La déclaration statutaire de Coffin
LA CRÉDIBILITÉ DE THOMPSON DANS L’AFFAIRE COFFIN
PARTIE VI, VOL. 2, CHAPIRE 1, EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
L' INCIDENT THOMPSON
L’arrêté en conseil a donné mandat à la Commission de faire enquête « sur la crédibilité des déclarations faites par Francis Thompson à la police de Miami, en novembre 1958 ».
Pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, la Commission a donc enquêté sur tous les aspects de ce curieux incident et elle a, sur ce seul sujet entendu 36 témoins et recueilli 66 pièces à conviction.
L’étude de la matière suggère la division suivante :
I – LA PERSONNALITÉ DE FRANCIS GABRIEL THOMPSON;
II – LES ÉVÈNEMENTS DE MIAMI;
III- LE VOYAGE DU NOTAIRE J. CONRAD MOREAU;
IV – L’ALIBI DE THOMPSON
V – LA CRÉDIBILITÉ DE THOMPSON
VI – CONCLUSIONS
NOTA NE MANQUEZ PAS CE CHAPITRE DU RAPPORT BROSSARD SUR LE VOYAGE DU NOTAIRE MOREAU À MIAMI. C’EST ROCAMBOLESQUE, VOIRE ÉPOUSTOUFLANT… UN ROMAN TORDANT! DU JACQUES HÉBERT A SON MEILLEUR!
B) LES INTERROGATOIRES DE WILBERT COFFIN, MARION PETRIE ET LEWIS SINNETT ;
C) LE CAS DE VINCENT PATTERSON;
E) LES DEUX PRISONNIERS QUE L’ON AURAIT INCITÉS À TÉMOIGNER CONTRE COFFIN.
-V-
La crédibilité de Thompson
Après ce long périple, on arrive enfin à la question cruciale : quelle créance faut-il donner aux déclarations faites par Thompson à la police de Miami?
Évidemment, si l’on accepte l’alibi de Thompson, la réponse s’impose d’elle-même. Mais comme il n’existe pas de certitude absolue sur ce sujet, il importe d’examiner la question à son mérite, abstraction faite de cet alibi.
La confession de Thompson avait-elle une valeur quelconque en elle-même? Faut-il plutôt lui préférer sa rétractation? Que valent alors les explications de Thompson?
Notons, en guise de préliminaires, que Thompson n’a pas trop bonne presse auprès de ceux qui l’ont connu.
Warren Holmes, de Miami, a déclaré sans ambages qu’il ne croirait pas Thompson, même sous serment.
Son oncle, Moise Thompson, a déclaré devant la Commission que celui-ci est un menteur.
Sa sœur, Madame Cecilia Square, a raconté qu’un jour Thomson lui avait téléphoné de Toronto et n’avait finalement donné son nom véritable – pour permettre à sa sœur d’accepter les frais de l’appel – qu’après s’être inscrit sous deux noms d’emprunt différents; et c’était sa propre sœur qu’il appelait.
Par ailleurs, il a déclaré à la police de Miami qu’il lisait le français, mais ne pouvait pas lire l’anglais; la preuve devant la Commission a révélé que l’inverse était vrai.
Évidemment, cette propension de Thompson à plier la vérité à son caprice doit être tenue en ligne de compte vis-à-vis sa rétractation tout autant que sa confession même et il faudra faire appel à des éléments externes de corroboration pour essayer de faire le point. Mais nous commencerons par examiner la confession en elle-même.
À première vue, la confession de Thompson frappe l’imagination, car elle contient des références à des faits qui ont un rapport indiscutable avec le meurtre des chasseurs américains : meurtre à la carabine de deux chasseurs, père et fils, dans une région boisée à une certaine distance de Gaspé, vol d’environ $600.00 en argent sur la personne des victimes, ainsi que d’une bouteille thermos et d’une carabine, transport dans une jeep.
Mais si l’on fait, de cette confession non plus une simple lecture superficielle, mais une analyse réfléchie, on se rend compte que le véritable meurtrier ne pouvait pas ignorer des choses que Thompson passe sous silence, ni surtout commettre les erreurs flagrantes dont il se rend coupable. Par exemple, pour n’en relever que les plus importantes :
a) Les meurtres ont été commis en juin, non en septembre ou octobre;
b) L’événement est survenu dans la province de Québec, non dans le Nouveau-Brunswick;
c) La scène s’est passée à quelque 60 milles, non 20 milles de Gaspé;
d) Il n’y a pas eu de vol de jeep à Gaspé, à l’époque;
e) Il y a eu trois victimes, et non deux;
f) Il y avait, aux deux endroits concernés, plusieurs cabanes en bois, et non pas l’unique cabane de planches à laquelle Tompson se réfère avec certitude;
g) Plusieurs autres articles furent dérobés aux chasseurs, outre ceux que Thompson mentionne, dont le fameux couteau à usages multiples.
Il faudrait disserter longtemps pour expliquer que ces lacunes et, malgré leur constatation, relie Thompson par sa « confession » aux meurtres des chasseurs américains. Dans le chapitre 16 de son deuxième volume monsieur Jacques Hébert fait un effort considérable en ce sens. Malheureusement, il a admis devant la Commission qu’il n’avait pas vu lui-même le texte des aveux de Thompson : la police de Miami ne le lui avait pas montré. Plus tard cependant il en aurait obtenu un résumé de Monsieur Henri Doyon. Mais laissons plutôt parler monsieur Hébert :
« D À quel moment en avez-vous pris connaissance de ce questionnaire?
R J’en ai pris connaissance partiellement.
D. Ah! Partiellement?
R C’est ce que j’ai dit, partiellement par monsieur Doyon que j’avais envoyé faire un voyage à Miami, envoyer c’est beaucoup dire, parce qu’il y avait un de ses amis qui l’a transporté pour une bonne partie du chemin gratuitement. Là il avait eu un contact lui aussi avec la police de Miami et à lui on lui avait montré et, lui, il avait pris quelques notes qui l’avaient frappé. Là-dedans. Et, quand il était revenu, il me les avait résumées, il m’avait fait comprendre ce qu’il y avait dedans. »
Cette circonstance explique probablement, mais ne justifie pas que monsieur Hébert commette diverses erreurs dans sa relation de la confession de Thompson, erreurs qui toutes cependant tendent à donner à cette confession une allure d’exactitude qu’elle ne possédait pas. Nous en relèverons trois en particulier.
À la page 144 de son deuxième volume, Monsieur Hébert écrit :
« Thompson a clairement dit à la police qu’il avait tué « Eugene Lindsey et son fils Richard de Hollidaysburg en Pennsylvanie ». Voilà des souvenirs fort précis si on considère que cinq ans et demi s’étaient écoulés depuis le meurtre. »
Or non seulement la confession écrite de Thompson ne contient aucune mention des noms et origines des victimes, mais les détectives de Miami ont aussi formellement nié que Thompson leur ait jamais fait semblable mention verbalement; tout au plus a-t-il parlé de chasseurs « père et fils ».
À la page 145 de son même ouvrage, monsieur Hébert écrit :
« Il parle de l’endroit où a été tué Eugène Lindsey avec un luxe de détails absolument troublant. Il décrit avec précision le camp 24 : une vieille cabane en planches près de laquelle il y en avait une autre, effondrée. »
Cette fois-ci, la citation de la confession est exacte, mais c’est la relation que fait monsieur Hébert avec le camp 24 qui est erronée : la photographie de ce camp montre, non pas que Thompson parle « avec un luxe de détails absolument troublant », mais bien au contraire qu’il donne une description bien éloignée de la vérité.
À la page 146 du même volume, monsieur Hébert ajoute :
« Mais ce qui, pour ceux qui connaissent l’affaire Coffin, est peut-être le point le plus intéressant de la déclaration de Thompson, c’est l’explication non sollicitée qu’il donne au sujet des sacs de couchage, des couvertures et de divers objets que les chasseurs avaient apportés au camp 24. Thompson dit qu’il a lancé ces objets le long de la route du Tom’s Brook, de la jeep en marche. »
Or, d’une part, Thompson ne parle nulle part dans sa confession de « sacs de couchage, et couvertures », non plus que du Tom’s Brook Road. D’autre part, et surtout, jamais n’a-t-il dit qu’il a lancé ces objets « de la jeep en marche ». Tout ce qu’il déclare, c’est que :
« About 10 miles from the scene of the crime the thermos and bloodstained jacket worn by (me), were thrown away. »
Voilà donc, dans le volume de monsieur Hébert, autant d’embellissements qui sont cependant inexacts et ne donnent pas une idée véritable de la portée de la confession de Thompson.
Il importe néanmoins de répondre à la question que se pose monsieur Hébert; à la page 48 de son ouvrage :
« Si Thompson est sain d’esprit, comme ceux qui l’ont interrogé et examiné le croient, pourquoi avouerait-il être un meurtrier alors qu’on le soupçonne d’avoir commis un vol insignifiant? »
Encore ici, il faut tout d’abord relever une erreur dans la question elle-même : Thompson n’était pas soupçonné d’un vol insignifiant. Il avait été détenu, à l’origine, pour « investigation of larceny » et il était maintenant sous le coup d’une accusation de « breaking and entering and grand larceny ». La preuve révèle – et Thompson le savait – qu’à cause de ses antécédents, Thompson devait s’attendre à une sentence d’au moins cinq ans de prison, et fort possiblement à une sentence plus sévère.
Dans ces circonstances, l’explication de Thompson est plausible et la preuve a révélé que l’on a déjà connu d’autres cas semblables : Thompson a manœuvré pour tenter d’obtenir son extradition au Canada et éviter l’emprisonnement imminent aux États-Unis.
Mais alors, demandera-t-on avec logique, où avait-il puisé les renseignements qui sont à la source de sa confession et qui, à première vue, la rendaient plausible, du moins pour les policiers américains qui n’étaient pas au fait des détails de l’affaire Coffin.
Suivant une opinion, il aurait été sinon le meurtrier, du moins un complice, ou un témoin, ou un confident du meurtrier.
La thèse de la complicité ou de la présence lors du meurtre ne tient pas plus que celle du meurtre même, et pour les mêmes raisons.
Thompson aurait-il cependant reçu des confidences dont il aurait fait l’usage que l’on sait? – La chose est possible, mais Thompson l’a niée avec véhémence et rien dans la preuve ne permet de vérifier cette hypothèse.
Pressé cependant de divulguer sa source d’informations, Thompson a expliqué qu’il avait logé, du milieu à la fin de 1953, chez une Dame Minnie Dean, à 139 Parliament, Toronto. Toujours d’après Thompson, cette Dame Dean, friande de romans de détectives et de « mystery stories », suivait régulièrement les reportages du « Toronto Globle and Mail » sur l’affaire Coffin et en discutait avec lui. C’est la qu’il aurait appris les divers détails dont il devait faire usage en 1958; il y ajouta simplement certaines précisions que lui suggéra un compagnon de détention avec lequel il crut bon à l’époque d’en discuter.
Encore ici, la Commission s’est attachée à vérifier les dires de Thompson et, encore ici, l’écoulement de onze années n’a pas facilité le travail.
D’une part, cependant, la Commission a pris connaissance des reportages publiés à l’époque dans le Globe and Mail. On y retrouve en effet une bonne partie des faits que Thompson a mentionnés dans sa confession.
D’autre part, la Commission s’est intéressée à vérifier les allées et venues de Thompson durant la période concernée. Il appert que véritablement, en 1953 et depuis une trentaine d’années auparavant, Mrs. Marion (Minnie) Dean, qui était veuve, vivait à139 Parliament, dans une maison qui lui appartenait et où elle exploitait un commerce de maison de chambres. Mrs. Dean est décédée le 25 décembre 1957, à l’âge de 74 ans.
D’après son petit-fils Richard Bernard Dean, elle était fort intéressée aux histoires de détectives et aux « mystères ». D’après Mrs. Clifford Daverick et sa fille Mrs. Violet Allen, Mrs. Dean était également une lectrice assidue des journaux quotidiens. Mrs. Allen ajoute qu’elle allait également avec Mrs. Dean voir fréquemment des films d’« horreur » que Mrs. Dean aimait particulièrement.
À l’époque, Richard Dean vivait presque continuellement chez sa grand-mère. Il se souvient très bien de la famille Daverick, qui y est demeurée trois ans et il a également reconnu, dans la photographie de Thompson, un chambreur qui était demeuré quelques mois chez sa grand-mère en même temps que les Daverick et était connu sous le nom de Gilbert. Le jeune Dean s’en souvient particulièrement, car Gilbert avait une physionomie d’indien qui avait frappé son imagination.
Monsieur et Madame Daverick ont aussi identifié la photographie de Thompson, et leur fille, devenue Mrs. Violet Allen, a pu fournir un élément d’une extrême précision qui corrobore la présence de Thompson chez Mrs. Dean durant l’année 1953. Elle avait, dit-elle, attendu avec impatience son 18e anniversaire de naissance. Or elle se trouva seule ce jour-là et, en désespoir de cause, elle décida d’entamer la conversation avec Gilbert, pour tenter de chasser l’ennui. Elle a aussi identifié la photographie de Thompson.
La Commission n’a aucune raison de douter des témoignages du petit-fils de Mrs. Dean et des trois membres de la famille Daverick. Or le 18e anniversaire de Mrs. Allen est tombé, d’après la preuve, le 19 juillet 1953 et, à ce moment-là, Thompson, sous le nom de Gilbert, demeurait en chambre chez Mrs. Dean.
Enfin, Mrs. Allen a ajouté qu’elle avait souvent vu Thompson converser avec Mrs. Dean. Thompson, pour sa part, déclare qu’il le faisait par politesse pour Mrs. Dean qui semblait se chercher un interlocuteur pour discuter, de jour en jour, des faits que les journaux rapportaient sur l’affaire Coffin.
Dans ces circonstances, la Commission ne se croit pas justifiée de rejeter à la légère l’explication de Thompson sur l’origine des renseignements dont il s’est servi pour bâtir sa confession de 1958 et, tenant compte de l’absence de toute preuve tendant à établir une autre conclusion, la Commission croit qu’il est plausible d’accepter la version de Thompson sur ce point : elle explique d’une façon satisfaisante à la fois l’origine de sa connaissance des faits qu’il a relatés et l’imprécision des détails qu’il a fournis. (À SUIVRE)
PARTIE VI, VOL. 2, CHAPIRE 1, EXTRAIT DU RAPPORT BROSSARD
L' INCIDENT THOMPSON
L’arrêté en conseil a donné mandat à la Commission de faire enquête « sur la crédibilité des déclarations faites par Francis Thompson à la police de Miami, en novembre 1958 ».
Pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, la Commission a donc enquêté sur tous les aspects de ce curieux incident et elle a, sur ce seul sujet entendu 36 témoins et recueilli 66 pièces à conviction.
L’étude de la matière suggère la division suivante :
I – LA PERSONNALITÉ DE FRANCIS GABRIEL THOMPSON;
II – LES ÉVÈNEMENTS DE MIAMI;
III- LE VOYAGE DU NOTAIRE J. CONRAD MOREAU;
IV – L’ALIBI DE THOMPSON
V – LA CRÉDIBILITÉ DE THOMPSON
VI – CONCLUSIONS
NOTA NE MANQUEZ PAS CE CHAPITRE DU RAPPORT BROSSARD SUR LE VOYAGE DU NOTAIRE MOREAU À MIAMI. C’EST ROCAMBOLESQUE, VOIRE ÉPOUSTOUFLANT… UN ROMAN TORDANT! DU JACQUES HÉBERT A SON MEILLEUR!
B) LES INTERROGATOIRES DE WILBERT COFFIN, MARION PETRIE ET LEWIS SINNETT ;
C) LE CAS DE VINCENT PATTERSON;
E) LES DEUX PRISONNIERS QUE L’ON AURAIT INCITÉS À TÉMOIGNER CONTRE COFFIN.
-V-
La crédibilité de Thompson
Après ce long périple, on arrive enfin à la question cruciale : quelle créance faut-il donner aux déclarations faites par Thompson à la police de Miami?
Évidemment, si l’on accepte l’alibi de Thompson, la réponse s’impose d’elle-même. Mais comme il n’existe pas de certitude absolue sur ce sujet, il importe d’examiner la question à son mérite, abstraction faite de cet alibi.
La confession de Thompson avait-elle une valeur quelconque en elle-même? Faut-il plutôt lui préférer sa rétractation? Que valent alors les explications de Thompson?
Notons, en guise de préliminaires, que Thompson n’a pas trop bonne presse auprès de ceux qui l’ont connu.
Warren Holmes, de Miami, a déclaré sans ambages qu’il ne croirait pas Thompson, même sous serment.
Son oncle, Moise Thompson, a déclaré devant la Commission que celui-ci est un menteur.
Sa sœur, Madame Cecilia Square, a raconté qu’un jour Thomson lui avait téléphoné de Toronto et n’avait finalement donné son nom véritable – pour permettre à sa sœur d’accepter les frais de l’appel – qu’après s’être inscrit sous deux noms d’emprunt différents; et c’était sa propre sœur qu’il appelait.
Par ailleurs, il a déclaré à la police de Miami qu’il lisait le français, mais ne pouvait pas lire l’anglais; la preuve devant la Commission a révélé que l’inverse était vrai.
Évidemment, cette propension de Thompson à plier la vérité à son caprice doit être tenue en ligne de compte vis-à-vis sa rétractation tout autant que sa confession même et il faudra faire appel à des éléments externes de corroboration pour essayer de faire le point. Mais nous commencerons par examiner la confession en elle-même.
À première vue, la confession de Thompson frappe l’imagination, car elle contient des références à des faits qui ont un rapport indiscutable avec le meurtre des chasseurs américains : meurtre à la carabine de deux chasseurs, père et fils, dans une région boisée à une certaine distance de Gaspé, vol d’environ $600.00 en argent sur la personne des victimes, ainsi que d’une bouteille thermos et d’une carabine, transport dans une jeep.
Mais si l’on fait, de cette confession non plus une simple lecture superficielle, mais une analyse réfléchie, on se rend compte que le véritable meurtrier ne pouvait pas ignorer des choses que Thompson passe sous silence, ni surtout commettre les erreurs flagrantes dont il se rend coupable. Par exemple, pour n’en relever que les plus importantes :
a) Les meurtres ont été commis en juin, non en septembre ou octobre;
b) L’événement est survenu dans la province de Québec, non dans le Nouveau-Brunswick;
c) La scène s’est passée à quelque 60 milles, non 20 milles de Gaspé;
d) Il n’y a pas eu de vol de jeep à Gaspé, à l’époque;
e) Il y a eu trois victimes, et non deux;
f) Il y avait, aux deux endroits concernés, plusieurs cabanes en bois, et non pas l’unique cabane de planches à laquelle Tompson se réfère avec certitude;
g) Plusieurs autres articles furent dérobés aux chasseurs, outre ceux que Thompson mentionne, dont le fameux couteau à usages multiples.
Il faudrait disserter longtemps pour expliquer que ces lacunes et, malgré leur constatation, relie Thompson par sa « confession » aux meurtres des chasseurs américains. Dans le chapitre 16 de son deuxième volume monsieur Jacques Hébert fait un effort considérable en ce sens. Malheureusement, il a admis devant la Commission qu’il n’avait pas vu lui-même le texte des aveux de Thompson : la police de Miami ne le lui avait pas montré. Plus tard cependant il en aurait obtenu un résumé de Monsieur Henri Doyon. Mais laissons plutôt parler monsieur Hébert :
« D À quel moment en avez-vous pris connaissance de ce questionnaire?
R J’en ai pris connaissance partiellement.
D. Ah! Partiellement?
R C’est ce que j’ai dit, partiellement par monsieur Doyon que j’avais envoyé faire un voyage à Miami, envoyer c’est beaucoup dire, parce qu’il y avait un de ses amis qui l’a transporté pour une bonne partie du chemin gratuitement. Là il avait eu un contact lui aussi avec la police de Miami et à lui on lui avait montré et, lui, il avait pris quelques notes qui l’avaient frappé. Là-dedans. Et, quand il était revenu, il me les avait résumées, il m’avait fait comprendre ce qu’il y avait dedans. »
Cette circonstance explique probablement, mais ne justifie pas que monsieur Hébert commette diverses erreurs dans sa relation de la confession de Thompson, erreurs qui toutes cependant tendent à donner à cette confession une allure d’exactitude qu’elle ne possédait pas. Nous en relèverons trois en particulier.
À la page 144 de son deuxième volume, Monsieur Hébert écrit :
« Thompson a clairement dit à la police qu’il avait tué « Eugene Lindsey et son fils Richard de Hollidaysburg en Pennsylvanie ». Voilà des souvenirs fort précis si on considère que cinq ans et demi s’étaient écoulés depuis le meurtre. »
Or non seulement la confession écrite de Thompson ne contient aucune mention des noms et origines des victimes, mais les détectives de Miami ont aussi formellement nié que Thompson leur ait jamais fait semblable mention verbalement; tout au plus a-t-il parlé de chasseurs « père et fils ».
À la page 145 de son même ouvrage, monsieur Hébert écrit :
« Il parle de l’endroit où a été tué Eugène Lindsey avec un luxe de détails absolument troublant. Il décrit avec précision le camp 24 : une vieille cabane en planches près de laquelle il y en avait une autre, effondrée. »
Cette fois-ci, la citation de la confession est exacte, mais c’est la relation que fait monsieur Hébert avec le camp 24 qui est erronée : la photographie de ce camp montre, non pas que Thompson parle « avec un luxe de détails absolument troublant », mais bien au contraire qu’il donne une description bien éloignée de la vérité.
À la page 146 du même volume, monsieur Hébert ajoute :
« Mais ce qui, pour ceux qui connaissent l’affaire Coffin, est peut-être le point le plus intéressant de la déclaration de Thompson, c’est l’explication non sollicitée qu’il donne au sujet des sacs de couchage, des couvertures et de divers objets que les chasseurs avaient apportés au camp 24. Thompson dit qu’il a lancé ces objets le long de la route du Tom’s Brook, de la jeep en marche. »
Or, d’une part, Thompson ne parle nulle part dans sa confession de « sacs de couchage, et couvertures », non plus que du Tom’s Brook Road. D’autre part, et surtout, jamais n’a-t-il dit qu’il a lancé ces objets « de la jeep en marche ». Tout ce qu’il déclare, c’est que :
« About 10 miles from the scene of the crime the thermos and bloodstained jacket worn by (me), were thrown away. »
Voilà donc, dans le volume de monsieur Hébert, autant d’embellissements qui sont cependant inexacts et ne donnent pas une idée véritable de la portée de la confession de Thompson.
Il importe néanmoins de répondre à la question que se pose monsieur Hébert; à la page 48 de son ouvrage :
« Si Thompson est sain d’esprit, comme ceux qui l’ont interrogé et examiné le croient, pourquoi avouerait-il être un meurtrier alors qu’on le soupçonne d’avoir commis un vol insignifiant? »
Encore ici, il faut tout d’abord relever une erreur dans la question elle-même : Thompson n’était pas soupçonné d’un vol insignifiant. Il avait été détenu, à l’origine, pour « investigation of larceny » et il était maintenant sous le coup d’une accusation de « breaking and entering and grand larceny ». La preuve révèle – et Thompson le savait – qu’à cause de ses antécédents, Thompson devait s’attendre à une sentence d’au moins cinq ans de prison, et fort possiblement à une sentence plus sévère.
Dans ces circonstances, l’explication de Thompson est plausible et la preuve a révélé que l’on a déjà connu d’autres cas semblables : Thompson a manœuvré pour tenter d’obtenir son extradition au Canada et éviter l’emprisonnement imminent aux États-Unis.
Mais alors, demandera-t-on avec logique, où avait-il puisé les renseignements qui sont à la source de sa confession et qui, à première vue, la rendaient plausible, du moins pour les policiers américains qui n’étaient pas au fait des détails de l’affaire Coffin.
Suivant une opinion, il aurait été sinon le meurtrier, du moins un complice, ou un témoin, ou un confident du meurtrier.
La thèse de la complicité ou de la présence lors du meurtre ne tient pas plus que celle du meurtre même, et pour les mêmes raisons.
Thompson aurait-il cependant reçu des confidences dont il aurait fait l’usage que l’on sait? – La chose est possible, mais Thompson l’a niée avec véhémence et rien dans la preuve ne permet de vérifier cette hypothèse.
Pressé cependant de divulguer sa source d’informations, Thompson a expliqué qu’il avait logé, du milieu à la fin de 1953, chez une Dame Minnie Dean, à 139 Parliament, Toronto. Toujours d’après Thompson, cette Dame Dean, friande de romans de détectives et de « mystery stories », suivait régulièrement les reportages du « Toronto Globle and Mail » sur l’affaire Coffin et en discutait avec lui. C’est la qu’il aurait appris les divers détails dont il devait faire usage en 1958; il y ajouta simplement certaines précisions que lui suggéra un compagnon de détention avec lequel il crut bon à l’époque d’en discuter.
Encore ici, la Commission s’est attachée à vérifier les dires de Thompson et, encore ici, l’écoulement de onze années n’a pas facilité le travail.
D’une part, cependant, la Commission a pris connaissance des reportages publiés à l’époque dans le Globe and Mail. On y retrouve en effet une bonne partie des faits que Thompson a mentionnés dans sa confession.
D’autre part, la Commission s’est intéressée à vérifier les allées et venues de Thompson durant la période concernée. Il appert que véritablement, en 1953 et depuis une trentaine d’années auparavant, Mrs. Marion (Minnie) Dean, qui était veuve, vivait à139 Parliament, dans une maison qui lui appartenait et où elle exploitait un commerce de maison de chambres. Mrs. Dean est décédée le 25 décembre 1957, à l’âge de 74 ans.
D’après son petit-fils Richard Bernard Dean, elle était fort intéressée aux histoires de détectives et aux « mystères ». D’après Mrs. Clifford Daverick et sa fille Mrs. Violet Allen, Mrs. Dean était également une lectrice assidue des journaux quotidiens. Mrs. Allen ajoute qu’elle allait également avec Mrs. Dean voir fréquemment des films d’« horreur » que Mrs. Dean aimait particulièrement.
À l’époque, Richard Dean vivait presque continuellement chez sa grand-mère. Il se souvient très bien de la famille Daverick, qui y est demeurée trois ans et il a également reconnu, dans la photographie de Thompson, un chambreur qui était demeuré quelques mois chez sa grand-mère en même temps que les Daverick et était connu sous le nom de Gilbert. Le jeune Dean s’en souvient particulièrement, car Gilbert avait une physionomie d’indien qui avait frappé son imagination.
Monsieur et Madame Daverick ont aussi identifié la photographie de Thompson, et leur fille, devenue Mrs. Violet Allen, a pu fournir un élément d’une extrême précision qui corrobore la présence de Thompson chez Mrs. Dean durant l’année 1953. Elle avait, dit-elle, attendu avec impatience son 18e anniversaire de naissance. Or elle se trouva seule ce jour-là et, en désespoir de cause, elle décida d’entamer la conversation avec Gilbert, pour tenter de chasser l’ennui. Elle a aussi identifié la photographie de Thompson.
La Commission n’a aucune raison de douter des témoignages du petit-fils de Mrs. Dean et des trois membres de la famille Daverick. Or le 18e anniversaire de Mrs. Allen est tombé, d’après la preuve, le 19 juillet 1953 et, à ce moment-là, Thompson, sous le nom de Gilbert, demeurait en chambre chez Mrs. Dean.
Enfin, Mrs. Allen a ajouté qu’elle avait souvent vu Thompson converser avec Mrs. Dean. Thompson, pour sa part, déclare qu’il le faisait par politesse pour Mrs. Dean qui semblait se chercher un interlocuteur pour discuter, de jour en jour, des faits que les journaux rapportaient sur l’affaire Coffin.
Dans ces circonstances, la Commission ne se croit pas justifiée de rejeter à la légère l’explication de Thompson sur l’origine des renseignements dont il s’est servi pour bâtir sa confession de 1958 et, tenant compte de l’absence de toute preuve tendant à établir une autre conclusion, la Commission croit qu’il est plausible d’accepter la version de Thompson sur ce point : elle explique d’une façon satisfaisante à la fois l’origine de sa connaissance des faits qu’il a relatés et l’imprécision des détails qu’il a fournis. (À SUIVRE)
12 commentaires:
Qu'est-ce que nos amis les fans de feu Jacques le Sénateur pensent de ça?
Anonyme car trop jolie
Où sont les défenseurs de Coffin. Ils se sont abreuvés des sornettes et des fabulations de Jacques Hébert et maintenant ils n'ont plus rien à dire.
P. Gingras
Revenu de Gaspé avec le jeune Lindsey, Coffin dit:
- Ne perdez pas votre temps à installer cette foutue pompe. Vous êtes venus ici pour chasser, non? Un pote à moi s'amène ici, demain matin, pour prospecter. On l'appelle Grand Oiseau tacheté. Lui et sa jolie petite dame ont opéré un poste d'essence pendant des années. On va vous l'installer, cette damnée pompe, et on ira vous livrer votre camionnette avant demain soir, c'est Coffin qui vous le dit. En attendant, montez. Je vous conduis à votre camp.
- Merci, Wilbert, dirent les chasseurs, heureux de la tournure des événements.
- Appelez-moi Bill.
Bill convainquit le trio de chasser à partir de deux camps différents et assez éloignés l'un de l'autre.
- Vous doublez vos chances d'apercevoir des ours.
- Pas bête, acquiesça Eugene.
C'est en sifflotant que les Américains vidèrent leur camionnette et s'entassèrent dans celle de leur serviable ami Coffin.
Voilà qui explique pourquoi tant de choses ayant appartenu aux chasseurs américains se sont retrouvées dans la camionnette de Coffin (que Bill Baker lui avait prêtée): sirop d'érable, valise du jeune Claar, les sacs de couchage, etc.
P. Gingras
Me Fortin,
Il souffle un vent de folie présentement dans le cerveau d'un
certain blogger .La folie devient parfois du génie , qui sait ?
Qui pourrait-être ce mystérieux couple si complaisant ?
Comment appelle-t-on un troou d'un coup au golf ? un EAGLE ou un BIRDIE ?
Le sergent Doyon a dit à la Commission Brossard que le pick-up de Coffin-Baker n'avait jamais dépassé le camp #21 suite à la rencontre Coffin-Chasseurs.
Ce pick-up avait des chaines et celles-ci n'étaient visibles qu'en cet endroit.
Sur une des photos non développées de la caméra du jeune Claar un expert en photo de la sûreté et le juge Doiron ont identifié deux personnes portant de longs imperméables transbordant des objets d'un pick-up à un autre véhicule .
Il a plu abondamment le 10 juin 53.
Allez sur le blog de Lew stoddard,il y a un nouveau message de Lani Baker-Mitchell,
un update sur la situation présente du King .IL EST VIVANT !!!
Des nouvelles de M. Stoddard.
Lisez le texte de Mme Lani Baker Mitchell en composant le lien suivant:
http://stoddardsviews.blogspot.com/
Je suis heureux d'apprendre que M. Stoddard sera de retour prochainement. Je lui souhaite un prompt rétablissement.
News about Mr. Stoddard from Mrs. Lani Baker Mitchell. Read her post on Lew Stoddard Online.
I am sorry to learn that he had been ill.
With my good wishes for his swift recovery.
Bienvenu à notre cher comédien Lew!
Jean-Loup Loubier, Rivière-du-Loup
Me Fortin:
Le lien que vous avez mis vers Détective Stoddard n'est pas cliquable. Pouvez-vous l'arranger?
Nous voulons aller chez Lew! Nous voulons aller chez Lew!
Merci beaucoup.
Took me time to read the whole article, the article is great but the comments bring more brainstorm ideas, thanks.
- Johnson
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