et
qu’ils correspondent à ce que je consomme, à mon poids, à la couleur de mes
yeux, à mon odorat qui détecte des odeurs d’asperge, etc. J’ai le gros orteil
plus long et n’ai pas de fossettes aux joues, ni de fente au menton…
Détection des odeurs d'asperges Probablement
peut sentir
Fossettes aux joues Probablement pas de fossettes
Fente du menton Probablement
pas de fente au menton
Type de lobe d'oreille Lobes d'oreilles probablement
détachés
Perte de cheveux précoce Perte de cheveux probable
Type de cérumen Cire d'oreille probablement humide
Couleur des yeux Probablement des yeux
bleus ou verts
Vertige Moins
susceptible d'avoir peur des hauteurs
Ratio de longueur des doigts Probablement l'annulaire plus long
Taches de rousseur Probablement petites
taches de rousseur
Texture des cheveux Probablement droit ou ondulé
Fréquence des piqûres de
moustiques Probablement
mordu aussi souvent que
les
autres
Réflexe d'éternuement
photique Probablement
pas de réflexe d'éternuement
photique
Pigmentation de la peau Probablement une peau plus claire
Rapport de longueur d'orteils Probablement le gros orteil plus long
Rapports sur mon statut de porteur
Ces
44 rapports me permettent de découvrir si je suis porteur de maladies génétiques
héréditaires que je pourrais transmettre à ma postérité. Étant donné
l’évolution de la génétique, personnellement, je me soumettrais à ce test d’ADN
avant d’engendrer un enfant.
Lorsqu’il
est indiqué « Variant non détecté », cela signifie que je ne suis pas
porteur d’un variant qui a été soumis à un test. Je vous signale que les
rapports sur le statut des porteurs couvrent de nombreux variants, mais ils
n'incluent pas tous les variants possibles associés à chaque condition. Il est
donc toujours possible d'être porteur d'un variant non inclus dans le test.
J’ai été tenté de raccourcir cette
énumération de maladies génétiques héréditaires. Après réflexion, j’ai décidé
de ne rien biffer, car pour moi, il s’agit de la partie la plus importante de
ce test d’ADN. Voilà un champ de recherche dont les résultats éventuels pourraient
soulager bien des souffrances sur cette terre. Je vous rappelle qu’aux besoins,
Internet vous décrira chacune de ces misères.
Fièvre
méditerranéenne familiale (nouveau) Variant non détecté
ARSACS Variant non détecté
L’ARSACS (ataxie
récessive spastique autosomique de Charlevoix-Saguenay) est une maladie
infantile neurologique héréditaire, évolutive et invalidante dont les premiers
symptômes apparaissent chez l’enfant vers deux à cinq ans. À ces âges, les capacités motrices
de l’enfant sont déjà affectées.[v]
Agénésie du corps calleux avec neuropathie
périphérique Variant non détecté Variant
non détecté
Polykystose rénale autosomique
récessive Variant non détecté
Bêta-thalassémie et hémoglobinopathies
connexes Variant non détecté Variant
non détecté
Syndrome de Bloom Variant non détecté
Maladie de Canavan Variant non détecté
Trouble congénital de la glycosylation
de type Variant
non détecté
1a (PMM2-CDG)
Fibrose kystique Variant non détecté
Déficit en protéines bifonctionnelles Variant
non détecté
Déficit en dihydrolipoamide
déshydrogénase Variant non
détecté
Dysautonomie familiale Variant non détecté
Hyperinsulinisme familial (lié à
ABCC8) Variant non détecté
Anémie de Fanconi groupe C Variant non détecté
Syndrome GRACILE Variant non détecté
Maladie de Gaucher de type 1 Variant non détecté
Maladie de stockage du glycogène de
type Ia Variant non détecte
Maladie de stockage du glycogène de
type Ib Variant non détecté
Intolérance héréditaire au fructose Variant non détecté
Épidermolyse bulleuse jonctionnelle de
Herlitz Variant
non détecté
Syndrome
de Leigh, type canadien-français Variant non détecté
Dystrophie
musculaire des ceintures des
membres,
type 2D Variant non détecté Variant non détecté
Dystrophie
musculaire des ceintures-type 2E Variant
non détecté
Dystrophie musculaire
des ceintures-type 2I Variant non
détecté
Déficit
en MCAD (voyez ma conclusion.) Variant non détecté
Urine
de type sirop d'érable de type 1B Variant non détecté
Mucolipidose
de type IV Variant non détecté
Lipofuscinose
cérébrale neuronale (liée à CLN5) Variant
non détecté
Lipofuscinose
cérébrale neuronale (liée à PPT1) Variant
non détecté
Maladie
de Niemann-Pick de type A Variant non détecté
Syndrome
de rupture de Nimègue Variant non détecté
Déficience
auditive non syndromique et surdité, Variant non détecté
DFNB1
(GJB2-Related)
Syndrome
de Pendred et perte auditive DFNB4 Variant
non détecté
(liée
à SLC26A4)
Phénylcétonurie
et troubles connexes Variant non détecté
Hyperoxalurie
primaire de type 2 Variant non détecté
Chondrodysplasie
Ponctata Rhizomélique Type 1 Variant
non détecté
Maladie
de Salla Variant non détecté
L'anémie
falciforme Variant non détecté
Syndrome
de Sjögren-Larsson Variant non détecté
La
maladie de Tay-Sachs Variant non détecté
Tyrosinémie
de type I Variant non détecté
Syndrome
d'Usher de type 1F Variant non détecté
Syndrome
d'Usher de type 3A Variant non détecté
Spectre
du syndrome de Zellweger (lié à PEX1) Variant
non détecté
Je connais une fillette, Klaudia,
qui souffre du déficit en MCAD. Ayant tapé le nom de cette maladie dans le
moteur de recherche de Google, voici ce que j’ai obtenu comme
information :
Le
déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (en anglais
Medium-chain acyl coenzyme A dehydrogenase deficiency), souvent connu sous le
nom de déficience en MCAD ou MCADD, est un trouble de l'oxydation des acides
gras qui compromet la capacité du corps à décomposer les chaînes des acides
gras moyennes Acyl-CoA vers l'Acétyl-CoA. Le trouble est caractérisé par
l'hypoglycémie et la mort subite sans une intervention rapide, le plus souvent
provoquée par des périodes de jeûne ou de vomissement. Avant l'élargissement
des dépistages des nouveau-nés, via le test néonatal du buvard, la MCADD était
une cause de mort subite chez les nourrissons la plus souvent
sous-diagnostiquée. Les personnes identifiées avant l'apparition des symptômes
ont un excellent pronostic.[vi]
La découverte de cette maladie
permet d’éviter le phénomène de la mort subite des poupons, inexplicable à une
autre époque. Par bonheur, les parents de Klaudia ont été vigilants et ont
pourvu à ses besoins au plus tôt. Sa maladie ayant été identifiée dès le début,
elle peut vivre normalement. À moins qu’on découvre un traitement miraculeux, cette
déficience l’accompagnera le reste de ses jours. Vous comprendrez que ce sujet
d’étude me touche vivement. Cette enfant chérie fait partie de ma famille.
Un questionnaire que 23andMe m’a
demandé de remplir comportait une question sur mon origine ethnique. Pour
m’identifier, je devais cocher la case Canadien français. En analysant la liste
des maladies génétiques héréditaires, j’ai compris pourquoi. Vous y trouverez,
entre autres choses, le syndrome de Leigh, de type canadien-français. Voici
quelques mots d’explication :
Des
chercheurs de l’Institut et Hôpital neurologique de Montréal (le Neuro), de
l’Université McGill, ont découvert une mutation génétique sous-jacente à la
forme tardive du syndrome de Leigh, un rare trouble métabolique héréditaire qui
se caractérise par la dégénérescence du système nerveux central.
Les
chercheurs du laboratoire du Pr Shoubridge au Neuro ont été les premiers à
découvrir le gène en cause dans la forme la plus courante du syndrome de Leigh
et ils étudient maintenant diverses formes de la maladie. Cela comprend
notamment la forme canadienne-française fréquente dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, associée à une mutation génétique différente, mais
comportant le même défaut biochimique, ainsi qu’à une présentation similaire à
la forme examinée dans cette étude.[vii]
J’ai survolé un sujet intéressant et
même passionnant. Les recherches effectuées par les grands laboratoires de
génétique permettent de plus en plus de détecter des maladies génétiques héréditaires
et d’en prévenir la propagation. Ils offrent maintenant des outils de plus en
plus précis lesquels s’imposeront comme obligatoires.
À la fin, je me sens rassuré qu’on
n’ait détecté à mon égard aucun variant dans cette liste de maladies génétiques
héréditaires. Pour autant, j'éprouve beaucoup de peine d'apprendre que des amis
en sont atteints.
[i]
LAROUSSE Biochimie
Substance dérivant
d'une substance originelle par mutation.
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