16 octobre 2018

Le calvaire de l’écrivain : la correction Par Me Clément Fortin, avocat à la retraite





Le calvaire de l’écrivain : la correction

Par Me Clément Fortin, avocat à la retraite


L’écriture est un long processus qui est suivi de quelques étapes pénibles pour l’auteur ; la correction des épreuves étant la plus désagréable. Souvent, on ne vous soumet pas l’épreuve de votre texte avant de le publier. Ce n’est pas dans les habitudes de notre revue, vous signale-t-on. On vous réserve des surprises. Pire encore, pour le même motif, on refuse de publier un errata dans le prochain numéro.

            Voici quelques perles qui ont surgi dans mes écrits : acception est devenue acceptation ; perpétrer un crime, perpétuer un crime ; procureur de la défense, procureur de la dépense ; un morceau de plancher, un monceau de plancher ; obscuration a été remplacée par obscurcissement. Larousse le définit ainsi : Action d'obscurcir ou fait de s'obscurcir ; état de ce qui est sans clarté : L'obscurcissement de la ville pendant le black-out.

            Durant la Deuxième Guerre mondiale, on a soumis les Gaspésiens à l’obscuration. En France, on a retenu le mot black-out, cependant qu’au Québec on a créé un néologisme dont la définition est « l’élimination totale de toute lumière visible de l’extérieure la nuit par mesure de défense au cours d’une guerre ». Vous trouverez ce québécisme dans le Dictionnaire nord-américain de Louis-Alexandre Bélisle. Cette liste pourrait s’allonger, mais je vous en fais grâce.


            À titre d’avocat, j’avais rédigé tous les documents pertinents à la création d’un organisme sans but lucratif. À mon insu, on les avait corrigés en remplaçant « organisme sans but lucratif » par « organisme  à but non lucratif ». Pourtant, la loi, tant québécoise que fédérale, n’utilise que l’expression « sans but lucratif ». La loi française également. L’expression « à but non lucratif » est contraire au génie de la langue française. On tente d’exprimer un concept en opposant une expression positive  « à but » (absente des dictionnaires) à une expression négative « non lucratif ». Quel charabia!

            Je vous signale que l’Office de la langue française propose les deux expressions. Il faut reconnaitre qu’elle ne prend pas toujours d’heureuses décisions.

Termes privilégiés



organisme sans but lucratif   n. m.
OSBL   n. m.
organisme à but non lucratif   n. m.
OBNL   n. m.

            Pour décrire des réalités du passé québécois, l’usage du Dictionnaire nord-américain de Louis-Alexandre Bélisle, du Glossaire du parler français au Canada et du New Dictionary of Americanisms de Sylva Clapin s’impose. Au fait, c’est une correctrice qui m’a convaincu d’ajouter un glossaire à mon roman historique Les amours du Pied-de-la-Côte. Plusieurs mots que vous utilisez, m’a-t-elle dit, ne se retrouvent plus dans les dictionnaires usuels. À la blague, je lui ai dit qu’on les avait éliminés pour faire place à des mots anglais. En fin de compte, plusieurs lecteurs m'ont affirmé que ce glossaire leur avait permis de mieux comprendre mon récit.

            L’auteur assume la responsabilité de toutes les perles qu’on ajoute à ses textes au moment de la correction. Pourtant, les siennes lui suffiraient. Et, lui seul, en porte tout l’odieux.